Ile Maurice: Harvesh Seegolam - «Il y avait de l'espace pour baisser le taux d'intérêt»

23 Septembre 2024

Soulagement des emprunteurs... mais attention aux pressions sur la roupie, préviennent les spécialistes. Les clients des prêts bancaires peuvent se frotter les mains. La baisse de 50 points de base du taux directeur (key rate) de la Banque de Maurice (BoM) entraînera une baisse de leurs taux d'intérêt et impactera positivement par ricochet sur leurs remboursements mensuels. De Rs 1 000 à Rs 1 500 sur un prêt à long terme (20 ans) de Rs 2 millions à monter, selon les banquiers.

Si cette baisse de 4,5 % à 4 % est sans doute motivée par la tendance baissière des taux d'intérêt des principales banques centrales à l'échelle mondiale, dont la Réserve fédérale américaine (Fed) (50 pb) et la Banque centrale européenne (25 pb), elle est surtout due, selon le gouverneur de la BoM, Harvesh Seegolam, à une inflation maîtrisée, couplée à une croissance soutenue estimée à 6,5 % cette année. «Nous sommes sur une voie désinflationniste, avec 18 mois de baisses successives, ce qui nous ramènera à un taux projeté à 4 % à la fin de l'année. Sur cette trajectoire, nous estimons pouvoir atteindre notre objectif d'une inflation oscillant entre 2 % à 5 %.»

Une opinion que certains économistes ne partagent pas. L'économiste Eric Ng souligne que la BoM n'a pas encore remporté la bataille contre l'inflation et qu'à 4 %, elle est encore loin de l'objectif à moyen terme de 3,5 %. Cela, contrairement aux États-Unis, qui enregistre actuellement un taux d'inflation avoisinant les 2 % et qui peut justifier une baisse de 50 points de base de ses taux d'intérêt. Du coup, l'économiste persiste et signe. La décision de la BoM relève carrément d'une démarche politique visant à réduire les taux d'intérêt à la veille des élections.

«Je ne vois pas d'autres raisons. La Fed a augmenté ses taux de 525 points de base contre 265 points de base à la Banque de Maurice. Il y a un large écart de points entre les deux institutions. Il faut souligner qu'alors que la banque américaine a commencé à baisser ses taux en 2022, la BoM l'a fait bien après.»

Pour autant, Harvesh Seegolam soutient que c'est l'environnement économique positif qui a dicté le Monetary Policy Committee (MPC) à voter unanimement en faveur de cette baisse. «Le comité a estimé en toute indépendance qu'il y a de l'espace pour réduire le taux directeur sans compromettre les autres objectifs macroéconomiques», souligne le patron de la BoM. Vu que la Fed a annoncé d'autres baisses lors de ses prochaines réunions, tout au moins deux avant la fin de l'année pour, qu'à terme, soit une année ou deux, elle se retrouve avec des taux de 2,5 %, est-ce qu'on peut s'attendre à ce que la BoM poursuive la même politique d'assouplissement monétaire ?

Pas nécessairement, soutient le patron de la BoM, estimant que chaque institution a ses propres paramètres et objectifs à respecter, même si la tendance actuelle, dit-il, plaide en faveur des baisses. Il rappelle que, suivant la dernière réunion du MPC en mai, il y a eu au moins 47 décisions prises par les banques centrales pour réduire leurs taux d'intérêt, contre seulement cinq qui ont opté en faveur des hausses. L'analyste financier, Imrith Ramtohul, note que «si l'inflation baisse davantage, il y aura de l'espace pour réduire le key rate».

D'une manière générale, Harvesh Seegolam se réjouit que l'économie nationale ait connu une performance robuste au premier trimestre, avec un taux de 6,4 %, tirée par le tourisme, la construction, les services financiers et la consommation. Le tourisme demeure le moteur de notre croissance économique, explique-t-il, avec plus de 865 000 arrivées durant les huit premiers mois de l'année, soit une hausse de 7,7 % par rapport à la même période l'année dernière. Même tendance, selon le gouverneur de la BoM, pour les recettes touristiques, totalisant Rs 51 milliards pour la même période.

Et quid de la performance du forex et de la disponibilité de devises étrangères pour les opérateurs économiques ? Le gouverneur a fait le calcul. Du 11 juillet au 18 septembre 2024, le chiffre d'affaires de ce marché s'élevait à USD 8,9 milliards, alors que les ventes nettes de USD 202 millions ont été enregistrées. «Pour satisfaire la demande de devises des d'importateurs, qui constituent actuellement leurs stocks de réserves pour la fin de l'année, la banque a mis sur le marché forex USD 270 millions de juillet à ce jour.»

Face aux critiques des commerçants qui éprouvent toujours des difficultés à s'approvisionner en certaines devises, Harvesh Seegolam note que la Banque centrale suit la situation de près et qu'à son niveau, tout est fait pour éviter toute pénurie de devises. «Si les banques ne jouent pas le jeu de leur côté pour répondre aux attentes de leurs clients malgré nos appels, nous allons prendre des sanctions sévères et nous assurer qu'elles respectent les directives émises à cet effet.» Et d'ajouter que la BoM Tower a mis en place un desk spécial pour étudier et traiter des cas d'opérateurs se trouvant dans cette situation.

Toujours est-il qu'Eric Ng constate que cette situation de pénurie de devises pourrait s'amplifier avec la baisse du taux directeur, vu qu'une telle décision mettra plus de pression sur la roupie. .

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