Le mardi 24 septembre 2024 restera gravé dans la mémoire des habitants de Malherbes, Curepipe. La National Social Living Development (NSLD) y a inauguré 68 nouvelles maisons. La cérémonie s'est déroulée dans une atmosphère à la fois festive et tendue.
Dès le début de la partie officielle, l'excitation était palpable. Les équipes de la National Housing Development Company (NHDC) ont pris part à l'ambiance de fête en dansant et chantant sur la chanson de Steve Augustin Nou Fer Seki Nou Dir. Les familles bénéficiaires, au nombre de 68, ont reçu les clés de leurs nouvelles maisons, des logements modernes, d'une valeur de Rs 179 millions, construits avec l'assistance technique et logistique de BCEG, entreprise chinoise en charge du projet.
Le ministre du Logement, Steven Obeegadoo, n'a pas caché sa satisfaction. Il a salué l'effort collectif et a souligné l'importance du droit à un logement. «Pena nanye pli gran pou enn politisien ki kan li ed dimounn ki pe soufer», a-t-il déclaré, avant de remercier Caritas et Drwa A Enn Lakaz pour leur soutien aux familles vulnérables.
Parmi les bénéficiaires d'une maison, Marie Guillaine Sylvie Malabar, qui vit actuellement à Mare-Tabac. Elle a partagé son émotion et son soulagement dans une vidéo diffusée pour l'occasion. «C'est un nouveau départ pour moi et ma famille.» Ce sentiment partagé par Mantee Mauree de La Ferme, Bambous, qui a évoqué les difficultés qu'elle a rencontrées auparavant, notamment l'absence d'eau potable dans son ancien logement. Sylvain Leste, autre bénéficiaire, a également exprimé sa gratitude pour cette nouvelle opportunité de vie meilleure.
Cette inauguration ne s'est cependant pas déroulée sans incidents. Alors que le ministre Obeegadoo était attendu, une manifestation a eu lieu. Elle était menée par des membres de l'opposition, notamment par Ajay Gunness du Mouvement militant mauricien, Richard Duval des Nouveaux Démocrates et Michael Sik Yuen du Parti travailliste. Tenant des banderoles portant le slogan «Rann Nou Later», ils ont manifesté contre ce qu'ils appellent le «deal Piti-Mama».
Leur présence a créé une tension palpable et a donné lieu à un affrontement verbal lorsque des individus identifiés comme étant des agents de Steven Obeegadoo ont arraché une banderole des mains d'un manifestant. Un des agents du ministre n'a pas hésité à prendre place dans sa voiture et a foncé sur les manifestants, sous les yeux ébahis des policiers.
Malgré cet incident, la cérémonie s'est poursuivie dans une atmosphère festive. Kenny Dhunoo, secrétaire parlementaire privé pour la région, a aussi pris la parole. «Pa get bandrol, pa ziz nou lor palab. Ena dimounn inn invit zot osi, zot pa vini me zot manifeste», a-t-il ajouté, visiblement agacé par les tensions provoquées par les opposants.
Cette inauguration constitue une transformation importante dans la circonscription no 17 (Curepipe-Midlands). Ce projet, qui s'inscrit dans un plan de développement plus large, a métamorphosé la région, offrant de nouvelles opportunités aux résidents. La vision du gouvernement est de construire 600 maisons par circonscription pour répondre aux besoins croissants de logement.
Deux nervis proches du pouvoirDominique Soopramanien et Kervin Ramma.
Qui sont les hommes qui ont provoqué les membres de l'opposition, qui manifestaient pacifiquement à Malherbes mardi après-midi avant l'inauguration des maisons de la NSLD ?
Le premier à être intervenu alors que les membres de l'opposition manifestaient est Dominique Soopramanien. Il s'est approché d'Ajay Gunness et l'a provoqué en ces termes: «Ey, aret fer vilin». Quelques instants plus tard, Kervin Ramma est entré en scène, arrachant les banderoles des mains de Richard Duval. Si les policiers présents ont paru surpris, ils n'ont pas bronché. Ce qui a le plus marqué les esprits, c'est l'action de Dominique Soopramanien, qui est entré dans une voiture et a foncé avec son véhicule sur les manifestants et les journalistes présents, qui ont dû s'écarter. Dominique Soopramanien a fait demi-tour et a tenté une nouvelle fois de foncer sur les manifestants. Il a fallu qu'une militante travailliste intervienne et parle de «careless driving» pour qu'un policier intervienne et stoppe la voiture conduite par Soopramanien. Cet incident, largement relayé sur les réseaux sociaux, suscite de nombreuses interrogations sur l'immunité dont jouissent les deux hommes.
Dominique Soopramanien : sur le board de la NSLD
Dominique Soopramanien n'est pas un inconnu des cercles politiques. Siégeant sur le conseil d'administration de la National Social Living Development (NSLD), il est également un proche du ministre Steven Obeegadoo. Il a oeuvré activement pour le Mouvement socialiste militant (MSM) lors de différentes campagnes électorales. Son nom avait déjà fait les gros titres en 2018 lorsqu'il s'était vu refuser l'accès du bureau politique du Mouvement militant mauricien (MMM), en compagnie de Selvi Ramen, un autre militant.
Plus récemment, son implication dans l'attribution d'un contrat pour la pose d'aluminium dans le cadre des projets de la National Housing Development Company (NHDC) a fait sourciller les opposants. De par son rôle sur le conseil d'administration de la NSLD, ces derniers se demandent s'il n'y a pas un possible conflit d'intérêts.
Kervin Ramma : un ancien mauve qui a viré
Kervin Ramma est aussi un visage familier dans le paysage politique mauricien. Ancien président de l'aile jeune du MMM, il a débuté sa carrière politique en 2002 aux côtés de Steven Obeegadoo, une loyauté qui perdure jusqu'à présent. En dehors de la politique, il dirige Blue Basalt Constructing Ltd. Il siège sur le conseil d'administration de la NHDC. Il y a des allégations à l'effet qu'il ne serait pas étranger au recrutement de proches au sein du département de maintenance de cette instance.
Impunité apparente
Au-delà de l'altercation, l'incident de Malherbes pousse à s'interroger sur l'absence de réaction des forces de l'ordre face à ces actes d'intimidation et de violence. Dominique Soopramanien et Kervin Ramma semblent jouir d'une impunité en raison de leurs connexions politiques. Les opposants au régime dénoncent une justice à deux vitesses. Alors que les vidéos de l'incident continuent de circuler sur les réseaux sociaux, les observateurs se demandent si des actions concrètes seront prises contre ces deux hommes ou si, une fois de plus, le pouvoir en place protègera ses alliés. Durant la même soirée, Ajay Gunness a déposé une main courante, au poste de police d'Eau-Coulée.