Hier, lundi 23 septembre, une pirogue a été retrouvée avec une trentaine de cadavres à son bord. Le 08 septembre dernier, au large de Mbour, plusieurs candidats (39 personnes) à l'émigration irrégulière ont disparu en mer, plongeant de nombreuses familles dans le deuil.
Occasion saisie par le religieux Abbé Roger Gomis de l'archidiocèse de Dakar pour revisiter la Lettre pastorale des Évêques du Sénégal sur les Migrants et les Réfugiés publiée en mai 2020. Un document qui donne des clés pour comprendre les causes profondes de ce phénomène et appelle les Sénégalais à l'action collective pour mettre fin à cette hémorragie humaine.
«C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition en mer de plusieurs dizaines de candidats à l'émigration irrégulière, dimanche 08 septembre dernier, au large de Mbour et hier, lundi 23 septembre de la découverture d'une trentaine de corps sans vie dans une pirogue au large des Mamelles. En ces moments douloureux, j'adresse mes sincères condoléances aux familles endeuillées et prie pour le repos de l'âme des disparus», a avancé Abbé Roger Gomis de l'archidiocèse de Dakar. Et de se demander: «combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant que nous n'agissions réellement ?»
Pour comprendre les causes profondes de ce phénomène, Abbé Roger a revisité la Lettre pastorale des Évêques du Sénégal sur les Migrants et les Réfugiés, publiée en mai 2020. Pour Abbé Roger, comme le soulignaient déjà les Evêques du Sénégal dans cette Lettre pastorale, «C'est un véritable drame qui se joue sur les routes migratoires de l'océan et du désert. Il entraîne des pertes en vies, avec des traitements inhumains et dégradants», sur des personnes qui aspirent à une vie meilleure.
Et c'est notre jeunesse qui est tristement au coeur de ce drame. Sur les causes profondes de ce phénomène, les Evêques pointent du doigt la mauvaise gouvernance et ses conséquences à savoir la corruption, le trafic de drogue, l'enrichissement illicite, l'accaparement des terres, la dévalorisation de l'expertise locale. Ils dénoncent aussi «l'exploitation à outrance de nos ressources halieutiques, minières, forestières et culturelles, sans compter la fuite organisée des cerveaux.»
Face à ce constat, le prêtre lance un appel solennellement aux jeunes. «Nous comprenons votre désespoir. Beaucoup d'entre vous n'ont plus aucun espoir de rester au pays parce que continuer à vivre auprès de vos parents, sans travailler, sans pouvoir les aider, vous paraît insupportable. Mais ne risquez pas vos vies si précieuses sur des embarcations de fortune vers un eldorado illusoire !»
Comme le disent les Evêques, «Protégez le don de la vie que vous avez reçue. Évitez les aventures périlleuses de la migration irrégulière. Ne bravez pas les dangers du désert et des océans. Ayez foi en l'avenir de notre pays. Ensemble, nous pouvons changer les choses » a-t-il déclaré. Et d'ajouter : «au coeur de toutes les familles, je voudrais faire retentir cette exhortation des évêques : «Ne poussez pas coûte que coûte les jeunes à la migration. » Oui, je vous en conjure, ne cédez pas aux pressions matérielles et économiques au point d'encourager vos enfants à partir en prenant ces risques inconsidérés».
Quant aux pouvoirs publics, le religieux a estimé qu'il est urgent d'agir autrement et maintenant. «Nous observons tous que la simple surveillance des côtes ne suffit pas». «Le phénomène migratoire et un paradigme de notre temps en tant que phénomène structurel, et non pas comme une urgence transitoire », rappellent nos évêques qui, dans cette optique, demandent aux gouvernants de «poursuivre les politiques prioritaires en faveur des jeunes, pour leur permettre d'exercer leur 'droit à rester' dans leur pays et à s'y épanouir au milieu de leurs proches.»
Dès lors, il faut «renforcer la formation technique et professionnelle pour la promotion et l'insertion des jeunes dans le tissu économique local » a-t-il ajouté. Et de poursuivre : «l'heure est grave. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés face à ce drame qui se joue sous nos yeux et croire que cela n'arrive qu'aux autres. Agissons ensemble pour que le Sénégal offre un avenir digne à sa jeunesse.
Comme le disent si bien encore les évêques : «Croyez-en vous-mêmes et en vos potentialités. Persévérez dans l'effort pour faire de notre pays et de l'Afrique une terre d'espérance.» Il est temps que ce cauchemar cesse. Mobilisons-nous tous pour que plus aucun jeune ne perde la vie en tentant de traverser l'océan impitoyable. L'avenir de notre pays en dépend.»