Alors que 52 pays africains ont signé le Protocole de Maputo, stipulant que l'avortement doit être autorisé dans des cas de grossesse issue d'une agression sexuelle, d'un viol ou d'un inceste, sept pays signataires demeurent en contradiction avec cet engagement. Le Code pénal de Madagascar sanctionne sévèrement les femmes ayant recours à l'avortement et les praticiens. Les parlementaires refusent toujours de voter un texte pour autoriser l'interruption thérapeutique de grossesse. Quitte à laisser des vies se briser.
Dans son village rural situé à deux bonnes heures de la capitale, Kanto*, 16 ans, passe l'essentiel de son temps à s'occuper d'un petit être facétieux de deux ans. Le regard dans le vague, l'adolescente, dont le prénom a été modifié, se confie.
« Je n'ai jamais imaginé que je pourrais tomber enceinte à 14 ans, je n'étais qu'une petite écolière. En 2021, j'ai été violée par le mari de ma cousine. En fait, cet homme, il m'embêtait depuis plusieurs mois, raconte-t-elle. Une fois, il m'a dit, "je ne te laisserai pas sans avoir eu ce que je veux". Et un jour où j'allais aux champs, il m'attendait. Il s'est jeté sur moi. Quand j'ai su que j'étais enceinte, j'ai été anéantie, parce que j'ai tout de suite compris que j'allais devoir arrêter l'école. Maintenant, tout mon avenir est détruit. »
Sur l'île, l'avortement est interdit, il se pratique alors loin des regards et souvent dans des conditions sanitaires dangereuses pour les filles et les femmes qui y ont recours. Selon Fifaliana*, la maman de Kanto, l'avortement dans leur campagne n'était pas une option : « Son corps était trop frêle pour supporter une telle épreuve. J'aurais eu trop peur de perdre ma fille, et je serais morte de chagrin s'il lui arrivait quelque chose. »
Depuis, Kanto essaie de s'occuper de son garçon au mieux, non sans difficultés. Elle n'a pas réussi à l'allaiter, explique-t-elle : « Son corps ne voulait pas », raconte sa mère. Financièrement, la situation est rude pour cette famille de cultivateurs, qui comptait déjà quatre enfants : « Je souffre, parce que cet enfant, il n'a pas été désiré. Je souffre parce que je suis obligée de chercher de l'argent pour le nourrir et j'ai dû arrêter d'aller à l'école. Heureusement, mes parents m'aident beaucoup. »
À Madagascar, le viol et encore plus l'avortement restent tabous dans une société où les contraintes culturelles et religieuses entravent la mise en place d'un débat constructif sur ces questions sociétales.
Samedi 28 septembre, l'ONG Nifin'Akanga qui milite pour le droit à l'avortement sécurisé dans le pays, organise dans cinq grandes villes de l'île des échanges et la restitution de recherches. Elles seront menées par des universitaires, des chercheurs, journalistes d'investigation grâce aux bourses octroyées par le mouvement. Une manière d'apporter un éclairage inédit sur les réalités des pratiques de l'avortement à Madagascar.
*Les prénoms ont été modifiés
À lire aussiÀ Madagascar, les avortements clandestins sont la deuxième cause de décès maternels