Il y a quelques jours, Confidentiel Afrique alertait sur une possible dégradation de la situation politico-militaire en Guinée après l'arrestation, au Liberia, du fugitif colonel Claude Pivi, après une cavale de dix mois (article GUINÉE: Fin de cavale pour Claude Pivi : Que faut-il craindre maintenant ?).
Le secteur de Kaloum, le centre-ville de Conakry, siège de l'administration centrale et quartier d'affaires abritant le palais présidentiel Mohamed V, aurait été le théâtre, toute l'après-midi de ce jeudi 26 septembre 2024, selon plusieurs sources, de mouvements de troupes et de « tirs ».
Le calme serait revenu en début de soirée selon des informations de Confidentiel Afrique, mais des interrogations demeurent.
Pendant plusieurs heures, les rumeurs les plus folles ont couru. Que se passe-t-il réellement dans le cercle restreint du pouvoir du général Mamadi Doumbouya ? S'agit-il d'une mutinerie d'éléments des forces armées, à quelques jours de la célébration du 66è anniversaire de la fête de l'indépendance de la Guinée ? Des sources évoquent une tentative de coup d'État avortée, alors que d'autres parlent de purge au sein du pouvoir. Il semblerait tout de même que la situation surréaliste vécue aujourd'hui par de nombreux fonctionnaires invités à quitter plus tôt leurs bureaux a amplifié la psychose née des récents événements survenus dans le pays.
Dans un communiqué publié en début de soirée, le Général Amara Camara, porte-parole de la Présidence de la République, a indiqué les rumeurs de prétendus « tirs d'armes » sont « fausses ». Il a appelé les populations de Conakry à continuer à vaquer à leurs occupations. « Dans l'après-midi de ce Jeudi 26 Septembre 2024, une folle rumeur de prétendus tirs d'armes à la Présidence de la République a été distillée dans la ville et à l'étranger.
Cette intoxication a entrainé un climat de panique par endroit. A ce propos, la Présidence de la République tient à rassurer l'opinion nationale et internationale que ces rumeurs sont fausses et montées de toute pièce », lit-on sur ce communiqué. Pour autant,
dans une récente publication, Confidentiel Afrique informait que l'arrestation de Claude Pivi et la crainte d'une éventuelle élimination physique de ce prisonnier encombrant risquait d'entrainer la Guinée dans des lendemains incertains. Malgré les gestes de conciliation et les demandes de soutien formulées par des partisans du président Doumbouya en Guinée forestière dans l'éventualité de la participation de ce dernier à la prochaine élection présidentielle, une certaine méfiance est de rigueur au sein des troupes.
Ceci surtout depuis la mort en détention du général Sadiba Koulibaly, il y a quelques mois, et celle annoncée hier seulement, du colonel Pepe Celestin Bolivigui dont les avocats ont tenu ce matin même un point de presse à Conakry pour relater les péripéties de son arrestation et les dures conditions qui ont conduit à son décès.
La Guinée semble donc renouer avec les démons du passé
Que faisait cet hélicoptère survolant les alentours du palais présidentiel ? En effet, pratiquement un an, jour pour jour, après son passage mémorable à la tribune de l'ONU, lors de la 78ème assemblée Générale de l'organisation, où son discours avait frappé les esprits, le général Mamadi Doumbouya semble, désormais, rattrapé par le destin et la réalité (certains diront l'ivresse) du pouvoir.
A New York, le 21 septembre 2023, dans une allocution qui avait fait mouche, le président de la transition guinéenne, colonel à l'époque, avait fustigé les «vrais putschistes », ceux qui «manipulent les textes de la Constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir » et ne sont jamais condamnés.
Ironie de l'histoire, il se retrouve aujourd'hui au banc des accusés, les acteurs politiques guinéens et la société civile lui reprochant d'avoir renié sa parole d'officier en revenant- même s'il n'a pas encore fait une déclaration officielle à ce sujet- sur son engagement de ne pas se présenter au scrutin présidentiel. Les masques sont tombés au regard des actes posés récemment et des déclarations faites par des membres importants du pouvoir.
«Il n'y a aucune restriction en termes de Constitution pour qu'il aille demain à une élection en Guinée», avait déclaré, il y a quelques jours, le porte-parole de la présidence, le général Amara Camara. Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, ancien allié du président du parti UFDG, Cellou Dalein Diallo, s'est aussi dit ouvert à une candidature du général Doumbouya.
Au moment où la Guinée retient son souffle, dans un contexte politique marqué par une interdiction systématique des manifestations d'une opposition aux aguets, la «disparition » d'acteurs syndicaux ou politiques tels Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla alias «Foniké Menguè », la panique survenue aujourd'hui dans la capitale guinéenne renseigne sur l'atmosphère au fil de rasoir qui règne et la crainte d'une dégradation de la situation dans les semaines ou mois à venir.