Ile Maurice: Le modèle traditionnel confronté à l'attrait des jeunes investisseurs pour le court-terme

13 Septembre 2024
interview

Face aux opportunités qu'offrent, entre autres, le trading sur des plateformes étrangères où les investissements et leurs éventuels retours se font en devises étrangères, ou sur celles qui, contrairement à une place boursière traditionnelle, offrent la possibilité de faire fructifier son capital sur le court ou ultra-court terme, quelle est la posture des jeunes face au modèle d'investissement conventionnel local qu'est la Stock Exchange of Mauritius ?

C'est un sujet qui n'a pas échappé à l'attention de Sunil Benimadhu, Chief Executive de la Stock Exchange of Mauritius, qui dispose de suffisamment d'arguments pour démontrer qu'il n'y a pas de rupture entre les jeunes et la Bourse de Maurice, de Sanjay Goolab, Managing Director du segment Securities and Execution d'Axys, et de Dharmeshsingh Mohadewo, Head of Trading and Structuring à la SBM.

Sunil Benimadhu, Chief Executive de la Stock Exchange of Mauritius : «L'argument selon lequel les jeunes investisseurs se détournent du marché local est contredit par les données actuelles»

Parmi les arguments en faveur de l'intérêt des jeunes pour les activités de la Bourse de Maurice, on trouve notamment le fait qu'entre 35 % et 40 % des transactions journalières chez deux principaux courtiers de la place sont réalisées par cette catégorie d'investisseurs. Il y a aussi leur tendance à ne pas se limiter aux titres des sociétés cotées, ainsi que les résultats des programmes de sensibilisation des jeunes aux activités du marché boursier.

Quel est le niveau réel de participation des jeunes investisseurs sur les plateformes proposées par la Stock Exchange of Mauritius ?

Deux des courtiers les plus importants de la place m'ont confirmé que tel n'est pas le cas. Au contraire, ils avancent que 35-40 % de leurs transactions boursières journalières effectuées par des individus (retail investors) proviennent de cette catégorie d'investisseurs. Si l'on ajoute à ces investissements directs ceux réalisés via des fonds d'investissement, les courtiers estiment que cette participation des jeunes pourrait atteindre 60 %. Cela prouve que les jeunes, malgré des ressources financières souvent limitées, surtout entre 25 et 30 ans, sont actifs et engagés dans les activités boursières locales.

Cette participation est comparable à celle observée sur d'autres marchés, y compris certains marchés développés. Les jeunes représentent aussi 22 % des comptes que détient la Central Depository & Settlement Co. Ltd, le CDS, sur son registre d'investisseurs individuels.

La Stock Exchange of Mauritius organise régulièrement des programmes de sensibilisation pour la jeune génération. Quel est l'impact de ces initiatives ?

Les efforts de sensibilisation ont atteint leurs objectifs. Les mesures prises par la Stock Exchange of Mauritius depuis sa création pour sensibiliser les jeunes aux rouages de l'investissement boursier portent leurs fruits. Une des stratégies adoptées a été d'intégrer l'éducation financière dans les programmes d'enseignement des collèges. Des activités visant à démystifier le fonctionnement de la Bourse sont organisées régulièrement. Le fait que les jeunes soient à l'origine d'une part importante des transactions prouve que ces initiatives sont fructueuses.

Que répondez-vous à ceux qui avancent que le faible niveau de dividendes payés par certains titres est un facteur dissuasif pour les jeunes ?

Cet argument ne tient pas dans la réalité. Les jeunes ont compris que les rendements des actions ne se limitent pas aux dividendes, mais incluent aussi les gains en capital. De plus, beaucoup diversifient leurs portefeuilles, ce qui implique le recours à différentes stratégies d'investissement. Certaines entreprises cotées à la Bourse de Maurice offrent des rendements attractifs. Le rendement total annualisé sur l'ensemble du Marché Officiel est de 14 % par an depuis 1989. Le rendement total des dix sociétés les plus performantes se situe entre 13 % et 20 %. Le taux moyen de dividendes est actuellement de 4,3 %, ce qui se compare favorablement à d'autres marchés.

Comment compensez-vous la dépréciation de la roupie ?

Il est vrai que la roupie s'est dépréciée depuis la pandémie de Covid-19. Toutefois, les entreprises cotées ont compensé cette dépréciation par une amélioration significative de leurs profits nets. Par exemple, les profits nets des dix plus grandes sociétés sont passés de Rs 12 milliards en 2019 à Rs 39 milliards en 2023.

La Bourse de Maurice peut-elle rivaliser avec les plateformes internationales offrant des opportunités de court terme ?

La Stock Exchange of Mauritius offre un cadre sécurisé pour les investisseurs recherchant la stabilité et la croissance. Il existe des opportunités pour le trading actif, et des initiatives comme le « turnaround trading », qui réduit les frais de transaction pour ceux qui achètent et vendent des actions le même jour, ont été mises en place.

Sanjay Goolab, Managing Director - Securities and Execution Desk d'Axys : «Le trading à l'international peut constituer une alternative pour les jeunes investisseurs»

Selon Sanjay Goolab, les jeunes entre 25 et 35 ans privilégient souvent l'achat d'un logement et d'une voiture avant d'investir. Il avance trois raisons principales expliquant le manque d'intérêt des jeunes pour la Bourse de Maurice : la faible performance du SEMDEX, la meilleure performance des marchés internationaux, et la dépréciation de la roupie mauricienne. Il note que le SEMDEX a affiché un rendement annualisé de seulement 0,72 % au cours des dix dernières années, alors que l'indice S&P 500 a enregistré un rendement de 13,23 %. De plus, la dépréciation de la roupie a atteint 45,5 %.

Sanjay Goolab souligne qu'il est facile d'ouvrir un compte de trading international, et les jeunes sont attirés par des actions comme celles de NVIDIA, Apple et Tesla, qui ont affiché des rendements impressionnants ces dernières années.

Dharmeshsingh Mohadewo, Head of Trading and Structuring à la SBM : «Nous avons constaté un intérêt croissant pour les plateformes numériques d'investissement»

Dharmeshsingh Mohadewo remarque que les jeunes sont habitués aux services financiers numérisés. Environ 50 % des demandes d'ouverture de compte de courtage sont accompagnées de demandes d'accès en ligne. L'application mySEM permet aux investisseurs d'accéder facilement aux actifs disponibles sur la bourse.

Cependant, il insiste sur l'importance de choisir des plateformes régulées pour atténuer les risques. Selon lui, les jeunes montrent un intérêt croissant pour la diversification de leurs portefeuilles, notamment avec des fonds négociés en bourse (ETF) liés à des matières premières comme l'or, ou des entreprises adhérant à des normes de développement durable.

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