Les élèves du collège Medco Agaléga, qui se préparent à passer les examens du School Certificate (SC) à partir de demain, vendredi, sont enfin tous arrivés à Maurice après plusieurs mois de péripéties. Les trois restants du groupe de cinq ont eu un «lift» à bord du Dornier, parti pour une évacuation sanitaire des Indiens, jeudi dernier. La situation des élèves d'Agaléga, comme Ezéchiel Poulay et Laeticia Laurence, illustre les nombreux défis auxquels sont confrontées ces familles lorsqu'elles doivent quitter leur domicile pour des raisons éducatives.
Ces jeunes, en pleins préparatifs de ces examens cruciaux, se retrouvent déstabilisés par des conditions de vie difficiles à Maurice. Les frais de transport, un nouveau cadre scolaire et l'absence de soutien financier rendent leur intégration difficile. Comme ces deux jeunes, plusieurs élèves d'Agaléga se sentent «perdus» dans cette transition, exacerbée par un manque de préparation et de soutien de la part des autorités. Les récits de ces deux familles montrent à quel point le parcours éducatif des enfants d'Agaléga est semé d'embûches, reflétant une marginalisation qui semble perpétuer l'incertitude et les inégalités.
Le 24 août, Ezéchiel Poulay, accompagné de sa mère Catherine, a quitté Agaléga pour Maurice. Ils habitent actuellement à QuartierMilitaire avec leur père, déjà présent sur l'île pour des raisons médicales depuis trois mois. Avant son départ, le ministère leur avait donné l'assurance qu'il serait inscrit dans un collège Medco afin de poursuivre sa scolarité en vue des examens de SC. Pourtant, à son arrivée à Maurice, tout s'effondre : pas de place dans le collège promis. Ezéchiel Poulay est redirigé vers le collège St-Bartholomew à PortLouis. «Ce n'était pas facile. On a dû acheter des uniformes, juste pour un mois. Cela représente un coût non négligeable que nous avons dû assumer de notre poche. L'Outer Islands Development Corporation a fait comprendre qu'elle ne va rien rembourser», raconte Catherine Poulay, visiblement désabusée.
Le quotidien du jeune homme s'avère difficile. Habitant à Quartier-Militaire, il doit parcourir une longue distance chaque jour pour se rendre à Port-Louis. Le coût des transports pèse lourdement sur cette famille déjà en difficulté et l'obtention d'un pass d'autobus, même temporaire, s'avère impossible dans un délai aussi court. «Cela aurait été trop compliqué d'obtenir un pass étudiant pour un mois seulement. Les démarches, même pour obtenir le bus pass prennent plus de temps», explique Catherine. Elle évoque avec amertume la situation de son fils qui, à Agaléga, n'a pas besoin de voyager autant pour aller à l'école. Là-bas, tout est à proximité.
Ezéchiel Poulay, lui, tente de s'adapter à ce nouvel environnement, mais le temps presse. Il ne lui reste que quelques semaines avant de passer ses examens. Depuis son arrivée, il fait tout pour suivre les cours, rattraper le retard accumulé depuis le début de l'année et surmonter les nombreuses difficultés rencontrées à Agaléga. «Nous n'avions pas de manuels scolaires. Il y avait toujours un manque d'enseignants et quand un enseignant est parti pour des raisons médicales, il n'a jamais été remplacé», raconte-t-il, la voix empreinte de frustration. À Agaléga, les élèves travaillent uniquement avec des anciens test papers, faute de matériel pédagogique adéquat. Les nombreuses demandes pour obtenir des ressources supplémentaires n'ont jamais abouti.
Malgré ces obstacles, les enseignants de Maurice essaient d'aider Ezéchiel du mieux qu'ils peuvent. «Ils nous disent de poser des questions si nous ne comprenons pas, mais c'est toujours compliqué», confie le jeune homme. Avec les examens qui approchent à grands pas, Ezéchiel doit se concentrer sur ce qu'il apprend en classe, faute de soutien extérieur. Une pression immense repose sur ses épaules. Il débutera les épreuves ce vendredi avec le questionnaire d'Arts. Pour sa mère, cette situation est particulièrement éprouvante. Elle déplore l'absence totale d'aide pour sa famille.
«Ils disent que les enfants doivent venir bien avant les examens, mais comment faire dans ces conditions ? Nous n'avons ni travail ni aide financière», s'indigne Catherine Poulay. Le stress ne s'arrêtera pas avec les examens, car la question du retour à Agaléga se pose déjà. Il n'y a pas de classes de Higher School Certificate (HSC) sur l'île, ce qui signifie qu'Ezéchiel Poulay ne pourra pas poursuivre ses études là-bas s'il réussit ses examens. La famille devra donc envisager de rester à Maurice, mais cela pose d'autres difficultés. Les parents devront retourner à Agaléga pour travailler, laissant leur fils seul.
Catherine Poulay voit l'avenir de ses enfants avec une grande inquiétude. Son fils aîné est déjà à Maurice pour suivre des cours, mais la situation est tout aussi précaire pour lui. «Dans tout cela, ce sont les enfants qui perdent. Ils n'ont aucun avenir ni ici ni à Agaléga. Malgré les promesses, les familles d'Agaléga font face à plusieurs obstacles lorsqu'elles cherchent à offrir un avenir meilleur à leurs enfants et l'espoir semble souvent hors de portée», conclut-elle, la voix remplie de désespoir.
Laeticia Laurence : «Je me sens perdue»
Cette situation n'est pas unique et est vécue par d'autres élèves qui ont dû se déplacer pour passer leurs examens de SC. Laeticia Laurence, une autre élève, est arrivée à Maurice le 4 septembre, accompagnée de sa mère à bord du Dornier de la National Coast Guard, un vol d'urgence initialement destiné à évacuer un officier indien. Un départ précipité, sans arrangement préalable, qui n'a fait qu'ajouter au stress déjà palpable.
Sa mère, Madelaine Laurence, se souvient : «Ce n'est que la veille que nous avons appris que nous aurions une place sur le Dornier. Nous avons dû tout préparer et ranger en moins de 24 heures. S'il n'y avait pas eu ce vol, nous n'aurions pas eu de place.» Aujourd'hui, la famille vit chez la mère de Madelaine à Roche-Bois. Mais cette situation est loin d'être idéale. «Ma mère a 70 ans et ce n'est pas facile pour elle de nous soutenir à son âge. Mon fils aîné, qui suit des cours à Maurice, vit déjà avec elle. Nou bizin trase. Pi pou fer? Pena swa», ajoute-t-elle.
Contrairement à d'autres élèves comme Ezéchiel Poulay, Laeticia Laurence a pu obtenir une place au Medco Bhujoharry. Cependant, ce collège est loin de leur logement, ce qui oblige la jeune fille à voyager chaque jour. Sans carte de bus, Laeticia doit aussi payer ses frais de transport de sa poche. Laeticia Laurence, qui rêve de devenir policière, tente tant bien que mal de s'adapter à ce nouvel environnement. «J'ai rencontré une fille que je connaissais d'Agaléga, mais je me sens encore perdue parmi tout ce monde. Tout est tellement différent», confie-t-elle.
Manque de soutien
Malgré tout, elle ne baisse pas les bras. La jeune fille fait de son mieux pour suivre les cours et rattraper le temps perdu. «Ce n'est pas facile de rattraper plusieurs mois de cours en quelques semaines.» Pourtant, Laeticia Laurence persévère, sachant que son avenir en dépend. Sa mère, quant à elle, s'inquiète pour l'avenir de sa fille, mais également pour celui de tous les élèves d'Agaléga.
«Nous avons plusieurs fois demandé que les enfants puissent passer leurs examens à Agaléga, mais rien n'a abouti.» Elle souligne également le manque de soutien et d'aide financière du gouvernement dans de telles situations. «La vie est très chère à Maurice. Je vis avec ma mère, qui ellemême doit dépendre des autres. Mon mari travaille à Agaléga, et, moi, je travaillais aussi dans les champs. Mon congé se termine la semaine prochaine et je ne sais pas si nous pourrons trouver du travail ici», explique-t-elle, visiblement préoccupée.
Pour la jeune fille, la fin des examens de SC ne marquera pas la fin de ses défis. Elle souhaite poursuivre ses études, mais il n'y a pas de programme HSC à Agaléga.* «Il faudra rester à Maurice pour continuer mes études, mais si mes parents restent à Agaléga, comment vais-je faire ? Ma grand-mère partira bientôt en Angleterre chez ma tante et je n'aurai personne chez qui habiter à Maurice.
C'est injuste que tout doive s'arrêter là pour nous, les élèves agaléens, parce que rien n'est fait pour changer notre situation. L'éducation n'est pas facile pour nous», confie Laeticia Laurence, pleine de tristesse.«Le gouvernement doit accorder plus de considération à l'éducation des enfants à Agaléga. Venir à Maurice n'a pas été facile et retourner à Agaléga ne le sera pas non plus. Une grande piste a été construite, mais il n'y a pas d'avions. Nous devons attendre qu'il y ait de la place koumadir sarite.»*