Madagascar: Comme les Bara, un chercheur propose de traiter les sauterelles comme «une plante» et non comme un fléau

Mieux étudier les usages et croyances des différents peuples malgaches pourrait permettre d'agir avec plus de pertinence en matière de préservation de l'environnement et de gestion des catastrophes. C'est le postulat avancé par Tsiory Randriamanantena, anthropologue malgache, qui a récemment étudié le rapport entre l'ethnie Bara, population du centre-sud de Madagascar, et la sauterelle.

Les initiatives environnementalistes sur l'île sont-elles compatibles avec les réalités locales ? Pas toutes, répond Tsiory Randriamanantena, qui a passé les huit derniers mois dans des zones enclavées du peuple Bara. Ces pasteurs semi-nomades ont un rapport très particulier avec la nature, et notamment avec la sauterelle.

« Ils considèrent cet être non pas comme un animal, mais ils la traitent plutôt comme une plante. Et d'ailleurs, ils rattachent cet insecte à des esprits que l'on appelle Helo, qui sont des esprits de la vie et de la nature auxquels ils croient. Chez cette population, la catégorisation animale versus végétal, ou minéral versus organique, n'existe pas. »

Cette classification des êtres vivants est donc différente de celle habituellement utilisée, tout comme la manière de voir et de penser le monde chez les Bara. « Ce que cela nous apprend, c'est que, par exemple, les invasions acridiennes ne sont pas forcément considérées comme étant une calamité. Au contraire. C'est la joie dans le village quand il y a une invasion parce qu'on amasse suffisamment de stocks de sauterelles pour pouvoir résister à la période de soudure. Donc, ils sont plutôt joyeux et contents quand les premiers nuages de sauterelles apparaissent au loin. »

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« Ramasser toutes ces sauterelles compense les pertes de récolte »

L'anthropologue poursuit. « Mieux comprendre ces différences culturelles et ces croyances est extrêmement important ; cela nous permet d'avoir des points de vue nuancés et de mieux identifier les initiatives à prendre. Parce qu'à l'heure où l'on qualifie ces invasions acridiennes de fléaux à Madagascar, il faut se rappeler que chez les Bara, certes les sauterelles ravagent aussi les cultures, mais le bénéfice qu'ils trouvent à ramasser toutes ces sauterelles compense au moins psychologiquement les pertes de récolte. »

Ces observations remettent en question l'épandage de pesticides, souvent recommandé dans les stratégies de lutte contre les criquets.

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