Le Premier ministre a crevé l'abcès. La passation des marchés publics regorge de mystère. Des entreprises adjudicataires de certains marchés de travaux publics n'ont même pas d'engins pour entamer le chantier. Et la réhabilitation des routes nationales tarde. Et pourtant, leurs offres ont été bel et bien retenues. Allez savoir pourquoi et comment. Il a donc fallu que le Premier ministre fasse le tour des ministères pour débusquer le goulot d'étranglement dans l'administration. Mais il ne s'agit pas d'un nouveau fait. C'est une tradition ancestrale dont on ne voit pas l'inconvénient.
Eh bien, les marchés fictifs et les adjudicataires bidons sont monnaie courante depuis des lustres, de même que les travaux ayant fait l'objet d'un contrôle technique en bonne et due forme alors qu'ils n'ont jamais été exécutés. Voilà pourquoi les différents projets financés par les bailleurs de fonds n'ont jamais été efficaces.
Ils vont ailleurs faute d'évaluation, de contrôle et de suivi de leur utilisation. Et cela dure depuis un demi-siècle. Et nos bienfaiteurs continuent de donner des fonds sans limite, même si parfois on n'en fait pas la demande. Pour la simple et bonne raison que si le pays se trouve en cessation de paiement, les fonds prêtés et leurs intérêts risquent d'être perdus à jamais.
Quand les bailleurs de fonds affirment que 80 % des Malgaches touchent moins de 2 dollars par jour, comment expliquer qu'on a importé 800 000 tonnes de ciment l'année dernière, que le marché des 4x4 dont l'unité vaut 600 millions d'ariary n'a jamais été aussi florissant ? Il est bien évident que la corruption y est pour quelque chose, sinon pour beaucoup de choses, dans la passation des marchés publics.
Tous les organismes de lutte contre la corruption ont montré leurs limites. Hier, ils ont essayé d'accorder leur violon pour échafauder une nouvelle stratégie plus efficace. On ne peut que les encourager dans leur volonté de s'attaquer à un mal indécrottable qui ronge le pays depuis l'époque socialiste, dont le paradis promis s'est transformé aujourd'hui en une descente fulgurante aux enfers. Au moins, ils essaient de sauver ce qui peut encore l'être dans des conditions assez difficiles.
En attendant de meilleurs résultats et une éclaircie dans un univers gris, il faut accélérer la remise en état des routes nationales et des rues de la capitale avant la saison des pluies.
Image parfaite de cette gabegie et du désordre dans les travaux publics, la situation sur une portion de la RN 7 à Iavoloha. Des engins sont venus décaper la route sur une longueur de 200 m encore en bon état. Par la suite, ils ont versé du ciment en poudre avant de déguerpir. On imagine dans quel état se trouve la route actuellement. On ignore s'il s'agit de travaux légalement accordés à l'issue d'un appel d'offres de marchés publics ou non. Toujours est-il que les travaux ont commencé sans aucun avis et se sont terminés
de la même manière. On en perd son latin devant une telle situation. Le Premier ministre, lui, perd son calme olympien.