Ile Maurice: 32 % des électeurs influencés par les réseaux sociaux, selon Pulse Analytics

29 Septembre 2024

Vendredi, l'internaute Shakil Ramsoonder, qui serait un des administrateurs de la page Facebook Sel Solution Révolution – connue pour ses publications antigouvernementales et qui compte plus de 104 000 abonnés – a été « embarqué » par 20 officiers de la Special Striking Team. Il est rentré la maison depuis, apprendon. N'empêche que sur les réseaux sociaux, les opinions politiques pleuvent par centaines chaque jour, il n'y a qu'à se brancher à l'express.

Mu pour le constater.

Question dès lors : ceux-là ont-ils une quelconque influence sur les votes, la manière de penser ? Sont-ils une indication d'une certaine tendance ou ne faut-il pas du tout d'y fier, tout en sachant que la masse dite silencieuse est souvent celle qui fait pencher la balance lors des élections ?

Il faut savoir tout d'abord que la communication politique a connu une transformation radicale ces dernières années avec l'essor des réseaux sociaux. Si la campagne électorale n'a pas encore officiellement démarré, les affrontements quotidiens entre partis, partisans et élus sont omniprésents sur ces plateformes. La communication politique, devenue plus agressive à l'ère numérique, aura-t-elle donc un impact sur l'électorat ?

Stéphane Adam, créateur de Pulse Analytics, un service spécialisé dans l'analyse des données politiques et comportementales, souligne que selon leurs recherches, « environ 32 % de la population seront influencés, dans une certaine mesure, par le contenu des médias et des réseaux sociaux dans les dernières semaines ou même jours de la campagne électorale ». Les réseaux sociaux, en supprimant les « filtres » des médias traditionnels, soumis à des restrictions via la modération, permettent une communication plus directe, immédiate et permanente.

Contrairement aux journaux, radios ou télévisions qui s'imposent qui plus est des limites éditoriales, les réseaux sociaux offrent aux politiciens un canal où la parole est peu ou pas encadrée. Ce changement donne naissance à une communication souvent plus brutale, où les attaques personnelles et les polémiques prennent le dessus sur les débats de fond. La rapidité avec laquelle l'information se diffuse sur ces plateformes exacerbe ce phénomène, en donnant aux déclarations chocs et confrontations virulentes une large résonance en très peu de temps.

Cette évolution a un impact direct sur les stratégies des partis politiques, qui voient dans ces nouvelles technologies un outil puissant pour influencer l'opinion publique. Les réseaux sociaux permettent de cibler de manière extrêmement précise des groupes spécifiques de l'électorat, notamment grâce à des contenus sponsorisés et des techniques de « ciblage ». Les algorithmes analysent le comportement des utilisateurs pour proposer des contenus susceptibles de les séduire, voire de manipuler leur opinion. Certains partis politiquent n'hésitent pas à recourir à ces stratégies, malgré les questions éthiques qu'elles posent.

Cependant, cette communication digitalisée a un effet paradoxal. Si elle permet aux politiques de construire leur notoriété et d'être présents en continu dans l'espace public, à coups de révélations et vidéos explicatives ou propagandistes notamment, elle entraîne aussi une baisse de la qualité des échanges. Le débat d'idées laisse souvent place à des polémiques stériles, tandis que les enjeux de fond sont relégués au second plan. L'électorat se retrouve noyé dans une masse d'informations qui, parfois, se contredisent ou sont tout simplement fausses.

L'essor des deepfakes illustre bien ce danger. Ces vidéos, créées à l'aide de l'intelligence artificielle (IA), mettent en scène des personnalités qui disent ou font des choses qu'elles n'ont jamais dites ou faites. Cette technologie rend encore plus difficile la distinction entre le vrai et le faux. La manipulation de l'information prend ainsi des proportions inquiétantes, créant une confusion grandissante chez les électeurs.

Outil essentiel

Stéphane Adam souligne par ailleurs que les réseaux sociaux sont devenus un outil essentiel dans le paysage politique moderne. Grâce à des algorithmes sophistiqués et une portée massive, dit-il, ils permettent aux candidats d'interagir directement avec l'électorat et de diffuser leurs messages en temps réel. « Les réseaux sociaux joueront un rôle central, non seulement en tant que plateforme de communication, mais aussi grâce aux technologies de pointe, telles que l'IA et le suivi comportemental avancé », explique-t-il.

Grâce à des outils d'analyse sophistiqués, fait-il ressortir, « nous sommes capables de capter des informations extrêmement détaillées, comme les clics, les vues, les partages ou même le temps passé à regarder un contenu ». Ces données permettent de comprendre avec un haut degré de précision les tendances et affinités politiques des utilisateurs. Contrairement aux sondages traditionnels, où les réponses peuvent être influencées par des biais ou la pression sociale, précise-t-il, ces analyses offrent une vision beaucoup plus fidèle et non biaisée des préférences électorales.

Ces plateformes reflètent-elles vraiment fidèlement l'électorat mauricien ? Pour notre interlocuteur, bien que tous les groupes de la population ne soient pas également représentés en ligne, les outils d'IA et de suivi permettent de combler cette lacune.

« Nous suivons des millions de points de données en temps réel, ce qui nous permet de générer une image extrêmement précise des préférences électorales, souvent plus fidèle que les sondages traditionnels. Nous n'avons pas besoin de demander aux gens leur avis directement, ce qui élimine la pression de donner une réponse socialement acceptable. Au lieu de cela, nous observons leurs comportements réels, ce qui offre une analyse plus juste de l'état d'esprit général de l'électorat », dit Stéphane Adam.

Les gens n'hésitent pas à partager leurs points de vue en ligne, mais beaucoup le font via de faux profils ou de façon anonyme. Stéphane Adam explique que c'est un phénomène que Pulse Analytics observe effectivement, mais cela ne fausse pas les résultats. « Grâce à des algorithmes avancés, nous pouvons détecter les faux profils, les bots ou les comportements anonymes qui cherchent à influencer les discussions. Ce qui nous intéresse, ce sont les grandes tendances comportementales. L'analyse de données massives, couplée à l'intelligence artificielle, nous permet de filtrer les anomalies et de dégager des tendances fiables et représentatives », ajoute-t-il.

Utilisation accrue de l'IA pour des contenus falsifiés

Stéphane Adam est d'avis que les médias en ligne vont jouer un rôle déterminant dans les prochaines élections, avec une montée en puissance de l'utilisation de l'intelligence artificielle, tant pour diffuser de l'information légitime que pour créer des contenus trompeurs. « Nous prévoyons une utilisation accrue de l'IA, notamment à travers des vidéos et des enregistrements falsifiés, mais aussi des contenus authentiques. Ce qui est préoccupant, c'est que l'IA n'a pas encore été totalement maîtrisée par le grand public, ce qui signifie que nous verrons probablement se répandre des tentatives amateures de désinformation », dit-il.

Cependant, les médias crédibles et jouissantes d'une bonne réputation auront la responsabilité d'assurer la vérification des faits. Lorsque les informations sont validées et proviennent de sources fiables, elles auront un impact significatif sur l'opinion publique. Stéphane Adam observe que la communication politique est effectivement devenue plus agressive et cela s'explique en partie par la nature même des réseaux sociaux. Ceux-ci favorisent des interactions directes et parfois instantanées, ce qui peut exacerber les tensions et conduire à des échanges plus virulents.

Cependant, dit-il, cette agressivité ne reflète pas nécessairement l'état d'esprit global de l'électorat. «Grâce à nos technologies d'analyse, nous pouvons aller au-delà du bruit de surface et identifier les tendances et sentiments sous-jacents avec une grande précision. Cela nous permet de comprendre les vraies préoccupations des électeurs, même dans un environnement numérique de plus en plus polarisé », conclut-il.

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