Des enfants qui se balancent aux lianes d'un multipliant à Maurice. D'autres enfants, qui regardent droit devant, cette fois à Cuba. Des visages souriants croisés dans un marché au Sénégal. Quelqu'un qui semble se mesurer à l'Arc de Triomphe, à Paris. Une poignée d'instants. Des minutes d'éternité saisies au vol par le photographe Bamba Sourang.
L'artiste voyageur revient montrer son travail à Maurice. Il expose la série Convergences humaines, du 13 au 26 septembre, à la House of Digital Art, rue Edith Cavell, Port-Louis. Une exposition proposée par la galerie SH Fine Arts. Un voyage immobile pour le regardeur. De grandes traversées pour le photographe. Qui a franchi non seulement l'espace et le temps, mais aussi - c'est sans doute le plus dur - la distance, la réserve entre l'autre que l'on connaît moins, l'autre que l'on ne (re)connaît pas. «En Europe, on dit qu'on a passé du temps de qualité. En Afrique, on a besoin de quantité. Malgré les différences, nous restons des humains», explique Bamba Sourang.
Une humanité qu'il décline dans cette exposition, entre célébration de moments de joie et dénonciation des injustices comme celles faites aux femmes. «Injustices économiques, injustices climatiques aussi», ajoute-t-il.
L'artiste voyageur revient montrer son travail à Maurice.
Humer l'humanité. La sentir dans les plis de sa panoplie d'activités. Du pêcheur au lutteur. Du marché au trajet en bus. Les photos proposées par Bamba Sourang sont éclairées par les couleurs de cinq destinations: l'île Maurice, le Sénégal, Cuba, «des photos de l'Inde qui datent de 18 ans et que je n'avais jamais montrées» et Paris. Les yeux grands ouverts, «le thème s'impose à moi»*, confie-t-il.
«Photographier est une histoire de rencontres. Non seulement je prends du temps, mais j'apprends à comprendre les gens pour donner un sens à leur gestuelle.» C'est par le prisme de sa double culture, sénégalaise et française, qu'il décode le monde, explique Bamba Sourang. Culture sénégalaise «basée sur le vivre-ensemble, le partage et l'ouverture aux autres. En Europe aujourd'hui, le vivre ensemble est menacé. On voit la différence comme quelque chose qui vient diluer notre être, notre culture, nos valeurs, nos certitudes. Alors que l'humanité se passe en additions, pas en soustractions».
Paradoxe de l'être. Contradiction de l'artiste. Le photographe déclare : «Les images auxquelles je tiens, je ne les partage pas forcément tout de suite.» Comme un effort pour retenir un peu plus longtemps le bonheur d'avoir vu, le plaisir d'avoir eu la «bonne» photo.
Bamba Sourang analyse la génération des réseaux sociaux, où «l'action de montrer son travail c'est se valoriser. Les réseaux sociaux nous renvoient l'image à nous-mêmes. Quand on est malheureux, on photographie le soleil. Si la photo n'est pas assez belle, on utilise des filtres, comme si la réalité ne se suffisait pas à elle-même pour exprimer les émotions et la beauté». Pour lui, une photo, c'est mettre celui qui la regarde «en face de la réalité et je m'efface. La photographie est avant tout pour moi une thérapie».
De quoi souhaite-t-il guérir ? «Cela m'aide à redéfinir mon essentiel. Photographier c'est avoir des choses à dire. Quand je suis au corps à corps avec un sujet, je me demande si au moment de photographier, je vais déclencher l'âme de l'autre.» Pour cela, fuir le mimétisme de «toutes ces images à la mode que l'on a tellement vues, qu'on les reproduit sans le savoir. La seule parade que j'ai trouvée c'est de me confronter à la réalité du monde». Et malgré toutes les années de travail, avoir le sentiment de ne pas en savoir assez. «Les certitudes nous amènent à la reproduction, ce n'est pas de la création.»