Dans nos dernières Notes, l'académicienne Ramisandrazana Rakotoariseheno, d'après son étude sur les « Notions de Tanindrazana en Imerina à travers l'histoire », écrit que, sous la monarchie, les gens d'Avaradrano connaissent des regroupements forcés, des déplacements sur ordre du souverain, pour peupler des zones vierges, renforcer les nouvelles frontières, redynamiser une nouvelle économie marchande dont certains circuits ont été ravis aux Sihanaka et Bezanozano.
Une économie de monopoles de groupes, régie par un nouveau système statutaire, est alors mise en place dans cette réorganisation territoriale des Tanindrazana des uns et des autres, après la conquêt d'Andrianam-poinimerina. « Si auparavant, l'Imerinatsimo fut la région la plus riche en verrouillant la route de l'Ikopa/Betsiboka, en assurant l'agriculture, et dont les confins furent voués à l'élevage, dorénavant, l'Avaradrano eut le monopole commercial, car la région n'avait guère de rizières et ses groupes de populations reçurent en tutorat des zones agricoles plus riches dans les autres 'toko' pour soulager leurs charges fiscales. »
Ainsi, confirme l'historienne, la réorganisation du territoire est issue d'une nouvelle considération des différentes capacités économiques des uns et des autres, tout en étant complémentaires, du moins en théorie. Mais les déséquilibres, relate-t-elle, ne tarderont plus avec l'intrusion des Européens dans le circuit de la traite, entraînant des bouleversements politiques (Ramisandrazana Rakotoariseheno « L'isolement volontaire de la descendance d'Andriamasintena dans la région de Betafo », communication à l'Académie Malgache en hommage à Simon Ayache, 2018).
Les nouveaux statuts ne sont plus assujettis à la célébrité des grands ancêtres, mais aux rôles historiques dans la consolidation du nouvel État, ajoute-t-elle, et deviennent très vite des groupes de pression économique vers la fin du XVIIIe siècle. Durant les conquêtes d'Andrianampoinimerina, les princes qui font leur soumission, restent dans leurs Tanindrazana, fiefs et apanages, et ceux qui résistent, doivent s'enfuir et leurs terres sont distribuées à d'autres groupes fidèles au roi. La liste des vaincus, informe-t-elle, se trouve dans les « Tantara ny Andriana nanjaka teto Imerina, Histoire des Rois » de P. Callet, 1908 (édition de la Librairie de Madagascar, tome II, p. 400 et 401) et ceux qui se soumettent (p. 402.)
Mais, prévient-elle, la version des « Tantara » « est toujours à prendre avec précaution, car c'est une version des vainqueurs et une histoire censurée et officialisée par la cour du XIXe siècle ». La politique de population relève de la politique tout court qui permet d'anéantir les rivaux, de récompenser les fidèles et d'assurer le monopole du pouvoir, explique-t-elle. Les pouvoirs des Fokonolona et des Loholona s'affaiblissent devant le brassage des groupes aux origines ancestrales diverses, ce qui devient presque irréversible par la suite. « Dans l'Avaradrano, il y eut une mise en commun des terres et des ancêtres, c'est le cas des Tsimahafotsy et des Tsimiamboholahy. »
Pour conclure son étude, l'académicienne Ramisandrazana Rakotoariseheno insiste sur le fait que la conscience de la notion de Tanindrazana est une partie intrinsèque de l'identité malgache. Mais son objet a toujours connu différents espaces au cours de l'histoire et, tributaire des différentes politiques socioéconomiques des souverains dans l'organi-sation permanente des groupes, des territoires et des conquêtes, il nous permet « de relativiser les nomenclatures et les images d'Epinal d'aujourd'hui ».
Selon Jean-Pierre Raison (« Les Hautes Terres de Madagascar et leurs confins occidentaux », 1984), cette politique de population est un système d'intégration des uns et des autres, mais aussi d'encadrement des groupes dans des « structures territoriales et claniques » («Utilisation du sol et organisation de l'espace en Imerina ancienne » Mélanges offerts à Pierre Gourou, Étude de Géographie Tropicale (p. 408-424), même auteur 1972).
En réalité, il n'y a jamais eu de Tanindrazana fixe jusqu'au XIXe siècle, met en évidence l'académicienne. « Ce qui nous permettrait de contribuer à la construction d'un certain patriotisme aux multiples visages en tenant compte de tous ces mouvements de population liés aux anciennes politiques.
En fait, un Malgache avait plusieurs Tanindrazana dans le passé avant d'être définitivement rattaché au dernier Tanindrazana de l'ancêtre récent. La compréhension de l'histoire est un ferment d'une nouvelle solidarité collective et de la cohésion sociale afin d'approfondir ultérieurement l'identité nationale. »