Au Mali, une ordonnance inscrite au Journal officiel du 30 août et diffusée lundi 9 septembre au soir instaure un nouveau statut pour les magistrats maliens. Le texte a été adopté en Conseil des ministres, il doit encore être ratifié par le Conseil national de transition. Le nouveau statut ne prévoit pas de changements majeurs pour les droits et obligations des magistrats, mais encadre davantage leur liberté d'expression. Ce qui soulève certaines inquiétudes dans un contexte de Transition où l'indépendance de la Justice est largement mise à l'épreuve.
Seize pages et plusieurs centaines d'articles qui encadrent les droits, les garanties, le mode de nomination ou de suspension des magistrats.
L'avocat malien Oumar Berté, également chercheur associé à l'Université de Rouen en politique et droit public, relève quelques changements : en premier lieu un abaissement du niveau requis puisqu'il fallait jusqu'à présent disposer d'une maîtrise de droit pour passer le concours des « auditeurs de Justice », permettant de devenir magistrat. Dorénavant, une simple licence suffira.
La section des comptes de la Cour suprême devient une Cour des comptes à part entière pour répondre aux exigences de l'Uemoa, la hiérarchie entre les différents magistrats est précisée, un statut de « magistrat honoraire » est créé pour les retraités souhaitant continuer d'exercer leur métier à titre gratuit.
Libertés encadrées
Il y a un an, en août 2023, l'ancien Premier avocat à la Cour suprême du Mali Cheick Mohamed Chérif Koné était radié de la magistrature pour avoir dénoncé la manipulation de la Justice malienne, selon lui, par les autorités de transition. Des déclarations faites dans le cadre de ses mandats syndicaux, à la tête de l'Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) et de la Référence syndicale des magistrats (Refsyma). Aujourd'hui, Cheick Mohamed Chérif Koné a pris le chemin de l'exil et revendique un rôle d'opposant.
Dans ce contexte, une nouvelle disposition interpelle, selon laquelle les magistrats peuvent jouir des mêmes libertés publiques que tout citoyen malien, syndicale ou d'expression notamment, mais qu'ils sont tenus de les exercer « dans le respect de l'autorité de l'État » et « de l'ordre public ».
« Ces conditions sont très larges, exprimées de manière vague, ce qui est susceptible d'exposer les magistrats analyse l'avocat Oumar Berté. À quel stade considèrerait-on qu'un magistrat a franchi la ligne et qu'il remettrait en cause l'autorité de l'État ? À quel stade la participation d'un magistrat dans une association apolitique ou dans un syndicat pourrait s'assimiler à un trouble à l'ordre public ? C'est là toute la grande question. Ça risque de peser sur eux. »
Depuis le début de la période de transition, il y a quatre ans, de très nombreuses procédures judiciaires ont été lancées contre des personnes ayant critiqué la gestion des autorités en place ou réclamé la tenue d'élections. Généralement pour « opposition à l'autorité légitime » ou « atteinte au crédit de l'État. »