Des soupçons de corruption autour de la construction d'un grand hôtel à N'Djaména,ont ravivé le débat sur la corruption dans le pays.
Cette mobilisation contre la corruption, fait suite aux révélations du site d'information Médiapart sur des soupçons de corruption autour de la construction d'un grand hôtel à N'Djaména, une affaire qui a entraîné des perquisitions en France et en Belgique.
Plusieurs cadres de CFE, la société belge de bâtiment et travaux publics, chargée du chantier, ont été auditionnés, car ils sont suspectés d'avoir corrompu des officiels tchadiens.
L'histoire a débuté il y a une dizaine d'années, lors de la construction d'un grand hôtel géré par la chaîne Radisson Blu dans la capitale tchadienne. L'établissement a été livré en 2017, mais l'intégralité de la facture n'a jamais été payée.
C'est pour récupérer les 60 millions d'euros que l'Etat tchadien devait encore à l'entreprise belge CFE que des pots-de-vin auraient été versés.
En raison de la complexité du dossier, beaucoup de responsables politiques n'ont pas souhaité se prononcer sur ce nouveau scandale financier. Mais celui-ci vient rappeler la persistance de la corruption au Tchad.
Des pots-de-vin à payer
Pour obtenir un marché public ou être éligible à un projet, il faut en effet souvent accepter de payer des pots-de-vin. La pratique n'est pas institutionnalisée, mais certains responsables exigent ce type de versement comme préalable et, souvent, il s'agit de 10 % du montant total du contrat.
Des pratiques que dénonce Jacques Ngarassal Saham, activiste des droits humains et militant anticorruption.
"Le phénomène des 10 % dans l'octroi des marchés publics, ou encore pour avoir accès au financement des projets, menace et secoue dangereusement notre pays depuis des décennies. Ce sont des pratiques courantes et ces pratiques sapent le développement de notre pays", estime Jacques Ngarassal.
Foulah Baba Isaac est président de l'Association de lutte contre la corruption et les malversations économiques au Tchad et il déplore l'impunité dont bénéficient les actes de corruption.
"Le Tchad a souvent été cité dans des histoires de corruption. Même dans les classements de Transparency International, le Tchad n'occupe toujours pas une bonne place. C'est un pays qui est fragilisé par les pratiques de corruption et n'importe qui peut jouer librement comme il le veut. Au Tchad, personne n'est condamné pour des actes de corruption".
"Du sommet de l'Etat à toutes les structures"
Pour Max Kemkoye, président du parti Union des démocrates pour le développement et le progrès, cette situation est la conséquence de l'absence d'autorité de l'Etat.
"C'est l'absence d'institutions fortes qui fait prospérer cette délinquance financière qui va du sommet de l'Etat à toutes les structures administratives centrales et territoriales, avec des embranchements dans les structures extra-étatiques et des tentacules à l'extérieur, faisant intervenir tous les réseaux des faussaires et autres trafiquants spécialisés dans le blanchiment d'argent, et autres crimes économiques, qui affaiblissent notre pays depuis 30 ans".
Contacté, le porte-parole du gouvernement tchadien, Abderamane Koulamallah, et le ministre de la Justice, Abderahim Bremet, n'ont pas donné suite à notre demande d'interview sur le sujet.
Pourtant, conscient de la situation, le président tchadien, Mahamat Idriss Déby, avait lui-même annoncé, le 10 août dernier, dans son discours à la veille de la célébration des 64 ans d'indépendance du Tchad, un accroissement de la lutte contre la corruption.