Quatre jours après avoir annoncé au son de trompe qu'il ne briguerait pas un deuxième mandat après celui en cours qui échoie en 2025, le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, est revenu sur sa parole le 15 septembre dernier.
En effet, au cours d'une réunion de son parti, le Mouvement pour l'alternance démocratique (Madem), il a tenu des propos qui viennent jeter le doute sur sa promesse de s'en tenir à un seul mandat. Morceau choisi : « J'avais déclaré que je ne serai pas candidat à un deuxième mandat à la suite des conseils de mon épouse et de ma famille, et si vous pensez que je dois revenir sur ma décision, eh bien je suis entièrement à votre disposition. Car je suis l'un des vôtres », a notamment lancé le chef de l'Etat aux militants de son parti.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce rétropédalage du président bissau-guinéen, quelques jours seulement après sa promesse de renoncement à un second mandat, sonne comme un retournement de veste qui n'honore pas son auteur. Et le Journal « Le Pays » ne croyait pas si bien dire en prenant le président Embalo au mot, comme pour dire qu'il fallait faire attention avec les dirigeants africains quand il s'agit de la question du pouvoir.
Le chef de l'Etat bissau-guinéen n'est pas loin de donner raison à ceux qui pensent qu'il n'est pas sérieux
Toujours est-il qu'en se dédisant du jour au lendemain, même s'il n'a pas été catégorique dans ses propos, le locataire du palais présidentiel de Bissau, montre finalement qu'il est loin d'être à la hauteur des éloges de ceux qui s'étaient empressés de saluer l'élégance de sa décision, dans un contexte où bien de ses pairs ont suffisamment fait la preuve de leur addiction au pouvoir.
Usant souvent de tours de passe-passe pour se maintenir à la tête de l'Etat quand ils ne font pas parfois dans le forcing pour se tailler des mandats indus. En tout cas, de Yaoundé à Brazzaville en passant, entre autres, par Malabo, Abidjan et Lomé, les exemples sont légion. Il reste entendu que ce sujet n'est nullement une remise en cause d'un éventuel second mandat du chef de l'Etat bissau-guinéen que la loi, du reste, lui autorise.
C'est dire si le Général-président est tout à fait dans son droit de briguer un second mandat si le coeur lui en dit dès lors qu'il n'est pas en porte-à-faux avec la loi. Mais il s'agit ici de la parole donnée, qui plus est, celle d'un officier supérieur qui a de grandes ambitions pour son pays. Et là, ça ne fait pas sérieux ! A quel jeu joue donc le président bissau-guinéen ? La question est d'autant plus fondée qu'au-delà de la légèreté que révèle une telle attitude, ce retournement de veste à la vitesse grand V, ne manque pas d'interroger.
Que se passe-t-il dans la tête du chef de l'Etat bissau-guinéen ? Sa décision initiale était-elle l'objet d'une réflexion bien mûrie ! Ou bien s'agissait-il d'un simple effet d'annonce pris sur un coup de tête, à l'effet de tester on ne sait quoi en dehors de sa popularité ? Seul le président Umaro Cissoco Embalo pourrait répondre à ces questions.
C'est au président qu'il appartient de s'engager à rebelotter plutôt que d'en laisser la prérogative aux militants de son parti
En attendant, avec cette volte-face, le chef de l'Etat bissau-guinéen n'est pas loin de donner raison à ceux qui pensent qu'il n'est pas sérieux et que sa déclaration n'était que pure diversion. Toujours est-il que c'est un acte qui ne le grandit pas. En tous les cas, la fonction présidentielle est une haute mission qui doit emporter l'engagement plein et entier de celui qui l'incarne.
A ce titre, c'est au président qu'il appartient de peser le poids de la charge de sa fonction et de s'engager à rebelotter plutôt que d'en laisser la prérogative aux militants de son parti. Encore que sous nos tropiques en Afrique, on sait combien ces genres d'appels venant de la base, relèvent de mises en scènes visant à flatter l'ego de dirigeants désireux de jouer la carte de l'indispensabilité et qui se croient investis d'une mission messianique.
En tout état de cause, rien n'interdit au président Embalo de briguer un deuxième mandat s'il le souhaite. Mais pour se donner des chances de se succéder à lui-même, le chef de l'Etat dont l'élection continue d'être contestée par son principal opposant même après son investiture, gagnerait à s'investir pour un mieux-être des populations et à soigner sa gouvernance dans ce pays d'Afrique de l'Ouest réputé pour son instabilité et où la corruption a pignon sur rue. Car, seul son bilan parlera pour lui ou jouera en sa défaveur.