Le Sénégal vient de traverser un épisode assez particulier que certains ont qualifié, un peu hâtivement de crise institutionnelle.
Le président de la République en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, mais aussi en s’appuyant, selon lui, sur ses promesses de campagne électorale, a dans un message à la nation du 12 septembre 2024, décidé de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Cette mesure qui, bien que du point de vue de sa légalité ne souffre d’aucun grief, a été notamment contesté par la majorité parlementaire composée des députés de la coalition Benno Bokk Yaakaar, qui avait soutenu l’ex- président Macky Sall durant ses deux mandats. En vérité, si on analyse froidement la situation, on se rend compte que les reproches fait à l’auteur de la décision, à savoir le président nouvellement élu, Bassirou Diomaye Faye, ne correspondent à aucune catégorie juridique ; tout au moins on parle de morale, d’élégance républicaine, voire d’éthique, sans contenu précis.
On en est même arrivé à se demander si les arrangements politiques devaient s’imposer à la légalité, au gré des humeurs des politiques. En tout cas, il faut absolument éviter que des cas d’illégalité flagrantes ne fassent jurisprudence, et versent dans la banalisation de l’illicite en plus de l’illégalité. Cela vaut pour l’avenir.
Rappelons que dans ce cas d’espèce, on reprocherait au président de la république d’user de ses prérogatives, pour indiquer la date, qui selon lui, devait être celle de la Déclaration de Politique générale (DPG) de son 1er ministre, 48h après celle retenue abusivement par la conférence des présidents.
De là, la majorité au parlement en a tiré la conséquence que la date du 13 indiquée, dans le courrier du Président de la République adressé au Président de l’Assemblée, valait convocation de la DPG à cette date. Le prononcé de la décision de dissolution le 12 septembre, en vertu de l’avis du Conseil constitutionnel, constituait donc « un reniement » de sa part. Il y a en effet une divergence d’interprétation, que les juristes ont pu trancher, non sans dire que la décision présidentielle est exempte de reproche, car elle tire sa légitimité dans la Constitution.
Mais la conséquence qui en découle n’est pas sans poser une série de questions, notamment, est-ce que cette dissolution n’est pas en elle-même une absolution d’un parlement qui traine un passif démocratique lourd. L’on se souvient que ce parlement, ou du moins sa frange contestataire de la dissolution, avait il n’y a guère longtemps, à l’origine de la loi d’amnistie des faits de 2021 à 2024, la période sombre du régime de Macky Sall avec ses 80 morts ; votée dans les conditions que l’on sait.
Avant cela d’ailleurs, la même Assemblée avait éconduit le ministre des finances qui devait se présenter devant elle pour le débat d’orientation budgétaire, crucial avant le vote de la loi des finances. C’est elle même qui avait voulu supprimer le droit de dissolution du Président de la République prévu par la Constitution avant de se raviser. On ne sait d’ailleurs pourquoi cette initiative grave pour la république et l’équilibre de ses institutions s’est arrêtée nette.
Enfin, on retiendra que c’est cette Assemblée, à travers le groupe majoritaire d’alors ( BBY), qui avait voté la résolution pour la mise en place de la commission parlementaire pour enquêter sur la supposée corruption de deux hauts magistrats du Conseil constitutionnel, dans laquelle leur candidat M. Amadou Ba serait impliqué.
Cet artifice a été le prétexte saisi par le Président Macky Sall pour reporter les élections à quelques heures du démarrage de la campagne électorale de la présidentielle de 2024. Les faits ont montré qu’il n’en est rien de tout cela, la corruption des juges constitutionnels n’était qu’un bluff, pourtant l’honneur de hauts magistrats a été entaché, sans oublier les risques réels de troubles graves aux conséquences incalculables.
Ces séquences sur cette courte durée n’ont–elles pas fini de convaincre d’une démarche politicienne, faite de roublardise et d’entreloupe, de la part d’un groupe politique, qui tente vaille que vaille de saper le travail gouvernemental, et pour lequel il faut tourner la page et par conséquent l’absoudre. Convoquer le collège électoral pour élire de nouveaux députés, n’est-il pas la voie royale pour redonner le pouvoir au peuple seul siège de la légitimité démocratique.
La dissolution n’est-elle pas au finish, une sorte d’absolution de tous ces actes, un pardon qui ne dit pas son nom ?