La récente visite de la délégation du FMI au Sénégal a révélé des perspectives économiques préoccupantes, avec une révision de la croissance à la baisse pour 2024 et un déficit public plus important que prévu. Maleine Amadou Niang, expert en finances publiques, analyse les défis majeurs auxquels le pays doit faire face et souligne l'urgence de réformes pour garantir une gestion saine des finances et assurer un avenir économique durable.
La récente délégation du FMI a publié un communiqué soulignant une baisse de la croissance et un déficit public plus important que prévu. Que vous inspire cette situation en tant que spécialiste des finances publiques ?
Cette situation semble s'inscrire dans une trajectoire prévisible. Les rapports du FMI et d'autres partenaires de développement ont souvent alerté sur des questions essentielles telles que le financement de l'économie, l'endettement public, et la mobilisation des ressources. Il est crucial de distinguer les facteurs conjoncturels des facteurs structurels.
Le déficit public, projeté à près de 7 % d'ici la fin de l'année, est bien supérieur à la prévision initiale de 3,7 %. Cette situation résulte de marges budgétaires réduites, d'une baisse dans la mobilisation des ressources et de dépenses constantes. La dette publique, quant à elle, a été alourdie par le coût des emprunts récents.
Le FMI recommande également la suppression des subventions sur les produits pétroliers. Quel impact cela pourrait-il avoir sur l'économie ?
Les recommandations du FMI doivent être considérées dans le contexte des priorités nationales. Pour un pays comme le Sénégal, la suppression des subventions sur les produits pétroliers pourrait avoir des effets immédiats et négatifs sur le pouvoir d'achat des ménages. Il est donc essentiel d'aborder cette question de manière structurelle. La réduction des dépenses de l'État est un défi, surtout dans un contexte de crise permanente. Il faut explorer des moyens de dégager des marges budgétaires suffisantes pour soutenir nos politiques de développement.
Le rapport souligne également l'importance de la gestion de la dette publique. Comment le pays peut-il améliorer la transparence et la viabilité de sa dette tout en poursuivant ses projets d'infrastructures ?
Deux questions sont fondamentales : d'abord, nous empruntons pour investir, et ces investissements doivent générer suffisamment de revenus pour rembourser la dette et financer de nouvelles dépenses. Un audit de la gestion des finances publiques peut révéler des sources de pertes budgétaires et d'inefficacité dans l'investissement public.
Ensuite, pour maîtriser notre endettement, nous devons diversifier nos sources de financement et élargir notre assiette fiscale. Cela implique de mieux exploiter le potentiel fiscal du foncier et du numérique, tout en rationalisant nos exonérations fiscales.
Quelles réformes fiscales concrètes recommandez-vous pour améliorer l'efficacité de la politique fiscale et réduire l'évasion fiscale ?
Au niveau fiscal, il est impératif de renforcer l'information fiscale et de dématérialiser la gestion pour minimiser les pertes. L'investissement dans le secteur numérique représente un fort potentiel fiscal. Il est également crucial de revoir notre politique d'exonérations fiscales afin de s'assurer qu'elle remplit son rôle sans engendrer de pertes significatives de recettes. Nous devons adopter une fiscalité économiquement acceptable et socialement juste, garantissant que chaque citoyen contribue selon ses capacités.
Quelles solutions préconisez-vous pour sortir de la crise actuelle ?
Pour relancer l'économie, il faut stimuler des secteurs clés tels que le minier, la construction et l'agroalimentaire. La reddition des comptes est essentielle pour identifier les sources de pertes, mais cela ne doit pas immobiliser l'économie. Ces processus doivent se dérouler de manière parallèle. Il est également crucial de faciliter le dialogue entre l'État et les acteurs économiques pour établir un climat de confiance. Une société de confiance est fondamentale pour encourager l'investissement et la croissance, car l'activité économique tire la fiscalité. Cela nécessite un engagement continu envers la bonne gouvernance et la transparence. En somme, il est temps d'agir de manière proactive pour renforcer la résilience de notre économie et créer un environnement propice à la croissance durable.