Les projets d'adaptation au changement climatique, comme les banques de semences de la Zambie, nécessitent des financements décentralisés pour se concrétiser, écrit Albert Oppong-Ansah.
Mary Dimba, une agricultrice zambienne, tout sourire, se félicite de sa récente récolte de maïs sur son silo.
Cette mère de quatre enfants, originaire du village de Mpande, dans la province de Lusaka, en Zambie, explique que le début de la dernière campagne agricole a été moins stressant que par le passé.
Les fonds qui, auparavant, auraient été affectés à l'achat de semences pendant la saison des semis, lui ont permis d'acheter les manuels scolaires du plus jeune. Cette saison, elle a obtenu des semences gratuites auprès de la banque de semences de la communauté.
« En vertu des règlements de notre banque de semences, les agriculteurs et les agricultrices qui empruntent deux kilos de semences doivent rendre la même quantité ou davantage, pour que d'autres puissent en bénéficier la saisons suivante », a déclaré Mary Dimba à SciDev.Net, alors qu'elle était en train de mettre des semences dans des récipients en plastique pour les envoyer à la banque.
Avant, Mary et d'autres agriculteurs et agricultrices auraient bien aimé avoir des variétés de semences locales, mais ils n'avaient ni les connaissances, ni les compétences requises pour sélectionner, traiter et stocker les semences issues de leurs récoltes.
« Nous avons différentes variétés locales de semences qui ont besoin de moins d'engrais pour pousser, qui prospèrent en période de sécheresse, et qui ont un bon rendement. Pour ces raisons, nous préférons nos semences », ajoute Mary Dimba, qui a 20 ans d'expérience en agriculture.
Banque de semences communautaire
Aujourd'hui, elle fait partie des 250 agriculteurs et agricultrices disséminés sur trois localités qui disposent de banques de semences, ce qui leur permet d'échanger des semences.
Cela a été rendu possible grâce à des micro-subventions accordées par l'ARA, une coalition mondiale qui vise à résoudre les difficultés que rencontrent les communautés rendues vulnérables par le changement climatique.
Depuis des siècles, les agriculteurs et les agricultrices en Afrique produisent des semences riches en termes de biodiversité et résilientes écologiquement, qui peuvent s'adapter au changement climatique, entre autres.
La modernisation et les appareils étatiques ont fait que cette production traditionnelle s'essouffle ou s'est carrément tarie dans de nombreux pays, laissant la place à des semences importées, qui sont onéreuses pour les agriculteurs et les agricultrices et qui ne sont pas toujours adaptées à leurs besoins.
La Fondation pour la vie et le bien-être des femmes (Women's Life and Wellness Foundation, WLWF), un organisme zambien à but non lucratif, a contribué à la réintroduction des banques de semences, en vertu d'une initiative appelée 'Systèmes de conservation de semences gérés par les agriculteurs et les agricultrices'.
Chaque banque de semences stocke 25 variétés de semences et est gérée par un comité exécutif élu. Les agriculteurs et les agricultrices peuvent emprunter jusqu'à 3 kg de semences de n'importe quelle variété, a déclaré à SciDev.Net Mzingo Ngoma Botha, représentante de la fondation.
Le but de cette initiative est d'aider les agriculteurs et les agricultrices à être plus résilients face à l'impact du changement climatique, et à contribuer à la sécurité et à la durabilité alimentaires.
Mzingo Ngoma Botha explique que les membres de la communauté ont joué un rôle prépondérant, en faisant des propositions concernant l'emplacement de la banque, ses règlements, et ses gestionnaires.
« Quel bonheur de voir que les agriculteurs et les agricultrices peuvent choisir des variétés qui leur conviennent, qui sont fiables, résistantes, et qui contribuent à atteindre un objectif mondial, l'adaptation au changement climatique », ajoute-t-elle.
Recherche menée localement
Selon Jesse DeMaria-Kinney, responsable du Secrétariat de l'ARA, en mobilisant des fonds pour que les organisations locales puissent identifier les problèmes urgents au sein de leurs communautés, l'Alliance contribue, entre autres, à l'objectif mondial de l'ONU sur l'adaptation au changement climatique, conclu en vertu de l'Accord de Paris de 2015.
Avec un budget d'environ 700 000 livres sterling (plus de 830 000 euros), l'ARA a soutenu plus de 55 organismes locaux en Afrique, en Asie-Pacifique, en Amérique latine et dans les Caraïbes pour la mise en oeuvre de projets de recherche appliqués qui sont inclusifs et menés localement, pour une adaptation au changement climatique.
Les thèmes sont variés : agriculture adaptée au changement climatique, adaptation aux inondations, services consultatifs sur le climat et gestion des catastrophes.
« Les bénéficiaires des subventions sont très divers, en termes de types et de structures d'organisation, et nous travaillons avec chacun d'entre eux pour déterminer leurs capacités de gestion des financements afin de les mettre en contact avec d'autres bailleurs de fonds et de leur faire découvrir des moyens de développer leurs initiatives », indique Jesse DeMaria-Kinney.
Les négociations sur le financement de la lutte contre le changement climatique se poursuivent au niveau international. Des négociations que l'ARA soutient financièrement.
La conférence de l'ONU sur le climat, la COP 29, qui doit se tenir à Bakou, en Azerbaïdjan, en novembre, a été présentée comme « la COP du financement », et les promesses du secteur privé sont très attendues.
Toutefois, Jesse DeMaria-Kinney estime que des actions contre le réchauffement climatique doivent aussi être entreprises et intensifiées au niveau local, indépendamment des décisions prises au niveau mondial.
« Il y a toujours beaucoup d'inconnues concernant l'impact du réchauffement climatique au niveau local. Il faut donc mener des recherches supplémentaires », selon lui.
« Les micro-subventions nous permettent de mieux appréhender le problème, tout en orientant la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, nous sommes à même de soulever ces questions et de faire entendre ces voix locales afin que des solutions puissent être trouvées pour ces contextes spécifiques. »
Un financement 'impossible à anticiper'
Le changement climatique se manifeste différemment selon les endroits, ce qui fait que des évaluations locales doivent être effectuées pour rechercher des solutions sur mesure, indique Antwi-Boasiako Amoah, directeur par intérim de la lutte contre la vulnérabilité climatique et de l'adaptation au réchauffement, à l'Agence ghanéenne pour la protection de l'environnement, et négociateur expérimenté dans le domaine du climat.
« Je viens de constater une situation problématique dans le nord du Ghana. Il n'a pas plu depuis un mois, et les cultures d'un champ en pâtissent, a-t-il indiqué à SciDev.Net. Cela ne serait pas arrivé s'il était irrigué, s'il y avait eu une adaptation au changement climatique. »
Quelles que soient les mesures que les pays concernés au premier chef doivent prendre pour s'adapter au changement climatique - la mise en place de systèmes d'irrigation durables et de partage de semences, ou la lutte contre l'impact du changement climatique sur la santé - il faudra de l'argent.
« Aujourd'hui, la question des semences constitue un véritable problème dans notre région », indique Antwi-Boasiako Amoah. Il estime que le financement des projets locaux peut jouer un rôle clé pour augmenter la résilience.
« Les propriétaires privent les agriculteurs et les agricultrices de semences. Si vous voulez créer une banque de semences, il vous faut un financement pour mobiliser les semences, former les gens et trouver un lieu de stockage », ajoute-t-il.
Antwi-Boasiako Amoah, qui est actuellement le principal négociateur pour le G77 et la Chine en matière de plans d'adaptation nationaux, estime que les pays ne peuvent pas mettre en oeuvre leurs plans d'action climat sans soutiens financiers extérieurs.
Depuis des années, les pays en développement demandent des financements, en vain, ajoute Antwi-Boasiako Amoah, également membre du conseil d'administration du Fonds vert pour le climat, qui oeuvre pour le financement de la lutte contre le réchauffement climatique.
« Même si un tel financement est disponible, il est impossible à anticiper et sera de faible ampleur », ajoute-t-il. Au Fonds vert pour le climat, plusieurs projets sont en concurrence pour obtenir le peu de subventions disponibles, indique-t-il. Il ajoute : « Nous avons besoin d'un financement adéquat ».
Cet article a été produit avec le concours de l'Adaptation Research Alliance (Alliance de recherche sur l'adaptation), une coalition mondiale qui finance une recherche appliquée pour aider à trouver des solutions d'adaptation au changement climatique, et à réduire les risques associés au changement climatique. Le secrétariat de l'ARA est hébergé dans les locaux de SouthSouthNorth, un cabinet de consultants à but non lucratif spécialisé dans la résilience climatique, basé dans la ville du Cap, en Afrique du Sud.