Sénégal: Eloges, émotion et recueillement à la levée du corps d'Amadou Mahtar Mbow

Dakar — Des hommages appuyés ont été prononcés, mercredi, à la mosquée omarienne de Dakar, pour saluer la vie et l'oeuvre d'Amadou Mahtar Mbow, ancien directeur général de l'UNESCO, décédé la veille, dans la capitale sénégalaise, à l'âge de 103 ans. Il a été inhumé mercredi en fin de matinée au cimetière musulman de Yoff.

Le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, accompagné des ministres Birame Diop (Forces armées), Ousmane Diagne (Justice), Jean-Baptiste Tine (Intérieur et Sécurité publique), Cheikh Tidiane Dièye (Hydraulique et de l'Assainissement), a assisté à la cérémonie au nom du chef de l'Etat.

De même que d'anciens ministres et députés à l'image de Mamadou Lamine Loum, le dernier chef du gouvernement de présidence d'Abdou Diouf (1981-2000), et de Cheikh Hadjibou Soumaré, ancien Premier ministre sous le magistère d'Abdoulaye Wade (2000-2012).

La prière mortuaire a été dirigée par l'mam de la mosquée, Seydou Nourou Tall, en présence du khalife de la famille omarienne de Dakar, Thierno Madani Tall, conformément aux dernières volontés du disparu.

Amadou Mahtar Mbow était "un homme rassurant, un homme apaisant, qui a donné du Sénégal l'une des meilleures images au monde. Il a brillé à la tête de l'UNESCO, mais surtout, il nous aura honorés par sa fermeté face à des puissances qui voulaient écrire l'histoire du monde à l'autre manière", a témoigné Amadou Tidiane Wone, ancien ministre de la Culture, également membre de la famille du défunt.

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"Il a résisté, il a produit de l'intelligence et du sens pour l'humanité dans cette organisation qui appartient à tous, et notamment aux pays les plus démunis, qui ont tant de choses à écrire, mais qui n'ont pas l'occasion de le faire", a-t-il ajouté

"Premier Africain à diriger une organisation internationale d'envergure, humaniste convaincu, intellectuel complet, il a profondément marqué l'histoire de notre institution en défendant avec force l'exigence de solidarité et d'égale dignité entre les peuples et entre les cultures", a pour sa part déclaré le directeur régional de l'UNESCO, Dimitri Songa, qui lisait le message de la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay.

"Nous lui devons également l'oeuvre scientifique monumentale qu'est 'L'Histoire générale de l'Afrique', laquelle a donné non seulement au monde, mais surtout aux Africains et aux Africaines, un moyen de s'approprier leur histoire et de se projeter vers l'avenir", a-t-il ajouté.

Membre d'honneur de l'Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal, Amadou Mahtar Mbow a non seulement marqué le paysage scientifique de notre pays, mais a laissé une empreinte intelligible sur la scène internationale, de par son parcours exceptionnel d'éducateur et de leader intellectuel, social et politique", a de son côté souligné son président, Moctar Touré.

"Je voudrais donc tout juste témoigner devant vous, ici devant vous et devant l'éternel, de son caractère humain hors du commun, de son âme, de son esprit infatigable et de sa passion pour la science. Nous exprimons notre gratitude au Seigneur de nous l'avoir laissé longtemps bénéficier de sa sagesse, de sa bienveillance et de ses conseils qui ont toujours été très judicieux", a-t-il ajouté.

Il a assuré que l'héritage d'Amadou Mahtar Mbow continuera d'inspirer les générations futures et contribuera au rayonnement et à l'impact de la science et au progrès de l'humanité."

"À l'occasion de la célébration de son centenaire au Musée des civilisations noires, Amadou Mahtar Mbow disait à ceux qui étaient venus le fêter, je cite : « Je ne sais pas combien de temps j'ai encore à vivre, mais j'ai consacré toute ma vie à essayer de faire du bien avec cette épouse-là à ma droite", a rappelé sa fille, Dr Awa Mbow, qui a parlé au nom de la famille.

"Son épouse, ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ainsi que toute sa famille et tous ses proches, peuvent attester qu'il a été un homme bon et aimant dont la vie riche et exaltante fut dédiée à penser et à faire du bien", a-t-elle relevé, poursuivant que "sa disparition marque la perte pour l'humanité d'un être lumineux qui a dignement marqué son époque et durablement influencé le monde."

Amadou Mahtar Mbow, décédé dans la nuit de lundi à mardi à Dakar, à l'âge de 103 ans et qui sera inhumé, mercredi, au cimetière musulman de Yoff, a consacré toute sa vie aux combats pour le triomphe des valeurs humanistes. Homme de culture, leader éclairé, universitaire, intellectuel et trésor humain vivant, il est le premier Africain à diriger cette institution de 1974 à 1987.

Membre fondateur de la célèbre Fédération des étudiants d'Afrique noire en France et du Parti du regroupement africain-Sénégal, il a fréquenté les plus grands cercles intellectuels et militants de la diaspora africaine à Paris, avec Abdoulaye Ly, Assane Seck, Cheikh Anta Diop, Alioune Diop, Joseph Ki-Zerbo, Amady Aly Dieng... Nous sommes dans les années 1950 et 1960. Amadou Mahtar Mbow et ses camarades sont sur tous les fronts pour démonter les idéologies et thèses suprémacistes ou racistes de l'époque.

Le Sénégal était à l'orée de son indépendance, qui lui sera octroyée par la France en 1960. Amadou Mahtar Mbow sera plus tard ministre de l'Education nationale (1966-1968), puis de la Culture et de la Jeunesse (1968-1970). Il fut également député, membre du conseil exécutif et du conseil municipal de Saint-Louis (nord).

Quelques années plus tard, en 1974, arrive la consécration. Amadou Mahtar Mbow devient directeur général de l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Pour la première fois, avec M. Mbow, un Africain dirige une institution spécialisée des Nations unies;

Amadou Mahtar Mbow était également un visionnaire aux idées et aux combats avant-gardistes. Septième directeur général de l'UNESCO, il a lancé avant tout le monde, dès 1978, le débat sur la restitution des biens culturels des peuples anciennement colonisés. C'est dire que l'actuel président français, Emmanuel Macron, en commanditant le rapport "Restituer le patrimoine africain" (2018) à Bénédicte Savoy, professeure d'histoire de l'art, et à Felwine Sarr, universitaire sénégalais, n'a fait qu'emprunter le sillon tracé par le fonctionnaire international sénégalais, quarante ans plus tôt.

Et ce n'est pas tout. Le nouvel ordre mondial de l'information et de la communication, le fameux NOMIC, porte également son empreinte. De même, les questions d'accès universel à l'information et aux technologies de la communication, la résorption du gap technologique (la fracture numérique) entre le Nord et le Sud demeurent plus que jamais des préoccupations actuelles.

Témoin de son temps et acteur majeur de la vie nationale sénégalaise, Amadou Mahtar Mbow n'a jamais rechigné à servir la nation chaque fois que l'on faisait appel à lui, même s'il devait bénéficier d'un repos bien mérité.

Citoyen engagé, il avait accepté de présider les Assises nationales (1eᣴ juin 2008-24 mai 2009). Une "parodie de conférence nationale", avait raillé le président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui n'avait pas du tout accepté la tenue de cet évènement.

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