En Côte d'Ivoire, une double exposition culturelle rend hommage au travail de Mathieu Jean Gensin, à l'occasion de ses 90 ans. Cet artiste d'origine martiniquaise vit en Côte d'Ivoire depuis 1960. La première partie de cette exposition, dont le thème est « À la quête de mes origines : entre initiations et transmissions », est proposée depuis le 14 septembre 2024 au MuCAt, Musée des cultures contemporaines Amadou Tounkara à Abobo. Visite aux côtés de l'intéressé, qui revient sur sa démarche artistique.
Petit béret et lunettes noir, Mathieu Jean Gensin navigue entre ses toiles qui illustrent la sorcellerie, à l'image de Rituels, qui montre un personnage entouré de fétiches. « Le personnage qui est assis est avec le canari et les gris-gris qui sont à ses pieds, au moment de la consultation, explique-t-il. On voit les masques et les couleurs qui symbolisent évidemment l'environnement ».
Né en Martinique, Mathieu Jean Gensin a étudié les Beaux-Arts à Paris. Il s'est installé en Côte d'Ivoire, au moment de l'indépendance, en 1960. Et c'est ici, quartier Dallas, dans la commune d'Adjamé, qu'il lance le mouvement négro-caraïbes, qui met en lumière ses racines. « La racine, si vous voulez, au départ, d'un point de vue technique, ce sont les impressionnistes, décrypte-t-il. Déjà, à l'époque, en Martinique, le professeur nous avait dit que ce n'était pas la peine d'aller chercher ailleurs, qu'on avait déjà tout à portée de mains ».
Mathieu Jean Gensin a fait son service militaire à Bouaké : pendant deux ans, il a sillonné le nord de la Côte d'Ivoire et a alors découvert ses rites. « L'endroit qui m'a le plus impressionné, c'est Korhogo, parce qu'il y a le côté mystique de la chose, raconte-t-il. J'ai assisté à la sortie du bois sacré. J'ai des toiles d'ailleurs que j'ai peint là-dessus, où l'on voit cette démarche très noble de la sortie et de l'entrée du bois sacré ».
Cette exposition montre aussi des oeuvres beaucoup plus récentes, dont des toiles réalisées avec Zifu et Zoro Zipa, deux artistes du Street art abidjanais.
Deux expositions à découvrir jusqu'au 25 octobre au MuCat d'Abobo et à partir du 27 septembre à l'Institut Français d'Abidjan.
Mathieu Jean Gensin a par ailleurs enseigné les arts plastiques à l'Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle d'Abidjan. Sa réflexion a permis la naissance d'un mouvement artistique, autour des années 1980, en Côte d'Ivoire : le Vohou vohou. Ce nom signifie « n'importe quoi », en langue Gouro. C'est une démarche à la fois identitaire et qui s'appuie sur de la récupération d'objets.
Le mouvement négro-caraïbes et Monsieur Gensin, à travers ses enseignements, ont permis aux artistes ivoiriens de trouver leur propre message, d'arriver à construire un mouvement qui soit indépendant de tous les codes, les codes insufflés par l'Occident.