Originaire de Boniérédougou dans le département de Dabakala en Côte-d'Ivoire, Père Barnabé Bakary, prêtre et ingénieur agronome, ne prêche pas seulement l'Evangile. Il le fait, à travers l'agriculture durable depuis 2010. Une manière pour lui, d'aider les populations à trouver des solutions durables, afin de lutter contre la pauvreté.
A la Société Agro Piscicole (SAP) de la Mé, localité située à Adzopé à environ 105 km d'Abidjan, "respirent" différents types d'arbres. L'eau des pluies stockée dans de nombreux bassins artificiels, sert à la pisciculture qui s'étend sur environ 80 hectares. Avec cette technique de recueillement d'eau, ce site de 750 hectares n'a jamais été confronté à des assèchements. Du poisson de type Tilapia est produit toute l'année sans interruption.
Au coeur de cette végétation luxuriante qui force l'admiration, Père Barnabé Bakary, l'air gai, se distingue de ses collaborateurs par son habillement. Vêtu d'une chemise fleurie à manches courtes et d'un pantalon sombre, il explique que sa passion pour l'agriculture, cohabite avec celle de ses études théologiques. Né en 1973 en Côte-d'Ivoire, Père Barnabé a un diplôme de Bachelor of Science in Agriculture, Environmental and Food Sciences, un Master en Spécialisation en Stratégie de Développement Durable et Aménagement.
Après avoir obtenu un DEUG en philosophie, il poursuivit ses études en agronomie en France. De retour au pays, il s'oriente vers des études théologiques, en occupant le poste de directeur dans un centre de formation agrobiologique. Avoir la foi que l'impossible peut devenir possible. C'était la conviction ferme de cet homme de Dieu. Pendant l'acquisition du site, tous les endroits qui étaient boiseux ont été soient conservés en état et enrichis avec des jachères et reboisés par la suite.
Son amour de la terre lui a permis de transformer un espace argileux en sol enrichi, grâce à l'utilisation du compost naturel. Cette terre autrefois improductive, nourrit de nos jours, des femmes qui pratiquent la culture maraichère. A travers ce serment, le religieux dit être fier de donner le sourire aux populations, en leur apprenant à pêcher, à trouver de la nourriture avec des techniques agricoles, qui répondent aux normes environnementales.
« Je prêche l'Evangile à travers l'agriculture durable. Je suis un peu comme ceux qu'on appelle les prêtres ouvriers dans d'autres pays. Ma parole et ma passion, c'est l'agriculture. C'est pourquoi j'ai fait des études dans ce domaine », justifie-t-il. Père Barnabé a connu des difficultés à ses débuts, car certains évêques ne trouvaient aucune conformité avec sa mission à l'église à celle de l'agriculture. « Au début, ça a été difficile. Certains évêques, confrères et mêmes paroissiens ne comprenaient pas qu'un prêtre puisse abandonner l'église pour s'adonner à l'agriculture. À un certain moment, j'ai même eu des doutes, mais je ne peux pas les étaler ici», se rappelle-t-il.
En voulant réaliser ses rêves, il persévère dans ses actions. Il dit discuter avec les responsables et les jeunes dans des congrégations religieuses, qui ont fini par comprendre qu'il était important que des religieux s'y adonnent, ne serait-ce que pour assurer l'autonomie financière de l'église. « Aujourd'hui, nous avons au moins quatre prêtres ingénieurs agronomes », se réjouit-il.
Environ 120 personnes travaillent en permanence sur ce site. La société produit depuis 2017, de l'Artemisia. Grâce à l'efficacité de ce produit qui soigne le paludisme, Père Barnabé a pu installer un réseau de producteurs d'Artemisia. Il est le coordonnateur national des Maisons d'Artemisia en Côte-d'Ivoire, pour aider à la vulgarisation et au développement du produit, afin d'offrir aux populations une source de traitement local produit sur place. « J'apprends aux gens à se soigner de manière durable, à bien s'alimenter et à protéger leur environnement», confie-t-il.
Ce portrait a été réalisé au cours de l'atelier de formation de journalistes francophones sur « la désertification et la gestion durable des terres », du 02 au 05 septembre à Abidjan.