« Changer le discours sur le suicide » : telle est la thématique de la Journée mondiale de prévention du suicide, célébrée le 10 septembre. En Afrique, où le suicide reste un problème de santé publique souvent tabou, la Côte d'Ivoire et le Ghana prennent des mesures significatives pour sensibiliser et améliorer la prise en charge des personnes en détresse. Avec un taux de 11 suicides pour 100 000 habitants, contre une moyenne mondiale de 9 pour 100 000, les jeunes âgés de 15 à 29 ans sont les plus concernés.
En Côte d'Ivoire, à l'occasion de la Journée internationale dédiée à la prévention du suicide, les autorités sanitaires ont organisé une journée de sensibilisation. Cet événement a principalement réuni des professionnels de la santé, des étudiants et des responsables d'ONG communautaires.
Parmi les intervenantes, Miss Zézé Dressia, une étudiante, a présenté une série de photos sur la dépression, un sujet qu'elle connaît bien. Au micro de notre correspondante à Dakar, Bineta Diagne, elle explique : « Ma relation avec mes parents, surtout avec ma mère, était très compliquée. À plusieurs reprises, j'ai voulu en finir avec ma vie. Mais je ne l'ai pas fait, car j'ai fini par comprendre la valeur de mon existence. Je me suis dit : "Je suis encore jeune, j'ai le temps". »
La jeune femme ajoute qu'elle a hésité à chercher de l'aide à cause des préjugés sociaux entourant la dépression et le suicide. « Il était difficile de me confier. On craint d'être jugée, de se faire pointer du doigt. Alors, on garde tout pour soi. »
Renforcement des dispositifs anti-suicide en Côte d'Ivoire
Le ministère de la Santé a recensé près de 418 cas de suicides entre 2019 et 2021. Face à cette situation, les autorités ivoiriennes ont décidé de renforcer les dispositifs d'écoute et de soutien. Le professeur Médard Koua, directeur du Programme national de la Santé mentale, a annoncé la mise en place du 143, une ligne téléphonique gratuite, disponible 24h/24 et 7j/7.
Cette ligne permet aux personnes en détresse de recevoir un soutien psychologique immédiat, assuré par des psychologues en ligne. « D'ici 2025, la Côte d'Ivoire prévoit de recruter des psychologues dans les hôpitaux publics pour rendre ces consultations plus accessibles et ne pas les limiter aux cliniques privées », précise-t-il.
Le gouvernement travaille également à accroître la visibilité des centres de prise en charge psychologique dans le Grand Abidjan et prévoit la construction d'un nouvel hôpital psychiatrique à Bingerville.
Décriminalisation au Ghana
Dans de nombreux pays africains, le suicide reste un sujet tabou, et dans certains cas, il peut même entraîner des poursuites judiciaires. Le Ghana a réalisé une avancée significative en la matière, décriminalisant les tentatives de suicide en 2022. Cette réforme est saluée par le psychiatre Kwabena Kusi-Mensah, joint par Christina Okello.
Il y a 7 ou 8 ans, j'ai organisé une formation pour les juges afin de leur expliquer que la tentative de suicide est un appel à l'aide, et non un crime. À l'époque, ils m'ont dit : 'On comprend, docteur, mais on veut que le suicide reste encadré par la loi pour dissuader les gens.'
Christina Okello Malgré cette avancée, le manque de structures de soutien continue d'être une entrave. « Dans mon université, par exemple, il n'y a qu'un seul psychologue pour des milliers d'étudiants », déplore le psychiatre. Pour pallier cette carence, des plateformes de dialogue ont été mises en place à travers le continent pour encourager les personnes à parler du suicide. Kwabena Kusi-Mensah conclut : « Parler, fournir un accès aux soins, mettre en place des lignes téléphoniques d'urgence et lutter contre la stigmatisation sont essentiels pour réduire le taux de suicide, notamment chez les jeunes. »