Cheveux très courts, regard perçant, lèvres pleines arborant un demi-sourire permanent, tel peut être esquissé ce visage connu. Depuis un peu plus d'une décennie, les téléspectateurs ivoiriens sont familiers au physique de jeune premier du présentateur Hamza Diaby.
Dans la soirée du 6 septembre, la star du petit écran qui nous reçoit dans son bureau, à la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti), à Cocody, a tombé la veste. Tunique bleue et sandales en cuir, il est détendu.
La veille au soir pourtant, lui qui a longtemps présenté l'édition de 13 heures a passé l'épreuve du journal de 20 h, avec le trac qui va avec. Et même s'il a l'habitude des JT, cet événement a revêtu pour lui un caractère spécial. "Je suis satisfait d'avoir présenté le 20 h. C'est la seule édition qui manquait à mon palmarès", dit-il avec sa gestuelle habituelle de présentateur rodé, mais d'une voix au débit plus traînant et moins cadrée.
Le 20 h, Hamza s'y était déjà frotté. Mais toujours au pied levé, pour remplacer l'un de ses confrères empêchés.
Aujourd'hui, ce nouveau "grade" incarne pour lui la consécration de l'expérience : celle d'un journaliste-présentateur qui a gagné ses galons sans que personne ne lui fasse la courte échelle.
"On m'a souvent demandé pourquoi est-ce que je ne présentais pas le JT de 20 heures, j'ai toujours répondu que ce sont les chefs qui décident. Aucun des présentateurs ne choisit l'édition, qu'il veut présenter", explique-t-il. En notre présence, le Prof. Emmanuel Toh Bi l'appelle pour le féliciter pour sa prestation de la veille. "J'ai reçu de nombreux messages de félicitations", nous révèle Hamza Diaby.
Vocation
S'il est l'un des présentateurs-télé les plus capés du paysage audiovisuel ivoirien, il a pourtant longtemps caressé le rêve de devenir un homme de loi. Plus jeune en effet, il était plein d'admiration pour son oncle magistrat. Il aimait sa prestance, l'autorité naturelle qui se dégageait de lui, le respect qui lui était voué. Hamza a donc rêvé de toge et de maillet.
Quand il obtient son Bac littéraire au lycée mixte de Yamoussoukro, en 1999-2000, ses desseins le portent à marcher dans les sillons des grands noms du tube cathodique ivoirien. Lévy Niamkey, Dégny Maixent, Emmanuel Grattié Lavry... "Ce sont mes modèles", confie-t-il.
C'est en les voyant narrer l'actualité, qu'il a eu le goût pour le JT. Lui qui avait l'habitude de porter la parole de ses camarades de classe lors des activités extrascolaires, s'est dit qu'il avait peut-être une vocation pour la prise de parole en public. Déjà, il savait dompter le trac d'avoir plusieurs paires d'yeux braqués sur lui.
Ses condisciples et ses enseignants lui reconnaissaient une aisance à l'oral et même une certaine éloquence. Alors, le Bac en poche, Hamza va frapper aux portes de l'Institut des sciences et techniques de la communication (Istc) pour faire du journalisme.
À l'époque, on n'y admettait que les titulaires d'un Bac plus deux. Il décide donc d'aller chercher le parchemin qui lui manque en s'inscrivant dans une grande école pour faire un Bts en gestion commerciale. Son diplôme obtenu, Hamza va mettre son ambition de journalisme en berne.
Pendant quelques années, il exerce dans une compagnie de transport en tant qu'inspecteur général. Chasser le naturel, il revient au galop... sur la selle du journalisme en 2008. Ce sera donc l'Istc et un parcours linéaire sanctionné par un Master II en journalisme option télévision.
On est en 2012 après la crise post-électorale. La Maison bleue veut renouveler ses effectifs. Hamza postule et est retenu. Il est affecté à la Rti 2 où, pendant plusieurs mois, il sera reporter. Puis un jour, sa rédactrice en chef l'informe que le lendemain, il devra présenter le JT de 12h30.
Hamza est envahi par des sentiments contradictoires. "J'étais à la fois heureux de voir un vieux rêve se réaliser et j'étais saisi par le trac que représentait ce défi", révèle-t-il. Il passe une nuit blanche. Et dès les aurores, il est au bureau pour visionner en boucle les JT de ses illustres prédécesseurs. Seul, il répète ses gammes, écrit et réécrit ses phrases de transition, prête attention à sa diction.
Quand l'heure fatidique approche, il est submergé par le stress, mais délivre une prestation qu'il juge "assez bonne pour une première". En sortant du studio, un de ses chefs le convoque dans son bureau et en présence de plusieurs personnes lui dit sans aménité, qu'il a été "mauvais" et qu'il ne fera pas carrière. C'est la douche froide. Et pourtant, tout juste après cette "réprimande", sa rédactrice en chef, Kady Fadiga, le félicite et le reconduit pour le journal du lendemain. Il reçoit également les félicitations de Lassiné Fofana, grand présentateur.
Dans l'un des bureaux, ses collègues l'accueillent avec des applaudissements. Hamza se promet alors de faire mentir "les prédictions" de son chef.
Trois prix Ébony
Il travaille donc avec acharnement. Tant et si bien qu'au bout de quelques mois, il est promu pour la présentation du JT de 13 heures de la Rti 1. Puis du Magazine du dimanche ainsi qu'une émission de débats, où les membres du gouvernement et les responsables des structures de l'État viennent répondre aux questions brûlantes de l'actualité.
Hamza se forge une réputation d'intervieweur pugnace et incisif qui pousse ses invités jusque dans leurs derniers retranchements. "Je ne vais jamais sur le plateau en me disant que je vais enquiquiner mes invités. Je pose juste les questions que le citoyen lambda se pose. Je me dis qu'il faut que les téléspectateurs aient des réponses aux questions qu'ils se posent.
Ni plus ni moins. J'ai lu une fois sur les réseaux sociaux le commentaire de quelqu'un qui disait que pour venir sur le plateau de Hamza Diaby, il faut connaître ses leçons. Je crois que cet internaute a bien résumé les choses", tempère celui qui a la conviction que le journalisme, c'est du courage, du panache et de la cravache aussi.
En 12 ans de présentation du journal, Hamza Diaby a remporté, par 3 fois, le prix Ébony du meilleur présentateur télé. En 2018, 2019 et 2023, toutes les fois qu'il a été nominé, il a remporté la compétition dans sa catégorie. "Ce qui me fait plaisir, c'est que 2 fois sur 3, c'est le public qui m'a élu meilleur présentateur télé. C'est pourquoi, je reçois ces prix-là avec beaucoup de fierté".
Selon Hamza Diaby, le journalisme est un métier comme un autre et la télévision, qui gonfle les ego, n'est souvent qu'une usine à baudruches.
"Les positions qu'on occupe, ce n'est pas, parce qu'on est plus méritant que les autres, c'est juste qu'on a eu l'opportunité de faire valoir un talent et un savoir-faire. Il y a beaucoup de personnes talentueuses qui n'ont hélas pas la chance qu'on a eue. C'est pourquoi, il faut garder la tête sur les épaules", dit celui qui affirme avoir gardé les mêmes amis depuis très longtemps. Et, il s'honore de l'affection que lui témoignent les téléspectateurs.
C'est avec beaucoup d'émotions qu'Hamza évoque les liens qu'il a avec un adolescent autiste prénommé « Miracle ». Une relation « quasi filiale » qui unit le journaliste et l'adolescent qui ne rate jamais l'un de ses JT. Présenter le journal télévisé n'est pas sans risques. Et le tribunal dirigé par les téléspectateurs est implacable.
Hamza Diaby n'ignore pas que la moindre incartade ou un simple dérapage est sévèrement sanctionné. Il se sait coordinateur, médiateur, présentateur, passeur d'images et de sons. Et surtout descendant de prédécesseurs glorieux qui ont dessiné les routes à emprunter. Il sait se mettre en retrait et en réserve le vedettariat à la seule actualité. C'est sans doute mieux ainsi. Et c'est sans doute la raison de son succès.