Le projet public, de plus de Rs 3,6 milliards, d'expansion verticale de Mare-Chicose ne finit pas de faire parler de lui. Comme nous en faisions état dans nos colonnes le 10 septembre, des pratiques douteuses, en marge du premier décaissement pour les travaux visant à prolonger la durée de vie de l'unique site d'enfouissement du pays face à l'urgence environnementale, ont émergé. En effet, tournure inattendue mais saluée lorsque le premier versement anticipé a été bloqué par la Solid Waste Management Division. La raison ? Les garanties bancaires soumises étaient au nom d'une entité autre que le consortium Sotravic Ltée/Strata, soit celui à qui le contrat avait été officiellement attribué en juin. Le ministère de l'Environnement, sollicité pour des explications, n'a pas démenti sans toutefois en divulguer davantage, invoquant des «informations internes».
Ce qui fait sourciller, c'est un précédent de Sotravic, au sujet d'un contrat avec la Wastewater Management Authority (WMA) de travaux de tout-à-l'égout dans les Plaines-Wilhems, au coût de Rs 3,2 milliards. Dans une affaire en réclamation contre la WMA devant la cour commerciale, on peut lire dans le rapport trimestriel de janvier-mars 2024 de l'entité publique: *«The Contractor (Joint Venture C.F Thymian Holding GbR/Sotravic Ltd, NdlR) intends to move Plaintiff No.2 (son partenaire Thymian Holding GbR, NdlR) out of cause and pursue the matter alone.» *La WMA aurait appris que Thymian, une compagnie allemande, aurait été mise sous séquestre. Une affaire, fixée au 24 novembre, à suivre.
Pour revenir au projet d'expansion verticale du site d'enfouissement de Mare-Chicose, après l'articulet du 10 septembre de l'express, le consortium a soumis les bons documents avec la bonne appellation pour le projet et a, en outre, ouvert un compte bancaire approprié. Il nous revient que le ministère de l'Environnement s'apprête à lui verser quelque Rs 165 millions comme paiement anticipé. Toutefois, Sotravic Ltée/Strata devra soumettre un document détaillant toutes les dépenses faites avec cet argent. Une première, indique-t-on dans le milieu, puisque normalement celui qui repart avec le contrat public est libre de dépenser son argent sans explications, du moment qu'il respecte le cahier de charges. Néanmoins, l'épisode de décaissement bloqué, puis débloqué, n'a toujours pas apaisé la situation encore plus alarmante pour les soustraitants travaillant à Mare-Chicose. Comme rapporté dans notre édition, mercredi, sous le titre Révolte des sous-traitants : Des millions d'impayés, Maurice sous la menace d'un tsunami de déchets, ces derniers ne sont pas payés depuis plusieurs mois. Selon plusieurs témoignages, les travailleurs, qui dépendent de ces paiements pour subvenir aux besoins de leur famille, sont aujourd'hui dans une impasse.
La gestion des déchets : Fétide échec gouvernemental
La gestion des déchets solides à Maurice reste une véritable bombe à retardement. Mare-Chicose, un site opérationnel depuis 1997, est déjà saturé depuis plus de trois ans avec plus de dix millions de tonnes d'ordures enfouies à ce jour. Plus alarmant, la production de déchets solides, de 541 141 tonnes en 2023, devrait atteindre environ 650 000 tonnes par an d'ici 2030. Les dépenses totales liées à la gestion, depuis la collecte jusqu'à l'élimination, ont atteint Rs 1,8 milliard en 2021, contre Rs 1,1 milliard en 2012. Malgré cette explosion des dépenses, les résultats ne suivent pas. On ne sait pas quand le projet d'expansion verticale, censé résoudre une partie du problème, aboutira, voire s'il a démarré. Le contrat initial de Rs 1,6 milliard alloué à Sotravic en 2014 a été prolongé plusieurs fois, atteignant Rs 2,6 milliards après l'attribution de plusieurs contrats d'urgence, ce qui représente une augmentation de plus de 65 %. Il faut ajouter à cela, le contrat actuel d'un montant de Rs 3 634 999 964 de deniers publics.Mare-Chicose, un site opérationnel depuis 1997, est déjà saturé depuis plus de trois ans avec plus de dix millions de tonnes d'ordures enfouies à ce jour.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, et sa réélection en 2019, le gouvernement mené par le Mouvement socialiste militant n'a cessé de promettre des réformes profondes dans le domaine de la gestion des déchets. Pourtant, dix ans après, les résultats tardent à se concrétiser. Ce n'est pas le bureau de l'Audit qui dira le contraire. Rappelons ses conclusions accablantes dans le Performance Audit Report - Implementation of measures for sustainable solid waste management - de septembre 2023: «La plupart des mesures visant à promouvoir le compostage et le recyclage n'ont pas été mises en oeuvre avec succès pour garantir une déviation maximale des déchets de la décharge. La viabilité économique de la réutilisation par le biais du compostage et du recyclage est limitée par l'absence d'une culture de tri à la source, d'infrastructures de tri adaptées, et de campagnes agressives de sensibilisation et d'éducation. Le cadre juridique et les arrangements institutionnels actuels ne sont pas adéquats pour maintenir la réutilisation et le recyclage des déchets. L'introduction de réglementations appropriées pour évoluer vers une économie circulaire prend un temps déraisonnable.»
Pourtant, une étude de caractérisation, réalisée des années de cela, établit que 60 % des déchets qui sont enfouis à Mare-Chicose sont des déchets compostables et que 24 % sont des détritus recyclables. Ce n'est que le 19 septembre, à Réduit, soit pratiquement à la veille des prochaines législatives, que le ministre de l'Environnement, Kavy Ramano, a annoncé que les lettres d'attribution de contrat seront bientôt émises pour la création de deux nouveaux centres régionaux de compostage de déchets organiques et de tri pour le recyclage. Des infrastructures, qui seulement une fois opérationnelles, pourront traiter 200 000 tonnes de saletés annuellement, réduisant ainsi de jusqu'à 40 % le volume envoyé à la décharge de Mare-Chicose.
Dans la foulée, dans une interview à nos confrères de Business Magazine, mercredi, Mehran Abdouramane, Group Chief Executive Officer de Sotravic, révèle que c'est toujours Sotravic qui a été chargée par le ministère de l'Environnement «de mettre en place les deux centres régionaux de traitement de déchets, l'un dans le Nord et l'autre dans l'Ouest, respectivement à L'Aventure et à La Chaumière». Le premier sera dédié au traitement des déchets recyclables secs. L'autre, de récupération de matériaux, triera et récupèrera papier, plastique et métaux. Mehran Abdouramane justifie que c'est la solide expérience dans la gestion des déchets et l'engagement fort à proposer des solutions innovantes et durables qui ont conduit à la sélection de Sotravic pour ce projet.
Il va plus loin : «Deuxièmement, je pense qu'au fil des années, nous avons prouvé que nous pouvions mener à bien des projets d'envergure, en respectant les délais et les budgets impartis tout en maintenant des standards de qualité élevés.»
Le coût de chaque installation sur le modèle «Build, Own and Operate», est aussi divulgué. Tenez-vous bien, quelque Rs 4 milliards.