En cette période de Mawlid, de nombreux fidèles viennent se recueillir sur les différents lieux de la cité religieuse de Médina Baye (Kaolack, centre). Dans cette effervescence religieuse, le puits construit par Cheikh Ibrahima Niass en 1937, est l'une des attractions.
Dans les années 1930, date de fondation de la cité religieuse, El Hadji Ibrahima Niass avait creusé un puits pour permettre au village naissant, non connecté au réseau hydraulique, de s'approvisionner en liquide précieux. Le puits permettait aussi d'assurer l'approvisionnement en eau du chantier de construction de la mosquée du village.
Dimanche. Jour du Mawlid. L'effervescence est à son comble. Une forte canicule se ressent dans l'atmosphère. Les fidèles se forment en files indiennes pour effectuer leur Ziar (visite) pour se recueillir au mausolée de Cheikh Ibrahima Niass, à la mosquée, sur la nouvelle esplanade ou encore à la première concession familiale du fondateur de la Faydatou Tidjania.
Le même décor est noté autour du puits de Baye Niass à quelques encablures de la grande mosquée. Des jeunes, garçons et filles, personnes âgées, hommes et femmes, toutes nationalités confondues, se bousculent autour de la margelle du puits pour s'approvisionner.
Au milieu de cette cohue, quelques jeunes, la trentaine bien sonnée, assurent l'approvisionnement des fidèles en eau via un robinet. Les fidèles, bouteilles et récipients en main, attendent pour se faire servir. Le prix des bouteilles varie entre 100 FCFA et 300 FCFA. Cette eau jugée bénite, fait recette.
Pour Mbaye Thiam, professeur d'histoire et de géographie à la retraite et habitant de Médina Baye, ce puits n'a rien de miraculeux, puisqu'il répondait aux besoins en eau de la cité fondée par Cheikh Ibrahima Niass en 1929.
"Après la fondation de Médina Baye, on obtenait de l'eau à partir des puits. Baye Niass avait fait creuser une centaine de puits entre Médina et Sam. Le fait de creuser ce puits en 1937 visait à assurer un accès continu en eau pour le chantier de la première grande mosquée", souligne l'historien Mbaye Thiam, par ailleurs ancien proviseur du Lycée Valdiodio Ndiaye de kaolack.
Habillé en caftan de couleur rouge et coiffé d'un bonnet "haoussa", Serigne Alioune Dramé est l'un des gérants de ce lieu. Avec entrain, il assure la distribution de l'eau.
"Chaque année, des milliers de pèlerins viennent ici pour puiser de l'eau et accomplir leur Ziar. Nous avons repris la gestion du puits après le décès de Cheikh Ismaëla Sylla (l'ancien conservateur du puits) et notre tâche quotidienne est de faciliter l'approvisionnement en eau des fidèles", assure Dramé.
Ce puits, qui a traversé les âges, est aujourd'hui modernisé par une association des disciples de Baye Niass basée à de Richard Toll (Saint-Louis, nord), se félicite Serigne Alioune Dramé qui salue aussi "la discipline et la coopération des pèlerins rendent notre mission plus simple".
Les périodes de Gamou et de la Ziarra annuelle de Médina Baye attirent une affluence particulièrement forte, transformant le puits en un véritable centre spirituel.
"Pouvoir de guérison"
Malgré la gratuité de l'eau, une pratique touchante s'est développée : certains pèlerins, émus par l'esprit de dévotion, choisissent de faire des offrandes après avoir reçu de l'eau, en hommage à l'esprit de générosité que Cheikh Ibrahima Niass prônait.
Macoumba Diagne, un quinquagénaire habitant au quartier Sam de Kaolack, exprime son attachement au puits après avoir patienté quelques minutes pour remplir sa bouteille. "Je viens souvent ici pour faire ma Ziar. Je crois fermement que mes prières sont exaucées grâce à l'eau du puits. Même en cas de maladie, cette eau a un pouvoir de guérison", estime cet inconditionnel de Baye Niass.
À Médina Baye, la particularité réside dans l'affluence des fidèles venus de différents pays du monde, comme Fatou Diob, une gambienne quadragénaire.
Elle est très enthousiaste de revenir à Médina Baye cette année pour effectuer sa Ziar. "Je prends de l'eau du puits non seulement pour moi, mais aussi pour ma famille et mes voisins. Nous buvons cette eau et l'utilisons pour nous baigner, convaincus de ses vertus spirituelles", affirme cette pèlerine gambienne.
A Médina Baye, les gens spéculent beaucoup autour de ce puits, presque centenaire. L'infrastructure hydraulique suscite plusieurs commentaires. Les plus osés estiment que "Baye Niass aurait versé de l'eau bénite dans ce puits pour lui conférer de la baraka".
"À un certain moment durant la vie de Baye Niass, le puits a été fermé, et c'est Cheikh El Hadji Abdoulaye Niass son deuxième khalife et fils aîné, qui l'a rénové pour permettre aux fidèles de mieux connaître l'histoire de Médina Baye. Il s'agit juste d'une logique de patrimoine qu'autre chose", a expliqué l'historien Mbaye Thiam.
Près de 90 ans après sa création, le puits de Baye Niass, communément appelé "Ténou Baay", traverse les époques et continue d'être un lieu de convoitise et de convergence pour les fidèles venus de divers pays.