NAIROBI — Les producteurs de papayes au Kenya se tournent vers une nouvelle solution pour lutter contre la cochenille farineuse dévastatrice de la papaye : les guêpes parasites.
La cochenille, originaire d'Amérique centrale, est un ravageur des cultures qui se propage rapidement et qui fait des dégâts dans les champs de papaye au Kenya depuis 2015, provoquant d'importantes pertes économiques chez les petits exploitants agricoles.
Dorcus Lekesio, une petite exploitante agricole du comté de Baringo, cultive la papaye depuis plus de 15 ans. Elle en tire les revenus pour nourrir sa famille et éduquer ses enfants.
"Sur la base de l'expérience acquise sur la côte où le ravageur a pu être maîtrisé après six mois, on s'attend également à ce que ce parasitoïde soit efficace dans d'autres régions"Selpha Miller, CABI
« La culture de la papaye est ma principale source de revenus... ma subsistance en dépend », dit-elle. Elle affirme que l'infestation de cochenilles a réduit sa récolte prévue de plus de moitié au cours de l'année dernière.
« Nous avons utilisé de nombreux produits chimiques pour pulvériser les plantes, mais cela n'a pas fonctionné », ajoute-t-elle.
Alfred Bolo, un autre petit producteur de papayes de Kwale, sur la côte kenyane, a remarqué la présence des cochenilles dans son champ en janvier de l'année dernière. Il dit avoir utilisé des pesticides, mais ils n'ont apporté qu'un soulagement temporaire.
« J'étais très agacé... J'avais pour habitude de les écraser à mains nues parce qu'ils m'agaçaient vraiment », dit-il..
Alfred Bolo avait par la suite participé à un atelier d'agriculteurs organisé par le gouvernement du comté de Kwale, au Kenya, en partenariat avec l'organisation de recherche agricole CABI (organisation mère de SciDev.Net ), où il en a appris davantage sur la cochenille de la papaye.
« J'avais été surpris d'apprendre que ce ravageur n'affectait pas que moi, mais aussi de nombreux autres agriculteurs de la région », dit-il.
Pertes
La cochenille farineuse est originaire d'Amérique centrale. En Afrique, il a été signalé pour la première fois au Ghana.
On pense qu'elle a envahi l'Afrique de l'Est entre 2015 et 2020, causant de lourdes pertes aux petits exploitants agricoles. CABI estime qu'en Afrique de l'Est, ce ravageur est responsable de la destruction de 57 à 91 % des cultures et coûte aux agriculteurs 2 224 £ (2 854 $) par hectare chaque année.
En 2019 , des scientifiques du CABI, en collaboration avec la Kenya Plant Health Inspectorate Service, la Kenya Agricultural and Livestock Research Organization et l'Université Kenyatta, ont identifié la guêpe, Acerophagus papaya , comme un candidat potentiel pour la lutte biologique.
Ils estiment que cette guêpe offre une solution naturelle et sûre pour faire face au problème de la cochenille du papayer.
La Kenya Agricultural and Livestock Research Organization a alors importé l'Acerophagus papayae, une guêpe parasite du Ghana, et l'a introduite dans la ferme de Bolo en mars 2023.
« Il a fallu environ un mois pour que les parasitoïdes se répandent dans la ferme. Ils n'ont pas éliminé la cochenille mais ont contrôlé sa population à tel point qu'elle n'a pas pu me causer de pertes économiques », déclare Alfred Bolo qui s'est confié à SciDev.Net.
Depuis, il a augmenté sa production, faisant des économies sur le budget destiné aux pesticides. « Je récolte maintenant environ 400 kg par semaine, ce qui est une bonne récolte », dit-il.
Selpha Miller, chercheuse postdoctorale en gestion des espèces invasives chez CABI, affirme que le Comité technique permanent du Kenya sur les importations et les exportations avait donné au CABI et à ses partenaires de la Kenya Agricultural and Livestock Research Organization and Kenya Plant Health Inspectorate Service une autorisation de libérer les parasitoïdes dans les comtés côtiers où le ravageur avait été signalé pour la première fois.
Suite à une gestion réussie du ravageur sur la côte, dit-elle, le Comité technique permanent du Kenya sur les importations et les exportations a approuvé sa dissémination de ce parasitoïde dans cinq autres comtés, dont celui de Baringo.
« Sur la base de l'expérience acquise sur la côte où le ravageur a pu être maîtrisé après six mois, on s'attend également à ce que ce parasitoïde soit efficace dans d'autres régions », assure Selpha Miller dans un entretien avec SciDev.Net.
Elle soutient que le parasitoïde devrait permettre de contrôler la cochenille du papayer pour la maintenir à un niveau où elle ne causera pas de dommages économiques aux agriculteurs. « Exactement comme il a agi contre ce ravageur au Ghana d'où nous avons importé le parasitoïde ».
« C'est très sûr et efficace », affirme Selpha Miller qui exhorte les gouvernements africains à investir dans la lutte biologique classique contre la cochenille du papayer en utilisant ce parasitoïde.
« La cochenille du papayer est un ravageur très dévastateur qui peut entraîner d'énormes pertes de récoltes s'il n'est pas contrôlé », a-t-elle rappelé.
Vincent Abuje, directeur de l'Agriculture du comté de Baringo, a déclaré à SciDev.Net que l'Acerophagus papaya était un soulagement bienvenu, car cette cochenille farineuse a causé des pertes massives aux agriculteurs du comté, beaucoup ne sachant pas comment y faire face.
Un agriculteur tient des papayes provenant de sa ferme infestée de parasites. Crédit photo : cabi.org« La culture de la papaye est une activité horticole majeure ici et une source de revenus pour de nombreux ménages », explique ce dernier.
Il ajoute que les agriculteurs avaient essayé d'utiliser des pesticides, mais que le ravageur « disparaissait mais réapparaissait après environ deux semaines ».
Cela avait provoqué une certaine frustration chez les agriculteurs, qui s'étaient retrouvés « confrontés à des pertes ».
Vincent Abuje a déclaré que 28 agents de vulgarisation agricole avaient été formés pour conseiller les agriculteurs sur l'identification et la gestion du ravageur, et qu'une méthode de lutte biologique devrait être introduite.
Il dit espérer que cela aidera les agriculteurs à contrôler le ravageur. « Nous sommes heureux et espérons que cette mesure, qui a déjà fait ses preuves ailleurs, aidera nos agriculteurs à contrôler ce ravageur destructeur », dit-il.
Le champ de Dorcus Lekesio est l'un de ceux où les scientifiques vont tester des parasitoïdes pour aider à contrôler la propagation de la cochenille du papayer. « Nous prions vraiment pour que cela fonctionne... Nous en avons désespérément besoin », dit-elle.