Sera-t-il oui ou non candidat à l'élection présidentielle de 2025? Cette question, plus d'un Guinéen se la pose sans obtenir la moindre réponse de la part du général Mamadi Doumbouya, puisque c'est de lui qu'il s'agit. Si la Charte de la transition interdit aux membres de la transition guinéenne de briguer la magistrature suprême, des cadres de la junte et du gouvernement n'excluent pas cette possibilité. Mieux, le ministre des Affaires étrangères de la Guinée, Morissanda Kouyaté, qui participait à une réunion de l'OIF à Paris, le 19 septembre dernier, semble avoir jeté le masque en affirmant que la nouvelle constitution « ne sera pas une machine à exclure ». Une sortie qui a mis l'opposition guinéenne en colère. Et l'on pourrait dire que cette poussée d'adrénaline est légitime, ce d'autant qu'après trois ans de transition, celle-ci manque toujours de lisibilité, notamment un calendrier devant signer le retour à l'ordre constitutionnel. Et pendant que l'opposition demande au général Doumbouya de clarifier sa position, l'homme préfère se murer dans un silence assourdissant.
Preuve, s'il en est, que l'homme fort de Conakry ne semble pas prêt à remettre le pouvoir aux civils à qui il l'avait pourtant promis. Le général franchira-t-il le Rubicon ? On attend de voir. Mais une chose est certaine : Trois ans après la chute du régime du professeur Alpha Condé, les démons de la division continuent toujours de hanter la Guinée. C'est d'autant plus vrai qu'en plus de la question du respect du calendrier de retour à l'ordre constitutionnel qui constitue la véritable pomme de discorde, les restrictions des libertés individuelles et collectives opposent également les Guinéens. De là à soupçonner l'officier-président et ses compagnons d'armes de velléités de confisquer le pouvoir à défaut de pouvoir s'y éterniser, il y a un pas que de nombreux Guinéens ont allègrement franchi.
A l'image de ces organisations de la société civile qui avaient planifié des journées de protestation contre les arrestations arbitraires, en l'occurrence les 30 et 31 juillet ainsi que le 1er août 2024, et qui ont vu leurs manifestations frappées d'interdiction avec en sus, des menaces de poursuites pénales en cas de non-respect de la mesure. C'est dire la chape de plomb qui pèse sur les Guinéens dans un contexte de restriction des libertés, y compris de la presse et de musèlement des voix discordantes. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Guinéens restent globalement mobilisés non seulement sur les questions des libertés et des droits de l'Homme, mais aussi sur la gouvernance et le retour à l'ordre constitutionnel. Cela dit, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Il appartient aux Guinéens de se montrer vigilants.
En effet, la présentation le 29 juillet dernier, d'un avant-projet de Constitution au Conseil national de transition (CNT), l'organe législatif, marque une étape importante dans le cours de la transition, en ce qu'elle pose les jalons des débats autour de la nouvelle loi fondamentale qui devrait être soumise à référendum avant la fin de l'année. Le nouveau texte constitutionnel qui a été soumis à la Représentation nationale en présence de membres du gouvernement, de représentants du corps diplomatique, mais aussi de partis politiques et d'acteurs de la société civile, prévoit, entre autres, la limitation des mandats présidentiels, l'instauration d'un système de parrainages ainsi que la fixation d'un âge minimum de 35 ans et maximum de 80 ans pour être candidat à la présidentielle.
Il est aussi question de la mise en place d'un parlement à deux chambres avec notamment l'Assemblée nationale d'une part et le Sénat d'autre part. Et la démarche des autorités intérimaires se veut d'autant plus inclusive que ces dernières promettent de soumettre, dans les jours à venir, le texte aux différentes entités pour un débat citoyen. C'est dire s'il appartient aux Guinéens de saisir la balle au bond, pour prendre le président Doumbouya et son équipe au mot, en vue du renforcement de la démocratie dans leur pays. A ce propos, si la démarche inclusive du gouvernement est à saluer, on espère que le référendum attendu ne sera pas une mascarade. On attend aussi de voir si le tombeur d'Alpha Condé s'imposera des limites pour ne pas biaiser le jeu, ou s'il fera tout pour se maintenir au pouvoir dans un contexte où il fait déjà l'objet de contestation de la part de certains de ses compatriotes. En tout état de cause, il appartient aux Guinéens de se montrer vigilants.