Ile Maurice: Avanti la musica !

29 Septembre 2024

Navin Ramgoolam, qui n'est pourtant pas avare lui-même de promesses électorales complaisantes (vacances payées à La Réunion pour les retraités ou 12 mois de congé de maternité, par exemple), a eu, à Triolet, le foutan juste, face à la démagogie galopante du gouvernement qui distribue les gâteries comme si la nation avait des poches sans fond, ou que l'on avait découvert du pétrole à Angus Road ou encore que les Américains avaient accepté de généreusement payer 99 ans de loyer à Diego... d'avance.

Son foutan ? «Taler zot pou donn pansion bann zenes 18 ans tou la !»

En effet, dans cette atmosphère de surenchère électorale, presque tout semble possible et nous n'avons certainement pas encore atteint la fin des «cadeaux» intempestifs et si le foutan exagéré est une façon de stopper la spirale vers l'enfer, alors allons-y et applaudissons !

À ce stade, on peut, sans se tromper, dire que le gouvernement ne s'arrêtera à grand-chose pour rester au pouvoir. Cette posture passe un message simple : «Nous ne pouvons nous permettre de perdre le pouvoir et puisque cette nécessité absolue passe par vous, les électeurs, notre programme, entre maintenant et les élections, va se conjuguer exclusivement autour des gâteries que nous vous destinons, si nous sommes élus. Peu importe le prix !».

On ne peut plus appeler cela un acte de corruption depuis les commentaires du Privy Council, mais l'espoir cynique du gouvernement actuel, c'est que l'électeur reste achetable, même si les cadeaux distribués s'accumulent de manière irresponsable, puisque probablement insoutenables sans nouvelles taxes ou sans des coupes substantielles ailleurs au budget.

En effet, Moody's et le FMI nous surveillent de près...

Sur la dernière promesse du gouvernement sur les prêts logement à zéro pour cent pour les 18-35 ans, ceux qui ont des projets pavoisent, mais on pourrait se demander pourquoi une telle promesse est faite à la veille des élections seulement, alors qu'il y a eu une dizaine de budgets pour le faire ? Sans compter que tous les jeunes de 18 à 35 ans qui ont déjà emprunté au cours des 10 dernières années ne seront sûrement pas très amusés de ne pas avoir eu la même chance ; le refinancement étant sûrement hors de question ! Ils voteront comment, vous croyez ?

AXYS, dans une courte étude que le gouvernement n'essaie même pas de faire de son côté, émet l'hypothèse de 10 000 nouvelles maisons sous ce plan (ce qui ne semble pas exagéré quand on sait qu'il y a environ 280 000 jeunes dans cette tranche d'âge) et estime que le gouvernement devra alors décaisser Rs 38 milliards en cinq ans. Ce n'est pas peu !

Les conditions détaillées de ces prêts zéro ne sont pas encore définies pour le moment, mais elles pourraient bien, par exemple, s'inspirer du modèle français PTZ (*), dont les caractéristiques principales sont que (i) le taux zéro ne pourra s'utiliser que pour un maximum de 50 % du prix d'achat (40 % jusqu'en 2023) (ii) les revenus des bénéficiaires sont plafonnés pour cibler les économiquement faibles seulement et que (iii) ce seront les collectifs (appartements) qui seront favorisés pour minimiser l'artificialisation (le bétonnage) des sols.

En fait, les maisons individuelles ne seront plus financées par le PTZ. Ça, c'est pour le plan français dont le PIB par tête est de 3,6 fois supérieur à celui de l'île Maurice et dont la densité de population au km2 est de plus de cinq fois inférieur à celui de notre paradis-sur-mer...

Autre vérité incontournable : si le gouvernement semble presque désespéré de rester au pouvoir, c'est probablement aussi parce qu'il a des choses qu'il ne veut pas laisser voir !

Ce qui est certain, c'est que TOUT ÉLECTEUR QUI VEUT SAVOIR ce qu'il y a dans le rapport de la commission d'enquête sur le Wakashio, ou sur le naufrage du remorqueur sir Gaëtan, ou sur la mort des dyalisés de Souillac, ou sur le véritable état des finances du pays, ou sur la mort de Kistnen, ou sur l'accord avec l'Inde pour Agaléga, ou les dessous de l'affaire Silver Bank avec Banyan Tree Bank en amont, ou sur les affaires Pack & Blister, Angus Road, Molnupiravir, MMG, Curry cerf, Bet 365, Franklin, etc. n'a qu'une chance d'en savoir plus, qui est celle de voter pour un nouveau gouvernement à la place de celui qui a déjà fait les deux mandats durant lesquels ces « embarras » se sont concrétisés !

C'est tout comme en 2014, si l'on voulait alors savoir ce qui s'était vraiment passé pour Neotown, la BAI, Dufry ou Cotomili... Indépendamment de ce que l'on pense personnellement de Navin, de Paul, d'Ashok, de Richard ou de leurs idées... il faudra voter pour eux, ne serait-ce que pour SAVOIR. Si vous préférez ne PAS savoir, votez pour le gouvernement sortant et garantissez-vous les rumeurs et le moins-que-transparent pour encore cinq ans !

On n'arrête pas le progrès ! Et si le progrès est mis à contribution par tous ceux qui peuvent se le payer, les bandits de toutes sortes s'y mettent aussi... On apprenait ainsi cette semaine (l'express 24/09) qu'un drone transportant des cigarettes, des comprimés et deux portables manœuvrait à 20 pieds au-dessus du sol de la cour de l'hôpital de la prison de Beau-Bassin. Le drone fut abattu avec une technologie plutôt primaire: un jet de pierre !

Les arnaques ont toujours existé. Cependant, les arnaques, grâce à l'internet, n'ont plus besoin de se passer en face à face ou de respecter les frontières, car la crédulité des humains, devenus internautes par défaut, ne s'est pas évanouie dans un marché maintenant devenu planétaire. Dans le New York Times, Lilian Approuva, une dissidente russe expatriée, raconte comment la dissidence russe est surveillée et harcelée, entre autres, grâce à l'internet, un peu comme la dissidence chinoise l'est elle-même à l'étranger.

Même les accès biométriquement contrôlés sont abusés pour faussement représenter des victimes, de qui on vole alors des renseignements sensibles ou de l'argent...

La blockchain et la crypto-monnaie, quels que puissent être leurs attributs positifs, sont aujourd'hui plus efficacement utilisées pour blanchir de l'argent et pour masquer des crimes et leurs produits. Les imprimantes 3D améliorées peuvent présentement produire des armes à feu, y compris des pistolets semi-automatiques ou automatiques, en quelques heures et ainsi échapper à tout contrôle.

Le deepfake, qui utilise l'intelligence artificielle, en a rajouté une couche, ouvrant la porte à l'extorsion, les vols d'identité, l'espionnage ou d'autres arnaques. Exiger une rançon (ransomware) d'une compagnie que l'on a bloquée grâce à une infestation de malware est devenu un réel danger et nourrit même assez bien un pays, la Corée du Nord (**). En avril 2022, ce sont presque tous les systèmes gouvernementaux du Costa Rica qui furent bloqués (***)...

Sommes-nous adéquatement protégés, ici ?

La réplique ne peut pas provenir d'une interdiction d'usage généralisée. Le génie est sorti de la lampe et n'y retournera pas ! La seule réplique possible exige que les autorités progressent du «coup de roche» vers les dernières technologies aussi, par exemple, en installant un « dôme » électronique au-dessus des prisons pour automatiquement contrer les signaux contrôlant un drone. Par contre, les Rs 18 milliards de Safe City paraissent être bien trop excessifs pour les résultats obtenus. Le défi véritable, c'est malheureusement que les coquins semblent toujours les plus réactifs pour utiliser les nouvelles technologies...

Business Mauritius a eu raison de questionner les procédés utilisés par le gouvernement pour déballer sa marchandise aux frais du secteur privé, à la veille des élections. C'est une question de principe et de précédent ! Le gouvernement, d'autre part, s'attend, avec raison, à ce que l'on obéisse à ses ordres, sauf s'ils sont tout à fait fouka, je suppose ?

La raison suggérait que le secteur privé en bonne santé finirait par payer si les conventions, les procédés et les lois étaient respectées ; peu importe les conséquences qui en découleraient. Cependant, on en est là parce que les lois du travail et leurs amendements ont, grâce à l'intervention de véritables apprentis sorciers, mené aux confusions actuelles. Accepter que le gouvernement fasse l'économie de respecter les articles 91 à 93 de l'Employment Relations Act, en court-circuitant totalement le National Remuneration Board, est tout simplement à l'encontre de la loi ! Or, nous prétendons être un pays de droit !

Accepter une entorse aux lois ouvre la porte aux hors-la-loi...

Les hommes de loi des deux parties avaient intérêt à s'entendre au plus vite, en faisant, pour une fois, l'économie de « points de droit préliminaires » et abstraction des egos engagés, pour viser directement une solution rapide. C'est donc, à nouveau, le temps de la judicial review qui, faute d'un stay order d'une Cour suprême frileuse, botte en touche, comme pour l'affaire de la CSG, qui ne s'écoute pas depuis 3 ans déjà…! On jugera donc finalement, un autre fait accompli !

Mais l'alerte a été lancée : le secteur privé, dont le gouvernement croyait avoir acheté le mutisme, notamment avec du « dialogue » profitable et le MIC (qui sauvait, en passant et avec raison, le pays, ses emplois, son économie tout autant que les compagnies prises au piège du «désir du prince»), n'avalera pas toutes les couleuvres...

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