Les coulisses de la politique sportive camerounaise sont feutrées. La semaine dernière, nous avons assisté à un duel ouvert qui n'était plus latent, sur le choix du stade qui devrait abriter le match opposant le Cameroun à la Namibie. Cet avant-match a cristallisé des tensions dépassant le simple cadre sportif, puisque des injures pleuvaient des deux côtés parmi les spectateurs. L'affrontement entre le Ministère des Sports, représenté par le ministre Mouellé Kombi, et la Fédération Camerounaise de Football (Fecafoot), dirigée de fait par Samuel Eto'o Fils, a atteint un point critique.
Bien que l'opinion des intellectuels était convaincue que la rencontre se tiendrait à Yaoundé, sous l'égide du ministre, la décision finale de jouer à Garoua a révélé les arcanes d'une diplomatie politique discrète mais redoutable, qui s'est jouée au profit d'une des parties. Je vais vous expliquer. Le déplacement du match à Garoua s'apparente à une sanction tacite, infligée à ceux qui, dans le camp du Ministère des Sports, ont osé franchir des lignes que le pouvoir ne saurait tolérer. L'entraîneur Marc Brys, ayant publiquement offensé l'icône nationale Samuel Eto'o, a ainsi déclenché une série de tensions dans l'opinion publique camerounaise et même africaine.
Dans cette affaire, il ne s'agissait pas tant de protéger Eto'o que de réaffirmer l'autorité de l'État, qui, après avoir sommé Eto'o de présenter des excuses publiques lorsqu'il avait été discourtois envers le Belge, ne pouvait laisser l'affront de Brys impuni. En politique comme en football, l'équilibre des forces exige des ripostes symétriques, et ce choix de Garoua se présente comme une forme d'humiliation pour l'entraîneur, rappelé à la réserve par le ministre lui-même lors des réunions d'avant-match.
Ainsi, en présidant le match dans la ville du Nord, Mouellé Kombi n'a pas seulement encaissé le coup porté par son entraîneur, mais il a, d'une certaine manière, accepté la sanction infligée par l'État. Ce dernier, dans son rôle d'arbitre ultime, joue savamment de ces rivalités internes, laissant chaque camp marquer son point avant de rétablir l'ordre à sa convenance. Actuellement, le score semble à égalité : un but partout entre les intellectuels du ministère et les partisans d'Eto'o, mais la partie est loin d'être terminée. L'État, tel un spectateur omniprésent mais discret, n'a pas pour ambition de prendre parti. Tous, ministres comme figures publiques, sont sous sa vigilance.
Pourtant, Samuel Eto'o, malgré son aura populaire, reste dans le viseur. Son ambition démesurée et sa tendance à outrepasser les directives officielles l'ont placé sous une surveillance accrue. À chaque faux pas, il sera rappelé à l'ordre, jusqu'à ce que la prochaine élection de la Fecafoot se profile à l'horizon. Là, son avenir à la tête de l'institution pourrait bien être compromis, le ministère pouvant désormais avoir la mainmise sur la supervision du scrutin. Néanmoins, dans cette configuration, le pouvoir pourrait encore préférer garder Eto'o au sein de la Fecafoot, où il est plus aisé de contenir son influence, plutôt que de le voir évoluer ailleurs, potentiellement incontrôlable.
Cette affaire, qui, au départ, semblait anodine, révèle en réalité les luttes d'influence complexes et les jeux de pouvoir qui se trament dans l'ombre des sphères politiques et sportives du Cameroun. C'est un chapitre supplémentaire dans cette guerre froide où, malgré les apparences, chaque geste, chaque parole, chaque décision a un poids stratégique majeur. Nous sommes dans un cas classique de science politique, et pour cela, je vous invite également à lire cet article de Darren Lambo Ebellé relayé sur camer.be par notre consoeur Huguette Manyim.