Le conflit, qui n'est plus larvé, entre le commissaire de police Anil Kumar Dip et le Directeur des poursuites publiques (DPP) Rashid Ahmine est loin d'être un simple désaccord sur les rôles constitutionnels de l'un ou l'autre.
Il révèle un problème autrement plus profond que les ego personnels, et plus inquiétant pour notre système judiciaire : un manque de confiance et de collaboration entre deux institutions-clés qui doivent pourtant travailler étroitement ensemble pour la bonne marche de la justice. Ce fossé grandissant, alimenté par des affrontements publics et des batailles juridiques, a déjà des conséquences graves et durables pour le système de justice mauricien et l'État de droit.
Au coeur de ce conflit se pose la question de l'autorité. Dip affirme que les affaires préliminaires, telles que les enquêtes et les charges provisoires, relèvent uniquement de la police. Ahmine, quant à lui, soutient que ces pouvoirs appartiennent également au DPP. Ce désaccord nous a conduit à la confrontation constitutionnelle devant la Cour suprême ces jours-ci, où chaque partie est représentée par des avocats britanniques de renom, payés par les sous des contribuables, qui encadrent nos ténors locaux. Mais au-delà du combat juridique, la véritable question demeure, pour nous, la santé de notre système judiciaire.
Quand des institutions aussi essentielles que la police et le DPP ne peuvent pas collaborer efficacement, le système judiciaire en souffre. La décision de Dip de critiquer publiquement le DPP, un geste sans précédent selon les experts juridiques, marque un dangereux écart par rapport au respect mutuel qui devrait exister entre ces deux offices. Dans le passé, les désaccords entre la police et le DPP ont toujours été réglés par le dialogue, non par des chassé-croisés publics. Le choix de Dip de rendre ce conflit public, plutôt que de rechercher une révision judiciaire ou d'engager une discussion, montre une rupture dans la confiance et la communication.
Pourtant la police, en tant qu'organe d'enquête, et le DPP, en tant qu'autorité de poursuite, se doivent de travailler main dans la main pour garantir que la justice soit rendue de manière équitable et impartiale. Quand ces deux institutions sont en conflit, cela crée de la confusion, des retards, et pire encore, cela érode la confiance du public dans le système. Pour restaurer la confiance, la cohérence demeure essentielle. Si la police est incohérente dans son approche - par exemple, en s'opposant à la libération sous caution dans certains cas mais pas dans d'autres - la foi du public dans l'équité du processus sera de plus en plus ébranlée.
De plus, lorsque ces différends sont exposés sur la voie publique, cela envoie un message troublant. Cela suggère que les institutions chargées de défendre l'État de droit sont plus préoccupées par l'exercice du pouvoir que par la justice. Cette perception peut être extrêmement dommageable, surtout dans une démocratie où l'État de droit est censé être la pierre angulaire de la gouvernance.
Les répercussions de ce conflit dépassent les simples questions juridiques débattues au tribunal. Elles révèlent un problème plus large et systémique : la nécessité de réformes institutionnelles et de responsabilité.
Maurice a longtemps souffert de retards dans le système judiciaire, avec des affaires qui traînent pendant des années et des jugements souvent trop longs à être rendus. Le public est de plus en plus frustré par un système qui semble lent, opaque et non réactif.
La santé de notre système judiciaire dépend de la capacité des institutions à collaborer efficacement, sans interférence politique ni agendas personnels. Il est essentiel, pour préserver l'État de droit et protéger les droits des citoyens, que ces deux offices rétablissent leur relation de travail et se recentrent sur leur mission commune : défendre la justice.