La décision de Business Mauritius de ne pas appliquer les nouveaux «Remuneration Regulations» du ministère du Travail met en lumière une tension croissante entre le secteur privé et le gouvernement. En attendant des clarifications sur la légalité de ces règlements, qui touchent 150 000 employés, Business Mauritius réclame un statu quo, arguant que l'application uniforme de ces directives nuirait à l'équité salariale et à la cohérence des politiques existantes.
Va-t-on vers une confrontation entre le gouvernement et le secteur privé ? C'est la question qui se pose après la décision de Business Mauritius, l'instance suprême du secteur privé, de recommander à ses membres de ne pas appliquer les nouveaux Remuneration Regulations du ministère du Travail, qui prévoient un réalignement salarial touchant 150 000 employés du privé. Cette décision est prise en attendant que ses conseillers juridiques se prononcent sur la légalité de ces nouveaux règlements.
Cette prise de position de Business Mauritius, communiquée hier à ses membres par le biais d'une lettre, découle des inquiétudes exprimées par ces derniers quant aux conséquences de l'application de la relativité salariale sur leurs activités économiques, voire sur l'emploi. «Nos conseillers juridiques examinent actuellement la légalité de ces règlements», souligne Business Mauritius, qui s'appuie sur leurs analyses pour affirmer qu'ils ne sont pas conformes à la législation. «Toute démarche visant à appliquer cette directive pourrait créer un précédent potentiellement préjudiciable.»
Business Mauritius se défend également en arguant que l'application uniforme et le calendrier des nouveaux règlements ne tiennent pas compte des structures salariales existantes dans les entreprises, ni de leurs cycles de révision salariale. De plus, une majorité des entreprises ont déjà mis en place des mesures de relativité salariale, ce qui, selon la direction de cette instance décisionnelle du privé, affecterait «l'équité et la cohérence des politiques de rémunération déjà mises en place».
Sur la base de ces arguments, Business Mauritius estime que le processus établi de consultation auprès du National Remuneration Board et du National Wage Consultative Council «n'a pas été respecté». D'où le statu quo réclamé pour le compte de ses membres en attendant une clarification de cet imbroglio juridique. Pour autant, Business Mauritius ne ferme pas la porte aux autorités et se dit prête à poursuivre le dialogue afin de «trouver une solution équitable qui respecte à la fois la loi du pays, les intérêts des employés et le modèle économique du pays».
Comme on pouvait s'y attendre, le contenu de la lettre de Business Mauritius est vivement contesté par le ministère du Travail, qui insiste sur le fait que toutes les procédures légales ont été suivies. Les nouveaux règlements ont été validés par ses experts, avant d'être vetted par le State Law Office, puis gazetted après examen par le Conseil des ministres le 13 septembre. «Il n'y a rien à contester légalement», souligne-t-on au ministère, rappelant que tout appel de Business Mauritius à ses membres pour ne pas payer la relativité salariale constituerait une infraction à la loi. Il est également précisé que les entreprises bénéficient d'une certaine flexibilité pour appliquer les nouveaux salaires à partir de ce mois, avec un délai jusqu'à fin décembre 2024 pour verser les arriérés des mois de juillet et août.
La position de Business Mauritius suscite aussi la colère des syndicats. Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), y voit une stratégie pour gagner du temps jusqu'aux élections avant d'entamer une action en justice. «Une telle situation va provoquer des mécontentements parmi les travailleurs. Nous affirmons que, s'ils n'obtiennent pas un réalignement de leurs salaires à la fin de ce mois, la CTSP se verra dans l'obligation d'appeler à une grève générale dans le pays, car le secteur privé doit respecter les règlements qui ont été gazetted et ont ainsi force de loi», déclare-t-il.
De l'agitation populaire à prévoir à la veille de la dissolution du Parlement.