Afrique du Sud: Le livre «Patient 12A» cherche à «déstigmatiser les questions de santé mentale»

En Afrique du Sud, la publication du livre Patient 12A re-pose la question de la santé mentale et de sa prise en charge dans le pays. Lesedi Molefi y fait le récit de ses 24 jours passés en clinique psychiatrique en 2016, alors qu'il avait 25 ans. Il y mêle la description de la vie quotidienne au sein de cet établissement, la relecture de son histoire familiale et le poids du passé dans le pays. Dans ce tout premier livre, cet auteur met des mots sur une thématique encore assez taboue au sein de la nation arc-en-ciel.

Pensant au début ne rester que quelques jours dans cette clinique, Lesedi Molefi y aura finalement passé presqu'un mois. Il s'y est présenté de lui-même, ne parvenant plus à prendre soin de sa santé mentale. « Je savais que quelque chose n'allait pas, explique-t-il. Je ne ressentais plus rien. J'étais aussi en burn-out, au travail. Je réprimais tout, et je ne m'exprimais plus, je ne pouvais plus apprécier les choses. Tout cela, c'étaient des signes assez clairs, mais c'étaient juste des symptômes d'un problème beaucoup plus grand. »

« Fait-on suffisamment d'efforts pour parler de notre passé commun, en Afrique du Sud ? »

Au cours de son séjour, le jeune homme est parti à la redécouverte de son passé familial, avec une mère elle aussi victime de traumatismes et d'une maladie mentale, un père absent et une enfance très chaotique. Un travail qui lui a permis d'aller mieux : « C'est le message central de mon livre : il est très important d'arriver à composer avec son passé, sans essayer de le faire disparaitre, car c'est ce qui mène à la dépression. Et si on étend cette idée, et qu'on considère que l'Afrique du Sud est une grande famille, alors il faut se demander si l'on fait suffisamment d'efforts pour parler de notre passé ensemble, et de la souffrance qui est là, entre nous. »

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Patient 12A prend la forme d'un mémoire, et non d'une fiction, puisqu'il était important pour Lesedi Molefi de partager ce qu'il a vraiment vécu. « Déjà, je pense qu'il est essentiel de déstigmatiser les questions de santé mentale, souligne-t-il. Et puis, je voulais surtout partager les outils que j'ai acquis à la clinique pour qu'ils soient plus accessibles, car la majorité des gens n'a pas les moyens de payer de tels établissements ».

Loin d'être un texte sombre, Patient 12A raconte aussi les liens touchants que l'auteur crée avec les autres patients et les soignants, et les discussions profondes qui émergent de ces rencontres.

En Afrique du Sud, «seule une personne sur dix avec une maladie mentale a accès à un accompagnement» Le manque d'accès prive de nombreux Sud-Africains, qui auraient besoin d'un accompagnement similaire, de pouvoir recevoir des soins adaptés, comme l'explique Cassey Chambers, directrice des opérations du Groupe sud-africain sur la dépression et l'anxiété (Sadag) : « Les données que l'on a sur la santé mentale en Afrique du Sud montrent que le sujet devrait être une priorité puisque les chiffres indiquent qu'un Sud-Africain souffre ou souffrira d'une maladie mentale au cours de sa vie. »

Elle poursuit : « Et lorsque l'on se penche sur l'accès aux soins et aux traitements disponibles dans le pays, où il n'y a pas suffisamment d'hôpitaux, de docteurs, de médicaments, pour répondre aux besoins croissants, les statistiques actuelles montrent que seule une personne sur dix avec une maladie mentale a accès à un accompagnement. Et c'est choquant. »

Cassey Chambers conclut : « La stigmatisation est également toujours un gros problème, c'est quelque chose que l'on observe mondialement, mais surtout ici en Afrique du Sud, où il y a tant de personnes qui ont peur de demander de l'aide, ou même simplement de parler de leurs symptômes avec leurs amis ou leur famille. Mais plus globalement, nous savons que moins de 5 % du budget de la santé est dédié aux questions de santé mentale. Il faut que cela change, il faut que le budget accompagne les secteurs où il y a des besoins. »

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