En République démocratique du Congo (RDC), le 25 septembre 2024 était jour de rendez-vous pour l'opposition qui a appelé à manifester pour demander la libération des « prisonniers politiques ». Au nombre de ces derniers, Jean-Marc Kabund, le leader de l'Alliance pour le changement (Ach), qui purge depuis deux ans, une peine de sept ans d'emprisonnement pour « outrage au chef de l'Etat » et « propagation de faux bruits ». Il y a aussi le député Mike Mukebayi de Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, détenu depuis le mois de mai 2023 pour « outrage au chef de l'Etat » et « incitation à la haine tribale ». Et Seth Kikuni, ancien candidat à la présidentielle de 2023, qui a été alpagué par l'Agence nationale de renseignement dont il est entre les mains depuis trois semaines, après être passé devant le procureur pour une audition.
Le pouvoir de Félix Tshisekedi joue gros dans cette affaire
Au-delà des cas spécifiques de ces opposants embastillées, cette manifestation se veut une interpellation du pouvoir de Kinshasa par rapport à des dossiers judiciaires devenus emblématiques, comme celui de Cherubin Okende, mort dans des conditions qui restent encore à élucider ; ou encore celui du carnage et des viols collectifs dans la prison centrale de Makala, entre autres, qui restent autant de dossiers pour lesquels l'opposition demande justice. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette demande de libération de prisonniers politiques est une démarche qui n'est pas nouvelle en RDC.
En effet, pas plus tard que le 9 août dernier, l'Alliance pour le changement (Ach), le parti de Jean-Marc Kabund, s'était donné rendez-vous dans la rue pour exiger la libération de son leader. Une manifestation qui tournera d'autant plus court qu'elle sera réprimée par les forces de l'ordre qui ont usé de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Mais cette fois-ci, l'opposition a pu manifester sans trop de couacs. Et cela est certainement dû au fait que cette initiative intervient à un moment où le pays cherche à briguer un siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. De quoi mettre le pouvoir dans un grand dilemme, au regard des enjeux qui vont au-delà de l'image du pays en termes de respect des droits humains.
Et le timing peut être d'autant plus embêtant pour le gouvernement qu'une éventuelle interdiction voire répression de ladite manif, pourrait déteindre négativement sur la candidature du pays pour le poste convoité au sein de cet organe décisionnel de l'organisation mondiale. Une initiative annoncée à l'issue du Conseil des ministres du 9 août dernier et qui s'inscrit dans la volonté du pays, de retrouver une place de choix au sein des instances décisionnelles internationales. Autant dire qu'en briguant un tel poste, la RDC doit songer à soigner son image. Car, si le pays de Tshisekedi tient à intégrer le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, il lui revient de travailler à en remplir les conditions en se montrant exemplaire sur toute la ligne.
Il importe pour le président congolais de ne pas se tromper d'ennemi
Autrement dit, on ne peut pas prétendre défendre les droits de l'Homme à l'international en en étant un prédateur sur le plan national. C'est dire si de ce point de vue, le pouvoir de Félix Tshisekedi joue gros dans cette affaire. Et on se demande si l'opposition n'a pas voulu profiter de la situation pour mettre le pouvoir dos au mur. C'est pourquoi on attend de voir quelle réponse le locataire du Palais de la Nation donnera à cette requête de l'opposition. Lui qui s'était déjà engagé à prendre une mesure de grâce présidentielle au bénéfice des prisonniers politiques, à l'entame de son second mandat.
Toujours est-il qu'au-delà du respect de la procédure judiciaire, c'est une mesure qui pourrait participer de la décrispation de l'atmosphère sociopolitique qui n'est pas des plus sereines au pays de Mobutu. Et les Congolais ont d'autant plus besoin de se réconcilier avec eux-mêmes que les défis restent nombreux et entiers. A commencer par la crise sécuritaire dans la partie orientale du pays qui, en plus de compromettre la paix et les efforts de développement dans ladite région voire au-delà, reste une menace constante pour la stabilité du régime. En tout état de cause, autant la justice reste un pilier de la démocratie en ce que chacun doit pouvoir répondre de ses actes et les assumer, autant il importe pour le président congolais de ne pas se tromper d'ennemi. Il y va de la crédibilité de son régime en quête de représentativité et de reconnaissance au sein des institutions internationales.