Au Burkina Faso un nouveau rapport d'Humain Rights Watch paru ce mercredi détaille les conditions de vie des populations victimes des attaques des groupes armés islamistes dans le pays où plus de 26 000 personnes ont été tuées pendant le conflit depuis 2016, dont environ 15 500 depuis le coup d'État militaire de septembre 2022. L'organisme humanitaire s'inquiète pour les civils pris en tenailles entre les groupes islamistes et l'armée régulière.
« Les assaillants tiraient partout de façon aléatoire, j'ai vu des dizaines de corps ». Dans son rapport, l'organisation Human Rights Watch fait part de témoignages effroyables, comme celui de cette femme, une rescapée d'une attaque en mai qui a fait au moins 80 morts et près de 40 blessés dans un camp de déplacés à Goubré (nord).
À Niamana, dans l'extrême ouest, un habitant raconte : « Nous sommes pris entre le marteau et l'enclume, d'un côté les autorités nous poussent à retourner dans les villages où la sécurité n'est pas garantie, de l'autre, les jihadistes nous attaquent lorsque nous retournons dans nos champs et nos maisons ». Interrogé par HRW sur les allégations de retours forcés, le ministre de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, affirme que le retour des personnes déplacées est volontaire et « précédé des actions de sécurisation des localités et de réouverture des services sociaux de base ».
Selon l'ONG, les groupes armés jihadistes au Burkina Faso ont intensifié ces derniers mois leurs attaques contre les civils, « massacrant des villageois, des personnes déplacées et des fidèles chrétiens ». Exécutions « porte-à-porte », égorgements, corps démembrés, femmes violées... Plus de 26 000 personnes ont été tuées - militaires, miliciens et civils confondus - au Burkina Faso depuis le début du conflit en 2016, selon l'organisation Acled, qui répertorie les victimes des conflits dans le monde.
Rien que sur les huit premiers mois de l'année seulement, Acled recense « plus de 6 000 » morts, dont environ 1 000 civils tués par les « groupes armés islamistes ». HRW précise que « ces chiffres n'incluent pas les 100 à 400 civils tués lors de l'attaque du 24 août » à Barsalogho, dans le centre du pays.
« Placer les civils au coeur des violences »
Pour Ilaria Allegrozzi, chercheuse spécialiste du Sahel au sein de l'organisation, la situation a empirée depuis la prise du pouvoir d'Ibrahim Traoré par un coup d'État en septembre 2022. Il avait promis de reprendre en « six mois » le contrôle du pays, promettant que la lutte contre le « terrorisme » serait sa « priorité ».
« Il est fort probable que 2024 soit la pire année en termes de morts civils au Burkina », selon Ilaria Allegrozzi, chercheuse spécialiste du Sahel au sein de l'organisation. Selon elle, « plus de la moitié » des victimes « ont été tués depuis que la junte est au pouvoir ».
Elle justifie notamment cela par la volonté des autorités militaires de faire des VDP « le principal pilier de la réponse à l'insécurité », une décision « assez controversée car elle a contribué à placer les civils au coeur des violences ».
Le recrutement de VDP a fait que « des communautés ont été ciblées par les groupes armés pour avoir rejoint les VDP » et « a aggravé les tensions communautaires car il n'y a pas assez de VDP qui ont été recrutés au sein de certaines communautés ». Ces dernières « sont souvent les plus discriminées et visées par les opérations antiterroristes ». « Elles sont considérées comme des collaborateurs ou des suspects terroristes », conclut-elle.