Dans un monde globalisé où la langue française domine les systèmes éducatifs, le Gabon fait face à un défi complexe : comment tirer parti de sa diversité linguistique tout en assurant la réussite scolaire de ses jeunes ?
Les langues locales telles que le fang, l'omyenè, le kota, le nzebi, l'ipunu, et bien d'autres, sont de moins en moins parlées par les jeunes générations. Pourtant, leur intégration dans le processus éducatif pourrait représenter un atout majeur pour améliorer l'apprentissage. Les Églises, notamment l'Église évangélique du Gabon, l'Alliance chrétienne, les Assemblées de Dieu du Gabon et l'Église catholique romaine, ont un rôle crucial à jouer dans cette initiative, grâce à leur expertise dans la préservation des langues locales.
Les langues locales : un vecteur de compréhension et de réussite scolaire
La réussite scolaire repose largement sur la capacité des élèves à comprendre et intégrer de nouvelles connaissances. Dans un pays multilingue comme le Gabon, les langues locales peuvent jouer un rôle essentiel dans ce processus. De nombreuses études démontrent que penser et raisonner dans sa langue maternelle facilite l'assimilation des concepts, particulièrement pour les sujets complexes.
L'introduction des langues locales dans l'enseignement pourrait donc non seulement améliorer la compréhension des élèves, mais aussi accroître leur participation en classe. De nombreux jeunes rencontrent des difficultés lorsqu'ils doivent maîtriser des concepts abstraits enseignés uniquement en français. En traduisant les matières scolaires dans les langues locales, on donnerait aux élèves les outils linguistiques nécessaires pour mieux appréhender ces concepts et résoudre plus efficacement les situations-problèmes proposées à l'école.
L'expertise des Églises : un levier pour l'apprentissage des langues locales
Historiquement, les Églises au Gabon ont joué un rôle clé dans la préservation des langues locales, notamment à travers la lecture des textes bibliques, les chants et les prières en langues locales lors des célébrations religieuses. Cette tradition, perpétuée depuis l'époque missionnaire, a permis de maintenir vivante une grande partie du patrimoine linguistique du Gabon.
Les bibliothèques de ces Églises contiennent une richesse documentaire en langues locales telles que le fang, l'omyenè, le kota, le nzebi et l'ipunu. Ces ressources, fruit d'un attachement profond à ces langues, témoignent de l'expertise que ces institutions pourraient partager avec le système éducatif. L'initiative de l'ONG Génération Ekang, avec son programme "Sikolo Ekang", qui promeut l'alphabétisation en langue fang, constitue un exemple inspirant qui montre comment cette expertise peut être mobilisée pour des projets éducatifs concrets.
Vers une collaboration fructueuse entre Église et école
La collaboration entre les Églises et le système éducatif gabonais représente une opportunité à ne pas négliger. En mobilisant leurs ressources linguistiques et culturelles, ces institutions religieuses pourraient contribuer à la formation des enseignants, à la production de supports pédagogiques en langues locales, et à l'organisation de cours dédiés à l'apprentissage de ces langues.
En introduisant les langues locales dans l'enseignement, on pourrait également offrir aux élèves un sentiment de fierté et d'appartenance à leur culture, ce qui renforcerait leur motivation scolaire. Il ne s'agit pas seulement d'une intuition : les travaux des linguistes et pédagogues confirment que l'utilisation de la langue maternelle dans l'enseignement facilite la compréhension des concepts complexes, notamment dans des matières comme les mathématiques, les sciences et la résolution de problèmes.
Une reconnaissance méritée pour les Églises
Le rôle des Églises dans la préservation des langues locales mérite d'être reconnu et salué. Leur contribution à la sauvegarde de ces langues est d'une importance capitale pour le Gabon. Toutefois, au-delà de cette reconnaissance, il est crucial que les autorités éducatives sollicitent activement l'expertise linguistique et culturelle de ces institutions.
L'introduction de programmes d'enseignement en langues locales ne serait pas seulement une réponse aux défis de la survie linguistique, mais aussi un moyen d'améliorer la réussite scolaire des jeunes Gabonais, de plus en plus déconnectés de leurs racines linguistiques.
Conclusion
L'intégration des langues locales dans le système éducatif, avec l'appui des Églises du Gabon, pourrait constituer une véritable révolution pédagogique. Cette approche permettrait de mieux adapter l'enseignement aux réalités socioculturelles du pays, tout en valorisant un patrimoine culturel inestimable.
En favorisant une éducation bilingue, où les langues locales seraient utilisées aux côtés du français, le Gabon créerait un environnement scolaire plus inclusif, plus accessible, et mieux adapté aux besoins de ses élèves. Cela contribuerait non seulement à améliorer la réussite scolaire, mais aussi à promouvoir une identité culturelle forte, capable de soutenir les jeunes Gabonais dans leur développement intellectuel et social.
En somme, cette coopération entre les institutions religieuses et l'école pourrait offrir au Gabon un modèle d'éducation à la fois moderne et enraciné dans ses traditions, où les langues locales deviendraient des leviers essentiels d'émancipation et de progrès.