Sénégal: 'Hannibal', une représentation intemporelle de l'émigration irrègulière

Dakar — La pièce théâtrale "Hannibal", présentée en avant-première au Théâtre national Daniel Sorano, part d'une histoire antique pour ouvrir une fenêtre sur le drame de l'émigration clandestine, dans une évidente ambition de faire le lien entre le passé et le présent.

La mise en scène de cette pièce de plus d'une heure (1h10) part d'une vérité souvent occultée, selon laquelle la migration est un phénomène universel que l'on retrouve partout et en tout temps avec une intensité plus ou moins importante.

La migration a traversé toutes les sociétés et tous les âges depuis l'antiquité, en partant par exemple de l'époque de la déesse Elissa, venue d'une ville située pas loin de Babylone pour se retrouver sur les terres carthaginoises, dans la Tunisie actuelle.

Elissa, considérée comme la fondatrice légendaire et première reine de Carthage, a vécu en paix et dans la prospérité avec les peuples de sa terre d'accueil, sur la côte méditerranéenne.

Cette histoire racontée par la pièce "Hannibal" est axée sur les faits d'arme de "Hannibal, le roi guerrier carthaginois".

Elle s'ouvre sur un opéra lyrique de Didon et Ené, sur fond de sonorités qui font remonter au troisième siècle av JC.

Après cette page d'histoire, la pièce revient dans le monde contemporain dans un troisième tableau où de nombreux migrants ont perdu la vie sur ces côtes méditerranéennes.

L'installation d'un imposant rideau de haillons dans ce décor épuré représentant de gens ayant perdu la vie en mer en dit un plus sur l'ampleur du drame de la migration irrégulière, de même que la tristesse des témoignages de femmes ayant perdu leurs enfants à jamais.

Et c'est précisément sur ce point qu'insiste le récit des metteurs en scène belges Michael De Cock, directeur artistique du Théâtre royal flamand de Bruxelles (KVS) et de Junior Mthombeni, histoire de mieux capter l'attention du public, plus réceptif à cette partie de la pièce touchant l'actualité d'un phénomène des plus dramatiques qui concerne au plus haut point le Sénégal.

Ils ont fait le choix de "raconter l'histoire d'un point de vue féminin", avec des mères se souvenant de leurs dernières conversations avec leur fils mais surtout de leur attente d'un éventuel coup de fil qui ne viendra jamais. Un angle sensible qui permet de dénoncer plus habilement la politique d'exclusion de l'Europe.

"[...] Les peuples de la méditerranéenne ont toujours vécu ensemble et maintenant, comme il y a une politique d'exclusion en Europe et des jeunes qui partent dans des pirogues hyper dangereuses, nous avons voulu parler de cela", expliquent les deux réalisateurs.

"Hannibal" qui met en scène des comédiens sénégalais et belges célèbre aussi la fusion de plusieurs arts, à savoir la danse, la musique et le théâtre.

Le directeur général du Théâtre national Daniel Sorano, El Hadji Ousmane Barro Dione, a félicité les comédiens qui n'ont eu, dit-il, que quatre jours pour préparer cette pièce.

S'exprimant en présence d'un représentant du ministre de la Culture, il a fait observer que le thème de la pièce coïncide avec un contexte où la question de l'émigration irrégulière est revenue avec force, un phénomène auquel "il faut rapidement trouver des solutions".

M. Dione soutient que cette pièce participe à la sensibilisation sur la lutte contre ce phénomène, ajoutant que dans ce cadre, la pièce "Hannibal" sera jouée dans plusieurs villes en octobre.

Elle sera présentée à la Maison de la Culture Oumar Sarr de l'Association sénégalaise de l'école moderne, à Dagana (nord), le 4, puis à Louga, le lendemain 5 octobre.

Le centre d'interprétation du delta du Saloum à Toubacouta, à Fatick, va accueillir la pièce le 10 octobre. Ce sera au tour de Rufisque d'abriter une séance, le 11 octobre, au "Kepaaru Maam".

Cette pièce, fruit d'une collaboration du Théâtre national Daniel Sorano, avec le théâtre royal flamand de Belgique, sera enfin représentée à Barcelone en mai prochain, puis en France et à Liège, en Belgique.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.