Trois jours après le chavirement meurtrier d'une pirogue transportant des migrants au large de Mbour, la tristesse et la consternation demeurent encore vives dans la principale ville de la Petite Côte d'où sont originaires beaucoup de victimes de cet accident tragique, a constaté l'APS.
Plusieurs quartiers de Mbour sont plongés dans la tristesse à la suite de ce drame qui a fait un nombre encore indéterminé de victimes.
"La situation que nous vivons depuis dimanche nous plonge dans une profonde tristesse ", a confié à l'APS, Adama Thiam, un habitant du quartier Thiocé de Mbour.
Assis devant la maison mortuaire d'un de ses amis emporté dimanche par le chavirement, Adama Thiam essaie de tenir le coup, en puisant ses forces dans la foi.
"Ce qui se passe actuellement dans notre quartier est incroyable, mais nous remettons tout entre les mains de Dieu", dit-il d'une voix empreinte d'émotion.
"Menuisier métallique de son état, le défunt Ibrahima tenait son petit business de vente de café Touba à ses heures perdues. Il avait même aménagé un petit espace de détente au portail de leur domicile où se rencontraient le plus souvent ses amis autour du café", se souvient encore Thiam.
"Il venait travailler tous les jours, et quand il n'avait pas de commande, il venait vendre son café Touba pour gagner sa vie", témoigne Serigne Mor Ndaw, ami proche du jeune Ibrahima.
Ndaw qui fréquentait tous les jours, le disparu, dit l'avoir vu la dernière fois dans la nuit de samedi à dimanche, soit la veille du départ fatidique.
Il déclare lui avoir parlé au téléphone à deux heures du matin parce qu'ils projetaient de se revoir, raconte-t-il.
"Malheureusement, je ne le reverrai plus jamais", regrette le jeune homme, qui se dit "très surpris et meurtri d'apprendre le décès de son ami dans de pareilles circonstances".
Dans la cour d'une vaste maison non loin de la RN1, au coeur du quartier Thiocé, des chaises sont alignées, pour recevoir les délégations de proches, amis et parents qui se succèdent pour la présentation de condoléances. Impossible d'arracher un mot aux membres de la famille du défunt Ibrahima.
Le constat est le même dans plusieurs autres concessions du même quartier. "Thiocé, Guinaw rail, Darou Salam, Oncad, Téfess, bref tout Mbour est en deuil", lance Khady Kébé, la soixantaine, résidant au quartier Guinaw rail.
Elle déplore la perte de ses deux petits-fils : Malick et Mbaye Thiam.
Ils étaient deux frères de sang qui avaient perdu leur père très tôt et qui soutenaient leur mère dans la tenue du foyer. "Ils sont partis à jamais, laissant derrière eux leur mère seule".
Selon Khady Seck, la mère de Malick et Mbaye Thiam, sous le choc, "n'a pas mangé depuis l'annonce de la nouvelle, dimanche.
"C'est un phénomène [émigration irrégulière] auquel l'Etat doit apporter des solutions, car nous avons perdu beaucoup de jeunes", souligne de son côté Mamadou Thiam.
Il pense qu'il serait important que l'Etat dialogue avec l'Europe pour voir comment faciliter l'obtention de visas afin de permettre aux jeunes de "partir dans la légalité'.
Babacar Ndiaye, oncle des disparus, appelle à une introspection afin de cerner le fléau de la migration irrégulière et juguler les départs massifs de jeunes pour l'Europe. "Il faut regarder au-delà du matériel et voir peut-être dans la psychologie des jeunes", suggère-t-il.
Mardi, les recherches des personnes disparues se sont poursuivies toute la journée. Elles ont à ce jour permis de retrouver plus d'une vingtaine de corps sans vie qui ont été enterrés au cimetière de Liberté 2 à Mbour.