Après un long silence, des responsables soudanais dans le secteur des musées et de l'archéologie ont confirmé officiellement le pillage du musée national de Khartoum, le plus important du Soudan, qui abrite une collection de 100 000 objets allant de la préhistoire à la période islamique et provenant de toutes les civilisations de la vallée du Nil.
Cela faisait plusieurs semaines que les internautes soudanais diffusaient des informations, des photos et des vidéos affirmant que le musée national soudanais avait été pillé par les Forces de soutien rapide, des paramilitaires qui s'opposent à l'armée au Soudan depuis le 15 avril 2023 et qui contrôlent de larges zones de la capitale.
Des hauts responsables du secteur des musées ont donc confirmé qu'une « large opération de pillage » a visé le musée national et d'autres musées de la capitale. Des images satellites captées en janvier 2024 par les renseignements militaires montrent trois camions devant le musée national, rapporte notre journaliste Houda Ibrahim. Ces mêmes camions se retrouvent au Kordofan du sud, avançant en direction du Soudan du Sud.
« Ces objets ont une valeur inestimable. Ils ont une importance culturelle pour notre pays, pour les générations à venir. Cela fait partie de notre vie, de notre histoire », a réagi l'ancien ambassadeur du Soudan au Canada, Tarig Abusalih, qui a travaillé dans ce musée. « Les paramilitaires sont responsables de ce pillage, même si d'autres individus ont également pu en être à l'origine, le musée se trouve dans une zone sous leur contrôle, ils sont donc responsables de sa sécurité », affirme-t-il au micro de notre journaliste Alexandra Brangeon.
Selon Ghalia Jar Al-Nabi, directrice de la Commission nationale des vestiges et des musées du pays, une partie des pièces pillées est en vente dans une zone située à la frontière du Soudan du Sud. Une autre partie est exposée à la vente sur le sol de ce pays voisin. Se confiant ce lundi au quotidien soudanais en ligne Al Rakouba, elle a assuré que son institution possédait des photos de ces pièces durant l'opération visant à les vendre.
La mémoire humaine pillée
De son côté, Ikhlas Abdellatif, conservatrice du musée national et membre de la commission de la lutte contre le pillage, a indiqué qu'il ne s'agissait pas uniquement « de la mémoire locale, mais de la mémoire humaine ».
Le Soudan a fait un signalement à l'Unesco, à Interpol et à toutes les institutions internationales impliquées dans la lutte contre le pillage des vestiges historiques pour tenter d'interdire toute vente illicite possible de ces pièces pillées. Des internautes et des archéologues soudanais ont fait état de leur vente sur le darknet et même sur eBay.
Parlant à la chaine saoudienne Al Hadath, Ikhlas Abdellatif a aussi attiré l'attention sur le pillage total du musée de Nyala, capitale de l'État du Darfour du Sud : « même les vitrines d'exposition, fraichement importées juste avant la guerre, ont été volées », a-t-elle affirmé.
Les bâtiments du musée de Nyala ainsi que celui du musée national sont actuellement utilisés comme bureaux par les Forces de soutien rapide. Le 2 juin 2023, les combattants des Forces de soutien rapide, sont entrés au musée national, ils se sont filmés avec leurs armes à l'intérieur du musée, posant aux côtés de momies et d'autres pièces d'antiquité. Sans complexe, ils ont eux-mêmes posté ces images sur les réseaux sociaux.