C'est déjà la rentrée des classes et dans la tête de certains parents, les équations sont à plusieurs inconnus. Aucun calcul ne tombe. Ils n'ont pas été surpris par la rentrée. Chaque année, c'est la même galère. Ils triment, se débattent comme de beaux diables pour sauver l'avenir d'une relève aux lendemains incertains. Peu importe l'intelligence de leurs enfants, tant pis s'ils ont le courage de se battre. On ne réussit pas seulement avec le coeur. Cette année encore, certains resteront à la maison faute de moyens.
Leur réussite ne passera pas par les bancs de classe. Leurs rêves seront brisés en mille morceaux. Ils peuvent y mettre tout leur cœur, y croire dur comme fer, ils ne pourront jamais dénouer les nœuds du destin. Comme si c'était écrit : « tu n'iras pas loin, parce que tu es pauvre ! ». Mais où iront justement ces enfants et adolescents dont le cours de l'histoire se poursuivra sous un arbre, au pied d'un poteau sans ombre ou pire dans les labyrinthes d'une délinquance fatale.
Notre système éducatif est un piège. On apprend tout avec la tête dans les nuages, pendant que nos dix doigts flétrissent. L'intellectuel vaut mieux que le manuel, pourtant, il y a en chacun de nous un ouvrier, un artisan ou un artiste qui dort. Chez nous, lorsque vous n'avez pas réussi à l'école, vous avez échoué dans la vie. Nous sommes dans un monde d'intellectuel où seul l'alphabet libère. Le reste n'est que ténèbres et abîme, ignorance et désespoir. Finalement, il n'y a point de salut en dehors de l'école. Mais de quelle école parlons-nous d'ailleurs ? Il y a des années que ça dure. Notre système éducatif est presqu'un faire-valoir.
Même les premiers responsables du système se plaignent de l'orientation donnée à notre école. Mais pourquoi patine-t-on toujours dans la semoule ? Même quand nos experts s'y penchent, le rendu est une copie conforme de l'autre côté de la rive. Et certains ne cachent pas leur incapacité technique et mentale en disant qu'on ne réinvente pas la roue. On ne peut donc sortir de l'ornière ! Au finish, tous les programmes initiés en labo depuis mille lieues d'ici ont été montés pièce par pièce selon un mode d'emploi qui ne donne jamais la pièce manquante du puzzle. Très souvent cette pièce manquante est connue, mais jugée moins importante par rapport « à la masse à partager ».
Chez nous quand on reçoit de l'argent et des documents, on encaisse l'argent et comme d'habitude, les documents sont destinés aux tiroirs. On jurera d'avoir de la documentation sur tel programme, tel projet, tel reforme. Au fond, on ne connaît absolument pas grand-chose du contenu de la paperasse. Parfois même, le mal est caché. On navigue à vau-l'eau, on tâtonne sans être sûr de rien. Dans les coulisses, le signataire des reformes vous dira qu'il n'est pas « bête » pour inscrire son enfant dans le système que lui-même vient de valider par sa signature. Il enverra son fils à Washington, sa fille à Londres.
Quant à la petite de trois ans, elle fréquentera une école maternelle hors pair. Les frais de scolarité de ses trois sections peuvent financer tout le cursus scolaire du fils de « Patarbtaalé ». Ils iront chercher les diplômes dans les « vraies écoles » pour revenir remplacer leurs parents aux manettes. En cette rentrée, des parents souscriront au prêt scolaire, juste pour faire le show avec des femmes en laisse. Ils n'achèteront même pas un crayon. Ils boiront du frelaté avec les amis du « club des foutus » en s'arrachant les morceaux de porcs au four mal cuit.
Il y en a qui s'endetteront au nom de leurs rejetons sans pouvoir même inscrire un seul à l'école du « bas-fond ». Leurs enfants finiront dans la rue, parce que le père qui les a conçus n'est qu'un bambin barbu. Quant aux autres, ils marcheront en gesticulant dans un univers à géométrie variable. En circulation, ils feront des calculs,
à haute voix, mais le quotient restera nul. Pendant ce temps, les établissements scolaires poussent comme des champignons. Il suffit de louer une maison d'habitation, la raccommoder pour faire passer quelque tables-bancs et le tour est joué. Seuls les l'élèves iront à l'abattoir. Tant pis si le programme n'est pas terminé ; les victimes iront au BEPC avec l'aide de Dieu. Mais il n'y a rien à faire ; l'impénitent fondateur-commerçant a tous ses papiers en règle ! A qui la faute ?