Burkina Faso: Planification familiale au pays - Le taux en hausse grâce à la politique de gratuité

26 Septembre 2024

Depuis cinq ans les produits et les prestations de service de la planification familiale sont gratuits dans les formations sanitaires publiques Burkinabè. Cette politique de gratuité a permis des progrès non seulement au niveau de la hausse du taux de prévalence contraceptive mais a contribué à éviter des grossesses non planifiées, des avortements à risque et des décès maternels.

Rakièta Zoromé est une personne déplacée interne venue de Tougou, situé à 20 KM de Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord. Elle et sa famille ont trouvé refuge à Oula, une commune voisine située à environ 15 km de Ouahigouya. Elle est mère de six enfants. Dans sa vie de déplacée, il n'est plus question pour elle de tomber enceinte. Elle a donc opté pour une méthode contraceptive, celle de l'injectable.

« Chaque trois mois, je vais à la maternité du centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Oula pour le renouvellement », confie-t-elle. Avant la gratuité de la planification familiale, une utilisatrice de la méthode injectable devait débourser la somme de 500 ou 800 francs CFA. Aujourd'hui, le produit et la prestation sont gratuits. Faute de moyens financiers, Mme Zoromé ne faisait pas de l'espacement des naissances. « Dieu merci, c'est gratuit maintenant. C'est vraiment un ouf de soulagement pour moi sinon j'étais exposée au risque de grossesse indésirée », se réjouit-t-elle, l'air souriant.

Elle estime que l'espacement des naissances lui permet de mieux prendre soin de sa famille. Vu son statut de déplacée interne, si elle doit chercher de quoi nourrir ses enfants et encore débourser de l'argent pour faire la planification familiale au regard des moyens limités, son choix est vite fait. Celui de trouver de quoi subvenir aux besoins de sa famille.

Des grossesses évitées

Le Médecin chef du district (MDC) sanitaire de Ouahigouya, Issa Lozé Traoré affirme que la gratuité des produits de la planification vient aider et encourager les femmes vulnérables qui désiraient faire l'espacement des naissances mais faute de moyens, subissent l'effet des accouchements rapprochés.

Mme Kadidiata Weremy le confirme. Femme au foyer, résidant à Ouahigouya avec ses six enfants, sa situation sociale n'est pas aussi reluisante. Son statut de personne déplacée interne vient également renforcer cette précarité. Face à cela, il n'est plus question d'accoucher dans ces conditions, dit-elle. Et c'est pourquoi, elle a opté pour l'utilisation de l'implant afin d'éviter toute grossesse inattendue. Elle trouve en la gratuité de la planification familiale, une mesure qui aide et soulage énormément les femmes vulnérables. « Grâce à cette gratuité, j'arrive à respecter tous mes rendez-vous », explique-t-elle.Le MCD affirme qu'elles sont beaucoup plus épanouies et heureuses. « Elles ont le temps de mener des activités génératrices de revenus », soutient -t-il.

Selon les données Performance monitoring and accountability (PMA 2020), grâce à l'utilisation des méthodes contraceptives, 580 000 grossesses ont pu être évité en 2022.Il s'agit d'une série d'enquêtes nationales réalisées avec échantillon représentatif de la population dans le but de suivre les indicateurs de planification familiale. Ces enquêtes sont conduites en utilisant la technologie mobile. Burkina Faso, elles sont menées par l'Institut supérieur des sciences de la population (ISSP) de Université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo. Elle est financée par l'Institut Bill et Melinda Gates.Elles concernent les femmes en âge de procréer de 15 à 49 ans. L'enquête se mène au niveau urbain et rural. Les données utilisées pour mon article est un jet de données de 2015 à 2022.

Pour la Directrice de Gender vision and coaching (un Centre d'expertise qui travaille dans le domaine du genre et du développement), Fatimata Sinaré, l'instauration de cette politique est à saluer. « Car une maman en bonne santé, c'est toute la famille qui en bénéficie », explique -t-elle.

Cet argumentaire est confirmé par Mme Zoromé, devenue vendeuse de condiments au marché de son village. « Nous sommes deux épouses avec un mari qui ne travaille pas. C'est à nous de nous débrouiller pour nous occuper de nos enfants. J'avoue que ce n'est pas facile. Néanmoins, grâce au planning familial, je dispose de plus de temps pour mener mon activité », relate-t-elle.

Pour Fatimata Sinaré, la gratuité rentre toujours dans la valorisation de la condition féminine, confirmant ainsi la volonté politique du gouvernement d'améliorer les conditions de vie de la femme par le biais de la mesure. En ce sens qu'elle contribue à réduire le taux de la mortalité maternelle.

Le chargé des programmes de la planification familiale à la direction de la santé et de la famille, Dr Mathieu Bougma, évoque que l'espacement des naissances réduit aussi le risque de la mortalité maternelle car une femme qui a des accouchements très rapprochés, court un grand danger pour sa vie. Ces cas sont courants chez les femmes vulnérables.

Les chiffres du rapport 2022 de Performance monitoring and accountability (PMA 2020), l'atteste. Seulement en 2022, 1 400 décès maternels ont été évités.

« Le taux de la prévalence contraceptive en 2022 est de 28,30 %. Notre ambition est d'atteindre 41 % d'ici à 2025. Si on arrive à maîtriser la structuration de la population, le pays gagnerait à réduire et à réorienter ses investissements en termes d'infrastructures dans d'autres secteurs que celui de l'éducation et de la santé », confie Dr Mathieu Bougma. Cependant, il déplore les ruptures des produits dans certaines formations sanitaires et les difficultés de la mise en oeuvre de la gratuité dans les zones sous menace terroriste.

Pour réussir cette politique de gratuité, Mme Fatimata Sinaré estime que les autorités doivent mettre en place un programme qui incite les chercheurs nationaux à trouver et à rendre disponible les produits pour les consommateurs. « Il faut valoriser la recherche nationale. Ce n'est que par là qu'on pourra atteindre l'autosuffisance dans la santé », insiste-t-elle. Avec le départ de certains partenaires, la solution qu'elle propose est la mise sur pied de firmes pharmaceutiques nationales comme une résolution pour impacter durablement la planification familiale et partant, la santé et le bien-être des burkinabè, en particulier des femmes.

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