Mauritanie: Bien que contre l'usage de la force physique sur les femmes, les Mauritaniens estiment que la violence conjugale est une affaire privée

24 Septembre 2024

Majorité des citoyens disent qu'il est probable qu'une femme victime de violence soit critiquée, harcelée ou humiliée si elle se plaint.

Key findings

  • Trois Mauritaniens sur 10 (31%) déclarent que la violence à l'égard des femmes et des filles est courante dans leur communauté.
  • Plus de deux tiers (68%) des citoyens déclarent que l'utilisation de la force physique par un homme pour châtier sa femme n'est « jamais justifiée », tandis que 31% considèrent qu'elle est « parfois » ou « toujours » justifiée.
  • Deux tiers (66%) des Mauritaniens pensent que la violence domestique devrait être traitée comme une question d'ordre privé à résoudre au sein de la famille plutôt que comme une question pénale.
  • Plus de la moitié (52%) des répondants disent qu'il est « quelque peu probable » ou « très probable » qu'une femme victime de violence soit critiquée, harcelée ou humiliée si elle se plaint. o Mais une forte majorité (77%) de répondants estiment que la police est susceptible de prendre au sérieux les cas de violence basée sur le genre.

L'Indice 2021/2022 sur les femmes, la paix et la sécurité classe la Mauritanie au 157e rang sur 170 pays, soit le 13e pire rang mondial, en termes de statut et d'autonomisation des femmes (Georgetown Institute for Women, Peace and Security, 2021). Une des raisons importantes en est la généralisation de la violence basée sur le genre rendue possible en partie par les tabous sociétaux et la faiblesse du système de protection et d'application de la loi (Département d'Etat des Etats-Unis, 2023 ; Assemblée Générale des Nations Unies, 2024).

Dans un contexte de forte stigmatisation de la violence basée sur le genre (VBG), les données fiables sur sa prévalence en Mauritanie sont rares. Le Département d'Etat des Etats Unis (2023) souligne « des rapports crédibles de [...] généralisation de la violence basée sur le genre, y compris les violences domestiques ou par le partenaire intime, la violence sexuelle, la mutilation génitale féminine/l'excision, et d'autres formes de cette violence ».

Après une visite de 12 jours, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Discrimination à l'Egard des Femmes et des Filles a fait état de « récits scandaleux de violence basée sur le genre, au sein de la famille et de la communauté, y compris une forte prévalence de viols contre les jeunes filles » (Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, 2023). Le Parlement mauritanien a rejeté un projet de loi portant sur les violences basées sur le genre en 2018, 2021 et 2023 (Mechergui, 2024).

Le gouvernement a interdit les mutilations génitales féminines (MGF), mais l'application de cette mesure d'interdiction est quasiment inexistante et la prévalence de ces pratiques reste élevée (Nations Unies, 2023). Selon un rapport du Projet Orchidée (2023), presque deux tiers des femmes mauritaniennes âgées de 15 à 49 ans ont subi des MGF. Une autre pratique préjudiciable, le gavage ou l'alimentation forcée des jeunes femmes préparées au mariage, persiste principalement dans quelques zones rurales (Ouldzeidoune, Keating, Bertrand, & Rice, 2013 ; Nations Unies, 2023).

Cette dépêche fait état d'un module d'enquête spécial inclus dans l'enquête Afrobarometer Round 9 (2021/2023) qui a pour but d'explorer les perceptions des Africains sur la violence basée sur le genre.

En Mauritanie, la plupart des citoyens affirment que la violence basée sur le genre n'est pas un phénomène courant dans leur communauté et qu'il n'est en aucun cas justifié pour un homme d'utiliser la force physique pour châtier sa femme. Mais une majorité considère également que la violence domestique à l'égard des femmes est une question d'ordre privé qui doit être résolue au sein de la famille plutôt qu'un acte délictueux nécessitant l'intervention des forces de l'ordre.

Si la plupart des Mauritaniens pensent que la police prend au sérieux les cas de violence basée sur le genre qui lui sont signalés, plus de la moitié d'entre eux affirment qu'une femme risque d'être critiquée, harcelée ou humiliée lorsqu'elle signale de telles violences aux autorités.

Baba Adou Baba Adou is a researcher of Political Science at the University of Florida and the UF Sahel Research Group

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