Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), alliance jihadiste affiliée à el-Qaëda, a revendiqué mardi une attaque contre l'aéroport militaire de Bamako et un camp militaire, une opération audacieuse et inédite depuis des années dans la capitale malienne.
« Une opération spéciale (a ciblé) l'aéroport militaire et le centre d'entraînement des gendarmes maliens au centre de la capitale malienne (Bamako) ce matin à l'aube, causant d'énormes pertes humaines et matérielles et la destruction de plusieurs avions militaires », a dit le GSIM (ou JNIM suivant son acronyme arabe) via ses canaux de communication.
Au-delà de la version du JNIM et des autorités qui ont assuré avoir le contrôle de la situation, l'envergure de cette attaque, le mode opératoire et le bilan humain sont mal définis, dans un contexte de tension et de fortes restrictions imposées à la circulation de l'information sous la junte au pouvoir depuis 2020.
Alors que certaines régions du Mali restent la proie d'attaques quasiment quotidiennes, sa capitale avait été préservée de la violence depuis une attaque anti-occidentale visant en mars 2016 un hôtel abritant l'ancienne mission européenne d'entraînement de l'armée malienne.
« Tôt ce matin, un groupe de terroristes a tenté de s'infiltrer dans l'école de gendarmerie de Faladié », a dit l'armée dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux. « La situation est sous contrôle », a-t-elle assuré dans un message également diffusé dans un flash de la radio-télévision en langue bamanakan.
Les « terroristes » désignent communément les jihadistes et les indépendantistes touaregs du nord du pays, dans le langage des autorités dominées par les militaires.
Le ministère de la Sécurité a quant à lui fait état d' »attaques terroristes » contre des « points sensibles de la capitale », dont l'école de gendarmerie.
L'école de gendarmerie se trouve à quelques minutes seulement par la route du secteur aéroportuaire, où l'aéroport militaire jouxte les installations civiles. Le ministère des Transports a annoncé dans un communiqué que l'accès à l'aéroport était « temporairement restreint afin de prévenir tous risques ».
« L'aéroport de Bamako est momentanément fermé face aux évènements », a déclaré un responsable aéroportuaire, sans se prononcer sur la durée de cette mesure. Un témoin a confirmé à l'AFP que le secteur était bouclé et qu'il ne pouvait accéder à l'aéroport par la route nationale.
Aucun bilan humain n'a été officiellement communiqué, alors que des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des corps.
Des opérations de ratissage sont en cours, selon l'armée. Elle appelle la population à garder son calme et à éviter le secteur.
Bamako s'est réveillée vers 5H00 (locale et GMT) au bruit de coups de feu d'intensité variable entrecoupés d'explosions, a rapporté l'AFP. Une fumée noire s'élevait au lever du jour d'une zone proche de l'aéroport. Un témoin a indiqué être resté bloqué avec d'autres fidèles dans une mosquée proche de la zone des tirs à l'heure de la première prière matinale.
Le lycée français Liberté a diffusé un message annonçant qu'il resterait fermé « en raison d'évènements extérieurs ». Des employés de l'ONU ont également reçu un message leur intimant de « limiter (les) déplacements jusqu'à nouvel ordre ».
Le Mali, pays pauvre et enclavé confronté à la propagation jihadiste et à une profonde crise multidimensionnelle depuis 2012, a été le théâtre de deux putschs, en août 2020 et mai 2021. Il est depuis gouverné par une junte dirigée par le colonel Assimi Goïta. A sa suite, ses voisins, le Burkina Faso et le Niger, ont également vu des militaires s'emparer du pouvoir par la force.
Les autorités assurent avoir inversé en leur faveur la tendance contre les jihadistes. En 2022 cependant, les jihadistes avaient mené une attaque également audacieuse contre le camp militaire de Kati, fief de la junte situé à une quinzaine de kilomètres de Bamako.
Depuis 2022, les militaires au pouvoir ont rompu l'alliance ancienne avec la France et ses partenaires européens, pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie.
Ils ont multiplié les actes de rupture, poussant vers la sortie la mission de l'ONU Minusma et dénonçant l'accord signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord, considéré comme essentiel pour stabiliser le pays. Ils ont fondé avec les régimes militaires burkinabè et nigérien une Alliance des Etats du Sahel il y a tout juste un an, et ont annoncé avec eux quitter la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), accusée d'être inféodée à l'ancienne puissance coloniale française.
Les autorités maliennes restent confrontées à de lourds défis, non seulement sécuritaires, mais aussi économiques, sociaux et structurels.