Directeur de recherches en phytopathologie à la retraite, ancien directeur de l'INERA de 1994-2002, Dr Paco Sérémé est l'actuel président de l'Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF). Dans cette interview accordée à Sidwaya, il revient, entre autres, sur les missions de l'ANSAL-BF, le bilan de ses actions depuis sa création, sur la place de la science dans le développement socioéconomique des pays africains.
Sidwaya (S) : Qu'est-ce qui a prévalu à la création de l'Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso ?
Paco Sérémé (P.S.) : L'Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso est née de la volonté des chercheurs et des enseignants-chercheurs burkinabè, en réponse à la nécessité croissante de catalyser la transformation du Burkina par la science, l'innovation et la technologie, à l'instar de ce qui se passe dans les pays développés.
Pour ce qui est du processus de sa création, il a été encouragé par l'Académie africaine des sciences qui a perçu la nécessité pour chaque pays de se doter d'une Académie nationale des sciences. En 2004, le premier burkinabè admis à cette Académie africaine des sciences est le Pr Tinga Robert Guiguemdé. En 2010, un deuxième, le professeur Hamidou Touré, y a été également admis.
L'initiative de créer une Académie présentée à la communauté scientifique en 2012 par ces deux enseignants-chercheurs, a rencontré une adhésion massive des chercheurs et enseignants-chercheurs burkinabè. Un appel à candidatures a ensuite été lancé et après un processus rigoureux de sélection basé sur des critères préalablement définis, 30 membres fondateurs ont été identifiés et sélectionnés par leurs pairs en mars 2013.
Ces 30 membres fondateurs ont, à la suite d'une assemblée générale constitutive, tenue en juin 2013, créé l'Académie nationale des sciences du Burkina, sous forme d'association. En 2015, sur la base de contacts avec les dirigeants et de ce que l'Académie comptait faire, la question d'en faire une institution de l'Etat a été posée au niveau du Parlement.
L'Académie n'a pas été créée par l'Etat, mais a d'abord existé sous forme d'association, avant que l'Etat ne décide d'en faire une institution. La nuance est très importante. En la dotant du statut d'institution de l'Etat, il a été jugé utile de lui attribuer un parrain, à savoir le président du Faso. L'Académie n'est pas un service de la présidence du Faso.
Elle jouit d'une autonomie totale. Mais, comme elle est devenue une institution publique, l'Etat l'a dotée des ressources pour son fonctionnement. Ainsi, l'Etat nous a affecté un local, un personnel administratif, nous alloue annuellement un budget.
Il faut préciser que l'appellation Académie nationale des sciences du Burkina posait problème, car par sciences, beaucoup de gens y voyaient seulement les sciences dures.
Sur recommandation des parlementaires, l'institution a adopté en 2015 sa dénomination actuelle : Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso pour mettre en évidence l'intégration de toutes les sciences sociales, humaines et autres, dans leur diversité et complémentarité.
S : Quelles sont ses principales missions ?
P. S. : A sa création en tant qu'association, l'Académie poursuivait un certain nombre d'objectifs. Avec son érection en institution de l'Etat, elle s'est dotée d'un plan stratégique qui a défini clairement sa vision et sa mission.
Avec ce plan, l'Académie s'est dotée de la mission de mobiliser tous les savoirs pour contribuer au développement socioéconomique du Burkina par les sciences, les arts, les lettres et la culture. Cette mission comporte plusieurs composantes. Il y a d'abord la promotion de la qualité de la recherche, de l'enseignement et trois éléments sous-tendent la qualité de la recherche. Le premier est la crédibilité. Une recherche de qualité doit être crédible, inattaquable sur le plan méthodologique, avec des données qui ont fait leur preuve au niveau de la communauté scientifique internationale.
Le deuxième élément de la qualité de la recherche réside dans la pertinence. En d'autres termes, les résultats de la recherche doivent contribuer à résoudre un problème de société. Le troisième aspect de la qualité est relatif à la légitimité, qui voudrait que les critères d'éthique soient respectés.
La deuxième sous-composante de notre mission porte sur la veille et les appuis stratégiques sur les enjeux de développement. En tant qu'institution scientifique, nous devons être en mesure d'alerter les pouvoirs publics, les populations sur les problèmes qui pourraient subvenir et impacter le développement du pays. La troisième dimension de notre mission est de donner des conseils scientifiques aux institutions nationales, aussi bien publiques que privées. Autre élément, l'Académie oeuvre à encourager les jeunes et les femmes à s'intéresser au métier de la recherche. Enfin, nous devrons faire en sorte que les résultats soient vulgarisés.
S : Comment les membres sont-ils désignés ?
P. S. : Les membres de l'Académie ne sont pas désignés, mais admis par les pairs à la suite d'appel à candidature, suivant des critères propres à chaque spécialité. L'Académie comporte cinq domaines de spécialités correspondant aux cinq collèges qui la composent à savoir : "Sciences et techniques", "Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion", "Sciences humaines, arts, lettres et culture", "sciences de la santé humaine et animale", "Sciences naturelles et agricoles".
Chaque collège a droit à 15 membres au maximum. A termes, l'Académie doit avoir 75 membres, mais pour l'instant, elle est composée de 50 membres, dont 24 membres fondateurs. Outre les critères spécifiques à chaque collège, il y a des critères généraux. Il s'agit de ne pas avoir plus de 70 ans au moment du dépôt de sa candidature. Mais, nous avons été confrontés au problème de l'âge, car il y a des sommités qui ne peuvent pas faire partie de l'Académie pour la simple raison qu'elles ont plus de 70 ans.
A la prochaine relecture de nos textes, nous envisageons revoir ce critère de la limite d'âge. Pour l'admission définitive d'un membre, une fois que votre dossier est évalué et validé au niveau du collège pour lequel vous avez postulé, il est ensuite examiné par le bureau de l'Académie avant sa soumission éventuelle à l'assemblée générale de l'institution. Pour être admis comme membre de l'ANSAL-BF, le candidat doit requérir au moins 2/3 des voix de cette assemblée.
Il y a une disposition des textes qui stipulent que lorsque vous avez atteint les 80 ans, vous pouvez demander à être admis à l'éméritat. Ce qui signifie que vous êtes toujours académicien, mais vous n'êtes plus assujetti aux tâches normales de l'Académie. Même avant 80 ans, pour des raisons de santé, vous pouvez demander à être admis à l'éméritat.
S : Quelles sont les tâches d'un membre de l'Académie ?
P. S. : Etant donné que vous êtes une personnalité scientifique reconnue, en devenant membre de l'Académie, vous vous engagez à mettre votre compétence au service de la Nation, de la société. Vous devrez donc participer aux activités de votre collège, de celles l'Académie, aux assemblées générales, payer vos cotisations. Les collèges ont pour missions de concevoir et d'exécuter les activités de l'Académie à travers des études, l'organisation des conférences publiques. Lorsque l'Académie est sollicitée pour donner des avis, le travail est fait au niveau du collège concerné qui donne ses avis motivés, avant qu'ils ne soient validés par l'ensemble des académiciens.
S : Quel bilan pouvez-vous faire des actions ou réalisations de l'ANSAL ?
P. S. : Je voudrais d'abord préciser le mode d'intervention de l'Académie. Elle peut s'auto-saisir sur des questions qu'elle juge importantes pour la société, pour donner ses éclairages aux politiques, aux populations. Elle peut aussi être saisie par le gouvernement, les institutions publiques et privées sur des préoccupations données.
Dès qu'elle a été érigée en institution de l'Etat, l'Académie s'est auto-saisie d'une question qui est les conséquences environnementales, physiques, sur la sécurité alimentaire, socioéconomiques et sanitaires de l'exploitation minière artisanale et pour laquelle nous avions fait des études de 2018 à 2020. La présentation des résultats au chef de l'Etat était prévue en 2020, puis repoussée en 2021. Avec les évènements politiques de 2022, cela n'a pas encore été fait.
Comme la question sécuritaire prenait de l'importance, le Président Roch Marc Kaboré nous avait demandé de prendre en compte la dimension sécuritaire dans les conséquences de l'exploitation aurifère. Nous avions donc réalisé une étude complémentaire à cet effet. Ce travail complémentaire a été fait, il ne reste qu'à présenter les résultats au chef de l'Etat.
Avec l'avènement de la COVID-19, le collège " Sciences de la santé humaine et animale" s'est penché sur la question et a soumis des recommandations pour l'amélioration de la prise en charge des malades. Ces recommandations ont été validées par l'ensemble des académiciens et présentées au chef de l'Etat. Nous avons également fait des réflexions prospectives sur les impacts de la COVID-19 au Burkina Faso. Les résultats de ces réflexions ont été remis au chef de l'Etat, mais aussi largement diffusés.
Avec les inquiétudes des populations relatives à la qualité du vaccin contre la COVID-19, l'Académie a donné son point de vue favorable à l'administration du vaccin et a formulé des recommandations qui ont été remises au chef de l'Etat et portées à l'attention du grand public.
Nous nous sommes également autosaisis d'une question qui fait des gorges chaudes au Burkina : la production du coton. Pendant longtemps, notre pays a été premier producteur de coton, mais aujourd'hui, il peine à retrouver son rang. Depuis neuf mois, l'Académie mène une étude scientifique approfondie sur la question et lorsqu'elle sera bouclée, les résultats seront présentés au chef de l'Etat. Malheureusement, tous ces travaux que nous réalisons ne sont pas connus du public.
En octobre 2022, lorsque l'actuel chef de l'Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, nous a reçus en audience, il a requis de l'ANSAL-BF comme première mission, des propositions assorties d'un plan d'actions, prenant en compte l'agriculture de contre saison, l'élevage et la pisciculture en vue d'assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des personnes déplacées internes pour lesquelles le pays ne peut se contenter uniquement de l'aide humanitaire.
En d'autres termes, les réflexions de l'Académie devraient permettre d'assurer la production agricole dans les zones à fort défi sécuritaire. C'est ainsi qu'il nous a soumis le problème. Nous avons travaillé pendant un mois pour lui présenter nos résultats et propositions qu'il a positivement appréciés, car nous ne nous sommes pas contentés de proposer des solutions ponctuelles. Nous avons pris en compte la situation post-crise, avec le retour des déplacés dans leurs localités d'origine. Aujourd'hui, beaucoup d'éléments de l'Offensive agricole portée par le ministère en charge de l'agriculture viennent de nos propositions.
S : Outre vos auto-saisines et la saisine du chef de l'Etat, l'Académie a-t-elle déjà été saisie par d'autres institutions publiques et privées ?
P. S. : Malheureusement, c'est à ce niveau que ça pèche. Le 8 janvier 2024, lors d'une rencontre à la présidence du Faso, le chef de l'Etat a lancé un appel aux institutions pour qu'elles valorisent l'expertise de l'Académie. Ayant lui-même constaté la célérité avec laquelle nous traitons les dossiers ainsi que l'excellent rapport qualité/prix de nos réflexions stratégiques qui est en faveur des institutions, il a souligné l'importance pour elles de privilégier l'exploitation des compétences de l'Académie.
S : Plusieurs années après sa création, peut-on dire qu'elle joue pleinement ce rôle ?
P. S. : C'est un grand défi pour nous. L'ambition est noble, mais nous sommes dans un pays où la culture scientifique fait défaut et beaucoup de gens n'apprécient pas à juste valeur l'importance des sciences pour le développement du pays. Et cela constitue un gros problème. Nous oeuvrons à ce que les gens comprennent davantage le rôle de l'Académie pour le développement socio-économique du pays par la promotion des sciences, des lettres, des arts, de la culture, des détenteurs de savoirs endogènes, car nous sommes là au service des institutions aussi bien privées que publiques. En cas de problème, nous disposons d'une diversité de compétences pour réfléchir avec elles et dégager des pistes de solutions aux préoccupations pour lesquelles nous aurons été sollicitées.
S : Que répondez-vous à ceux qui estiment que l'ANSAL-BF est une institution de trop, vu que certaines institutions comme le CES qui avaient à peu près le même rôle consultatif, d'orientations en matière de développement ont été supprimées ?
P. S. : Il est vrai que les institutions comme le CES et l'Académie ont des missions de conseils aux gouvernements et autres institutions. Mais rien qu'à voir le mode de création, d'organisation et de fonctionnement de l'Académie, il y a des différences fondamentales.
Historiquement, les conseils économiques et sociaux ont été créés à l'époque des indépendances dans plusieurs pays africains, en particulier dans les Etats francophones, pour satisfaire les alliés politiques ou apaiser les opposants potentiels aux régimes en place.
Comme c'est souvent le cas aujourd'hui, les nominations de ces conseillers ne reposent pas sur des critères de compétence. Par contre, dans les Académies des sciences, les membres sont sélectionnés par leurs pairs sur la base du mérite scientifique. La reconnaissance officielle s'inscrit dans le cadre d'une directive de l'Académie africaine des sciences, fondée en 1985, qui encourage les Académies nationales africaines à obtenir ce type de reconnaissances, propice à une meilleure prise en compte de leurs recommandations par les décideurs politiques.
Cela dit, les conseils économiques et sociaux traitent des thèmes qui sont importants pour le développement socio-économique de nos pays.
Ceux qui pensent que l'Académie constitue une institution budgétivore ne la connaissent
pas. Lorsqu'elle a été reconnue comme institution publique, le budget annuel de fonctionnement que l'Etat a loué à l'institution pour les deux premières années était de 80 millions F CFA.
Il était difficile dans ces conditions d'assurer un fonctionnement efficient de l'institution. C'est maintenant que nous avons un budget annuel de 235 millions F CFA. Et même avec ce budget, nous ne pouvons réaliser certaines études. Nous sommes obligés de nous adresser à des partenaires pour pouvoir avoir les financements. Sur ce point, les gens sont sous-informés. L'Académie est au service des populations, de l'Etat et cela ne coûte pas grand-chose à l'Etat.
S : Le Burkina traverse une crise sécuritaire et humanitaire. Une institution scientifique comme l'ANSAL-BF devrait avoir un grand rôle à jouer en termes de prévention, de recherche de solutions à la crise mais aussi en matière de prospectives post-crise. Qu'est-ce qui est fait à ce niveau ?
P. S. : Nous sommes conscients qu'il faut anticiper. Qu'est-ce qu'il faut faire quand la crise va prendre fin ? C'est pourquoi, au niveau des différents collèges, il y a des thèmes qui ont été identifiés en lien avec la situation post conflit. Mais pour le moment, ce sont des thèmes qui attendent d'être validés par l'assemblée générale. La science est toujours dans l'anticipation.
S : Pendant longtemps, on a reproché à nos pays de ne pas trop confier à la recherche toute la place qu'elle doit occuper dans leurs processus de développements économique, social, politique, technique.... Cette critique est toujours d'actualité et le Burkina ne fait pas exception. Votre commentaire...
P. S. : Cette critique soulève un paradoxe pour nos pays africains, qui, de manière unanime s'accordent à reconnaître l'importance de la science pour le développement durable. Mais comment comprendre que nous sommes encore là, à nous poser des questions en termes de moyens pour appuyer la recherche, de non valorisation des résultats ? C'est vraiment un paradoxe. Une culture scientifique forte, qui se manifeste par la valorisation des résultats de la recherche, l'éducation scientifique et ainsi que la participation active de la population au processus scientifique, fait défaut.
S'il y avait cette culture scientifique, on ne serait pas là aujourd'hui avec ces indicateurs qu'on utilise pour caractériser l'Afrique. L'Union africaine avait pris une décision pour demander à chaque pays de consacrer 1% de son PIB à la recherche. Aujourd'hui, on est loin de là. Le Burkina avait fait un effort, mais de nos jours, nous sommes loin de cela.
Des pays comme l'Afrique du Sud, le Kenya, la Tanzanie et l'Ethiopie ont dépassé les 1%. Quand vous allez dans ces pays, on voit la différence. Si nous prenons également le nombre de chercheurs, la moyenne mondiale de chercheurs par million d'habitants est autour de 1 368. En Afrique, nous sommes 120 chercheurs pour le million d'habitants, alors que l'Europe est à 4 069. Nous investissons peu dans la recherche.
S : Cela se constate également au niveau du secteur privé où il y a un faible partenariat avec le monde de la recherche....
P. S. : Qu'est-ce que le Burkina n'aura pas essayé ? Le Forum de la recherche scientifique et des innovations technologiques a été lancé dans les années 96 et l'un des objectifs est d'amener les chercheurs à présenter les résultats de leurs recherches au grand public et que le monde privé soit informé pour pouvoir les exploiter. Entre temps, on a combiné le Forum avec les innovateurs. Les gens viennent regarder et repartent chez eux.
Le gros problème réside dans l'organisation de notre structure économique. Nous devrons mettre en place des mécanismes pour minimiser les risques que les gens perçoivent. Il y a un accompagnement qu'il faut faire. Les gens ont été dans les pays comme la Corée et ont vu comment le partenariat recherche/secteur privé fonctionne. Ailleurs, c'est le privé qui exprime ses besoins et qui finance la recherche. Ici, les gens sont pressés. Ils veulent vite des résultats et même quand il y a les résultats, ils s'en méfient.
Ils soutiennent que le risque est lié à la cherté de l'investissement qu'ils doivent faire. Mais tout cela est une question d'organisation. Les grandes firmes ont commencé avec des petits investissements.
S : Que fait l'ANSAL-BF pour inverser la donne ?
P. S. : Le leadership politique et la vision sont un gros problème dans nos pays. Ce n'est pas aux scientifiques de définir une vision pour le politique. Lorsque le président actuel de la Chine est arrivé au pouvoir, il a réuni les scientifiques pour leur décliner sa vision pour les dix ans. Et, les scientifiques y travaillent. Nous essayons de faire le plaidoyer qui est notre rôle. C'est ce que nous faisons à travers les études, les conférences, les émissions, etc.
S : Quels sont les défis, les priorités de l'ANSAL-BF, à court, moyen et longs termes ?
P. S. : Dans la vision définie dans notre plan stratégique, nous avons identifié trois axes stratégiques majeurs : l'amélioration de la gouvernance, c'est-à-dire le développement institutionnel, nous faire connaitre. Le second axe est comment nous contribuons à réaliser notre mission par la recherche de qualité, l'incitation des jeunes à la recherche, la veille stratégique.
Le troisième axe concerne les acteurs mêmes du domaine de la recherche et de l'enseignement. Etre académicien est un sacerdoce. On ne vient pas à l'Académie pour se servir de l'institution comme un tremplin, pour son développement personnel, mais plutôt pour servir l'Académie, le pays. Et cela constitue un gros défi !
S : Y a-t-il des contraintes qui entravent le bon fonctionnement de l'ANSAL-BF ?
P. S. : Le problème de budget fait que nous ne pouvons pas réaliser les choses comme nous voulons. C'est pourquoi, nous avons développé une stratégie de mobilisation des ressources. Mais la recherche, c'est aussi un domaine de souveraineté. C'est pourquoi, nous souhaitons que l'Etat qui nous accompagne déjà fasse encore un effort pour nous permettre de travailler en toute indépendance sans avoir forcement à recourir tout le temps aux partenaires.
Nous avons comme parrain le chef de l'Etat mais la situation sécuritaire aidant, nous n'avons pas eu la chance en tant qu'académiciens de nous asseoir et d'avoir une discussion à bâtons rompus avec lui. Une telle rencontre serait une bonne chose. J'aime le répéter, la recherche est un passage obligé pour le développement de nos pays. Si aujourd'hui des pays comme la Chine, la Corée, le Brésil ont pu émerger, c'est parce qu'ils ont mis la recherche au centre de leurs priorités.
Il est vrai que nous sommes dans un contexte de crise sécuritaire qui absorbe l'essentiel des ressources du pays, mais il ne faudrait pour autant pas oublier la pace de la recherche. L'Etat fait des efforts mais il est regrettable de voir que dans notre pays la désinformation est en train de prendre le pas sur la science ! Le cas récent du projet Target Malaria illustre bien cette tendance, suscitant des debats passionnés et diverses controverses dans les médias. Dans le cadre de ses prérogatives, l'Académie a pris position sur ce projet en appelant ses parties prenantes à s'engager, en formulant des recommandations pour assurer son succès et en prodiguant ses encouragements aux chercheurs et enseignants-chercheurs burkinabè!