Afrique: La sécurité foncière pour les communautés - Condition sine qua non à une lutte efficace contre la dégradation des terres, la désertification et les changements climatiques.

communiqué de presse

Cette semaine, la Conférence des Ministres Africains sur l'Environnement tient sa 10ème session extraordinaire sur le thème « Renforcer les ambitions de l'Afrique pour réduire la dégradation des terres, la désertification et la sécheresse ». L'une des conditions à l'atteinte de cet objectif est le renforcement de la sécurité foncière des communautés locales et des peuples autochtones

Dans bon nombre de pays africains, la terre est porteuse de plusieurs enjeux et elle est appréhendée de manière très divergente. Pour les communautés, les terres et les forêts sont la source de tous les biens nécessaires à leur survie. Pour l'Etat, il s'agit d'une source de revenus pour financer le développement - ou pour s'enrichir. Pour le secteur privé en général et les multinationales en particulier, les terres sont le moyen de faire du profit. De ce fait, les problèmes qui découlent de la gestion des terres sont complexes et multifacettes.

Aujourd'hui, l'Afrique fait face à plusieurs crises liées à la terre, notamment la désertification, la dégradation des terres et les changements climatiques. Ces crises multiples ont des impacts négatifs sur la productivité des terres, la biodiversité et les écosystèmes. C'est ce que mettent en avant la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CNULD), la Déclaration de New York sur les forêts, l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), l'Appel du Secrétaire général des Nations Unies, La Banque Mondiale (BM), l'Objectif de Développement Durable (ODD) 15, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE).

L'État des lieux dressé par ces agences - dont certaines ont contribué à la situation qu'elles dénoncent - révèle que la situation est très critique. Selon un rapport publié par la FAO en 2017, 65% des terres africaines parmi lesquelles 75% de surfaces arables sont dégradées. En 2010, l'UNEP annonçait que 500 millions de personnes en Afrique sub-saharienne étaient affectées par la dégradation des terres. Chaque année, environ 3 millions de superficie arable et de forêts connaissent une baisse de productivité, avec des pertes de fertilité liées à l'érosion, à l'épuisement des sols et à la déforestation.

La forêt du bassin du Congo, qui s'étend sur plus de trois millions de km2, est la deuxième plus grande forêt tropicale du monde après l'Amazonie. La région abrite plus de 10 000 espèces de plantes, 1 000 espèces d'oiseaux, 700 espèces de poissons et 400 espèces de mammifères. La déforestation annuelle est passée de 0,13 % entre 1990-2000 à 0,26 % de 2000-2005. Un rapport du CIFOR publié en 2022 indique que "depuis 2009, le taux annuel des perturbations a augmenté dans tous les pays d'Afrique centrale. Si la tendance actuelle se poursuit, la République démocratique du Congo aura perdu 22 % de ses forêts humides d'ici 2050, leur surface passant de 116,9 millions d'hectares en 2020 à 91 millions d'hectares en 2050. La superficie des forêts humides non perturbées de la région passera quant à elle de 105,8 à 71,4 millions d'hectares".

Une autre étude indique qu'en 2021 la déforestation en République centrafricaine et au Cameroun aurait progressé de 71 % et de 25 % respectivement, par rapport à la période 2018-2020. La RDC et la Guinée équatoriale auraient enregistré des progressions plus faibles (respectivement 3 % et 8 %), alors que le Gabon et la République du Congo ont connu une baisse du phénomène.

C'est en République du Congo précisément que l'ONU a récemment fait montre de mépris pour les droits des communautés locales en affichant son parti pris pour une conception pro-business de la question foncière. En visite d'écoblanchiment dans le parc national de Conkouati-Douli, l'aire protégée la plus biodiverse du pays, la Vice sécrétaire-générale Amina Mohammed a cru bon d'ignorer le permis d'exploration pétrolière que les autorités ont attribué en février dernier à une nébuleuse compagnie chinoise.

En effet, les politiques de développement prônées par la "communauté internationale" perpétuent très souvent le modèle colonial d'exploitation des ressources naturelles qui a conduit à l'accaparement des quelques 50 millions d'hectares actuellement sous concession forestière dans le bassin du Congo, ainsi qu'à la conversion des forêts pour l'agro-industrie et l'activité minière. Le rôle de l'UNESCO dans le greenwashing de la géante plantation camerounaise Sudcam, au bord d'une réserve naturelle classée au patrimoine mondial, en est un parfait exemple. Actuellement, l'Initiative pour les forêts de l'Afrique centrale (CAFI), dont le secrétariat est assuré par le PNUD, prépare la RD Congo pour la levée d'un moratoire en place depuis 2002 sur l'attribution de nouvelles concessions forestières.

Les effets de ces crises frappent de plein fouet les populations rurales et les peuples autochtones. Ils ne sont pas les auteurs majeurs de la dégradation des terres mais ils paient un lourd tribut à la politique du profit à tout prix. Souvent précédée par le déplacement arbitraire de populations et dépourvue de mesures compensatoires équitables, la dégradation des terres entraîne :

La réduction de la fertilité des sols et de la productivité agricole affectant ainsi la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés locales. Les populations sont obligées de fournir plus d'efforts pour de très faibles rendements

La perte des services écosystémiques offerts par la biodiversité

L'augmentation de la vulnérabilité des sols aux changements climatiques : l'érosion des sols, les glissements de terrain et les inondations affectent davantage les terres dégradées et engendrent une kyrielle de catastrophes: la destruction des infrastructures, réduction ou rupture de la fourniture des services sociaux de base et enfin les pertes de vies humaines.

Les conflits pour l'accès aux ressources

La réduction des revenus et de la qualité de vie avec pour conséquence une pauvreté systémique et endémique.

Vu la nécessité de leur participation active pour la réussite des initiatives de restauration, il est plus que temps, qu'en concevant les politiques foncières, les programmes et projets de lutte contre la dégradation des terres, que la sécurité foncière soit garantie légalement aux communautés pour ne pas créer de problèmes supplémentaires. Elles sont les premières à savoir si ou dans quelle mesure les "solutions" telles que l'afforestation et la reforestation peuvent aider à redonner au sol sa santé. Si des mesures ne sont pas prises, les communautés locales et autochtones, et de manière particulière les femmes et les jeunes, se verront encore déposséder de leurs terres au nom de la lutte contre la dégradation des terres, la désertification, la sécheresse et les changements climatiques.

Les avantages de la sécurité foncière pour les communautés dans la lutte contre la dégradation des terres sont nombreux et notoires. Les droits fonciers sécurisés :

Permettent aux populations rurales d'avoir accès aux informations, de participer à la prise de décision et de contrôler l'utilisation et la gestion de leurs terres et d'être acteur et auteur de leur développement. Cette sécurité foncière leur permettrait donc d'équilibrer les rapports de force pour qu'elles fassent face aux prédations du secteur privé ou public.

Ils encouragent les communautés à préserver la biodiversité qu'abritent les terres qu'elles occupent, car il est difficile de protéger ce qui ne nous appartient pas ;

Ils aident à prévenir les conflits fonciers inter et intra communautaires.

C'est sans appel, il faut garantir aux communautés locales et aux peuples autochtones la sécurité foncière sur leurs terres et territoires de vie. C'est un préalable nécessaire pour une lutte efficace contre la dégradation des terres, la désertification et la lutte contre les changements climatiques.

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