Ile Maurice: Showkutally Soodhun «Baba» et la controverse qui valait 6 millions de dollars

15 Septembre 2024

Il a versé des larmes lors de l'émission La Voix Moris diffusée sur Radio-Plus et animée par Nawaz Noorbux, le 17 août. Il a aussi affirmé, live and direct from Dubaï, que le prince Salman en personne lui a affirmé la chose suivante en évoquant ses problèmes de santé : «Baba, ki pe arriv twa, to pa pe kapav marse (...) Li'nn appel so minis Lasante li'inn (dir) bring Baba immediately to the (...) hospital.» Désormais, sur les réseaux sociaux, les internautes le surnomment «Baba». En tout cas, depuis que le maulana Shamim Khodadin a posé des questions sur les USD 6 millions que Showkutally Soodhun avait promis en 2019 pour la réfection des mosquées de l'île, il y a plus que questions que de réponses. Entre batailles de déclarations à distance, anciennes affirmations et textes publiés qui refont surface et documents internes qui fuitent, la situation ne semble pas vouloir se calmer. Les interventions des autorités dans cette affaire ont été faites au compte-gouttes jusqu'à présent. Retour sur la polémique.

Récemment, le député Farhad Aumeer a publié un extrait d'un Memorandum of Understanding (MoU) en stade de préparation sur sa page. Selon ce document, il semblerait que l'Islamic Cultural Centre Trust Fund (ICCTF), qui devait être créé pour gérer ce don conséquent de l'Arabie saoudite, allait utiliser cet argent «de manière efficace et transparente pour assister les mosquées de la République de Maurice et qu'aucune partie de cette aide ne peut être utilisée à d'autres fins». Sollicité, le député est catégorique. «Deux choses sont claires. L'argent n'a pas encore été décaissé et l'accord n'a pas encore été signé. Qui est responsable du retard est une autre question», a-t-il déclaré.

Le MoU, ajoute-t-il, a été traduit et envoyé pour être signé par les autorités mauriciennes, à savoir, le chairman de l'Islamic Cultural Centre et un représentant du ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Du côté saoudien, il devait y avoir un représentant de l'ambassade à Maurice. «Maintenant, on nous dit qu'il y a eu des chan- gements dans la formulation de ce MoU. Qui va signer le document ? Que contient-il ? Il faut absolument avoir des clarifications de la part des autorités», soutient le député travailliste.

L'histoire a commencé bien avant, avec le prêche du vendredi du maulana Shamim Khodadin, le 9 août dernier. Il a demandé où sont passés les millions promis par Showkutally Soodhun en 2019. Depuis, la question a été reprise par tous et a pris tellement d'ampleur que le principal concerné lui-même est sorti de son mutisme pour dès lors réagir sur Radio-Plus. Hormis les larmes, il a expliqué que l'argent n'a pas encore été décaissé, affirmant qu'il y avait une équipe saoudienne qui avait visité Maurice il y a quelques années pour comprendre les besoins des mosquées et finaliser le MoU. Par la suite, le maulana Khodadin a rendu public une autre version du MoU, où il était question du fait que ce don allait finalement être utilisé pour des lieux de culte en général - one ne sait pas encore où est comment - plutôt que des mosquées, ce qui a donné lieu à encore plus de questions sans réponses.

Versions changeantes

Avant le Dr Farhad Aumeer, d'autres députés avaient porté la question au Parlement. En juillet 2020, Osman Mahomed avait posé une question à Nando Bodha, alors ministre des Affaires étrangères, sur ce don. À l'époque, il était clair, selon la réponse, que les fonds allaient être d'abord remis à «an official Government entity to be granted later to socio-religious groups of mosques» et déjà, les prémices de l'ICCTF étaient annoncées. À cette date, le ministère des Finances travaillait sur la charte de cette nouvelle fondation et l'Arabie saoudite avait demandé une traduction en arabe du document. Reza Uteem s'était intéressé à ceux qui devaient siéger sur cette entité et ils n'étaient pas encore connus, même si le gouvernement proposait que l'ICC soit au centre.

Osman Mahomed avait alors fait ressortir que Showkutally Soodhun avait dit que «[mo] finn amene» en parlant de ces six millions de dollars, mais Nando Bodha avait encore une fois expliqué que le MoU n'avait pas encore été signé. Un an plus tard, c'est Alan Ganoo qui détenait le portefeuille des Affaires étrangères et Osman Mahomed s'était à nouveau intéressé à la question. C'est alors une autre version des faits. Selon le ministre, les Saoudiens «are considering to coordinate with the local stakeholders in Mauritius to iden- tify and determine the nature of the assistance needed by the various mosques before coming up with an appropriate MoU» et dans cette optique, une délégation devait alors visiter Maurice. C'était en avril 2021. À cette date, une ébauche du MoU avait déjà été soumis aux autorités saoudiennes. À une question de Farhad Aumeer, Alan Ganoo devait encore une fois confirmer qu'aucun accord n'avait été signé. Il avait aussi répondu à Ehsan Juman que les membres de la fondation pour gérer les fonds n'avaient pas été identifiés.

Accords différents

Une autre question qui a surgi alors : d'où sort l'accord avec le changement mentionnant lieux de culte ? Selon certaines sources, ce changement a été proposé et apporté en novembre 2023, lorsque l'accord a été envoyé aux Affaires étrangères encore une fois pour validation. L'autre question est que ce don serait intégré au Consolidated Fund, ce qui pose problème car l'argent, étant fongible, le contrôle serait difficile. Cependant, selon la réponse de Nando Bodha en 2020, après le passage par une entité du gouvernement, il devrait finalement être versé à un groupe gérant les mosquées.

La grande question qui subsiste toutefois est : que contient l'accord final qui a été signé ? Pour rappel, le 24 août dernier, Soodesh Callichurn avait déclaré que le 25 juin, l'Arabie saoudite avait amendé une clause de l'accord, qui avait été validé par le Solicitor General et que le 4 juillet, le document avait été transmis aux autorités saoudiennes. Depuis, Maurice est en attente d'un retour.

Quant à la rencontre demandée par le maulana Khodadin avec le Premier ministre pour avoir plus d'éclaircissements à ce sujet, elle est toujours en attente.

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