Cote d'Ivoire: Sortie d'un pilier de la Françafrique sur la crise de 2010 - Quand Robert Bourgi met du sable dans l'attiéké d'Ado

29 Septembre 2024
analyse

Robert Bourgi, l'un des derniers survivants des réseaux de la "France-à-fric", s'est mis à table la semaine dernière, et a mis de gros cailloux dans les chaussures de l'ancien président français Nicolas Sarkozy et de l'actuel dirigeant ivoirien Alassane Ouattara, en révélant les dessous des relations franco-ivoiriennes pendant la crise postélectorale de 2010-2011 en Eburnie.

Sans ambages, il a réaffirmé, devant la presse, que les résultats de la présidentielle de 2010 en Côte d'Ivoire, avaient été tripatouillés au bénéfice d'Alassane Ouattara, avec la bénédiction des autorités françaises de l'époque qui ne voulaient plus de l'insoumis Laurent Gbagbo à la tête de l'Etat. La sanglante crise qui est née du refus obstiné de Gbagbo de se laisser conter fleurette et de céder le fauteuil à son adversaire, a servi de prétexte à la France de Nicolas Sarkozi pour intervenir militairement aux côtés des troupes pro-Ouattara, afin d'installer par la force le natif de Kong au palais de Cocody.

Dans son narratif, Robert Bourgi flingue également le prédécesseur de Sarkozy, Jacques Chirac pour ne pas le nommer, et plusieurs ex-satrapes du continent noir qui auraient fait parvenir à leur homologue français, des valises bourrées d'argent afin d'obtenir son silence, pour ne pas dire sa connivence sur leurs dérives totalitaires. En faisant cette sortie dont le timing fait débat, on ne sait pas si Robert Bourgi a une idée sordide derrière la tête, mais on est au moins sûr qu'il a dézingué le gangstérisme d'Etat des autorités françaises depuis De Gaulle.

Un homme qui cherche à soulager sa conscience

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, Laurent Gbagbo n'en récoltera lui non plus aucun dividende politique, d'autant que dans le verbatim qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux, l'ancien porteur de valises de la Françafrique et conseiller occulte de l'Elysée ne l'a pas épargné, en rappelant cette histoire déjà connue relative à la contribution financière de l'ancien président ivoirien à la campagne électorale de Jacques Chirac en 2002, à hauteur de trois millions de dollars.

C'est vrai que ce scoop n'en est pas un puisque dès 2003, le conseiller en communication de Laurent Gbagbo pour l'Europe, Alain Toussaint, et l'ancien numéro deux du régime d'alors, Mamadou Coulibaly avaient confirmé à demi-mots le versement de l'obole dont parle aujourd'hui Robert Bourgi. Mais cette sortie aura pour effet de mettre du sable dans l'atiéké d'ADO et de Gbagbo qui projetteraient de se présenter à l'élection présidentielle de 2025.

D'aucuns estiment pourtant qu'il s'agit d'un simple buzz créé à de fins de règlement de compte contre Ouattara qui n'aurait pas été reconnaissant à la hauteur des attentes du "king" de la manipulation et de la diplomation de l'ombre, pour son rôle dans l'intervention française de 2010 qui a permis de mettre fin à la crise postélectorale.

L'argument pourrait ne pas être spécieux, quand on sait que le même Robert Bourgi avait affirmé, le 10 juillet 2014, que c'est parce que « Laurent Gbagbo avait foulé aux pieds les résultats de l'élection de 2010 que la France avait décidé d'en finir ». Un manque manifeste de constance donc, qui suscite l'ire des partisans de Ouattara qui voient dans la sortie récente de maître Bourgi, les affabulations d'un homme qui n'a plus voix au chapitre ni à l'Elysée ni à Matignon, et qui cherche à soulager sa conscience comme lui-même le dit, après tout le mal qu'il a fait au continent à travers ses réseaux.

Acte de contrition publique ou pas, pour les partisans des dirigeants des pays de l'Alliance des Etats du sahel (AES) actuellement en froid avec le régime ivoirien, ces pavés jetés simultanément dans la Seine et dans la lagune Ebrié vont convaincre ceux qui en doutent encore, de la duplicité et du paternalisme sournois de la France dont beaucoup d'Africains réclament aujourd'hui la fin.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.