Il y a un an, les responsables de la lutte contre le changement climatique ont salué les conclusions de la première grande évaluation des progrès réalisés dans le monde pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le « Bilan mondial » se proposait de passer en revue les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, et de demander des comptes aux pays sur ce qu'il leur restait à faire pour relever les défis du changement climatique.
Pendant ce processus de deux ans, à renouveler tous les cinq ans, les spécialistes ont recueilli des données sur les émissions de gaz à effet de serre et sur les efforts consentis pour l'adaptation au changement climatique et son financement, afin que les pays puissent renforcer leurs actions.
Le premier rapport du Bilan mondial, publié en septembre 2023, indiquait clairement que même si l'Accord de Paris avait débouché sur des mesures qui avaient amélioré les prévisions concernant le réchauffement climatique, il fallait faire bien davantage.
Un an plus tard, et à seulement quelques semaines du sommet de la COP29 sur le climat qui doit se tenir à Bakou, en Azerbaïdjan, on ne sait pas très bien quelles recommandations du Bilan mondial sont déjà mises en oeuvre, et jusqu'à quel point.
"Nous devons définir des objectifs clairs qui permettront d'évaluer les avancées réalisées et de vérifier si les engagements en matière d'adaptation au changement climatiques ont été tenus"Saskia Werners Institut pour l'environnement et la sécurité humaine de l'université des Nations Unies
Cependant, des experts qui ont suivi de près ou ont participé au Bilan mondial ont indiqué à SciDev.Net que le financement de la lutte contre le changement climatique, qui sera le principal sujet des débats à la COP29, est fondamental si l'on veut obtenir des résultats.
« Beaucoup de pays affirment que, bien qu'ils se soient mis d'accord sur les objectifs du Bilan mondial, ils ne peuvent pas les mettre en oeuvre faute de financement », a indiqué Marine Pouget, conseillère pour la gouvernance mondiale de la lutte contre le changement climatique chez Réseau Action Climat France, qui a publié des documents de synthèse et a coordonné la mobilisation autour du Bilan mondial.
Négociations difficiles
La prochaine conférence sur le climat, en Azerbaïdjan, devra déterminer les montants nécessaires pour mettre en oeuvre les objectifs en matière de climat, avec un minimum de 100 milliards de dollars par an et en tenant compte des besoins des pays à faible revenu.
Mais la date de la conférence approche, et l'écart entre les besoins et les sommes disponibles semble toujours important.
« Je crois que les négociations sont vraiment difficiles », a déclaré à SciDev.Net Niklas Höhne, expert en politique climatique et co-fondateur du en Allemagne. Il ajoute que la situation géopolitique difficile qui prévaut actuellement peut aussi affecter les avancées en matière de lutte contre le changement climatique.
Il dit espérer qu'un groupe de pays riches mettra sur la table une proposition de financement très concrète pour sortir les discussions de l'impasse, en disant « voici notre contribution », ce qui permettrait de faire bouger les choses.
Mais, ajoute-t-il, « pour le moment, les choses n'avancent pas ». Pour les pays qui luttent contre le changement climatique avec un budget limité, cela pourrait présenter un problème.
Paulo Artaxo, professeur de physique environnementale à l'université de São Paulo, dit ne pas attendre grand-chose de la COP29, surtout quand on sait les liens qu'entretient l'Azerbaïdjan avec l'industrie des énergies fossiles, et à quel point le pays en dépend.
« Ils finiront par apporter une certaine aide financière pour que les pays en développement puissent atténuer les effets du nouveau climat et s'y adapter, mais ce sera une partie infime de ce qu'il faut », a-t-il indiqué à SciDev.Net.
Une adaptation partielle
Beaucoup de pays à revenu faible et moyen qui sont durement touchés par le changement climatique ont un besoin urgent de mesures pour s'adapter, mais n'ont pas forcément les ressources pour les mettre en oeuvre.
Au Brésil, par exemple, le nombre de jours où les précipitations dépassent les 100 millimètres a été multiplié par quatre depuis un siècle, indique Paulo Artaxo. En conséquence, une grande ville comme São Paulo, qui abrite 22,8 millions d'habitants, doit revoir en profondeur son système d'évacuation des eaux. Sans parler de la nécessité d'adapter le système de santé du pays pour gérer les vagues de chaleur, fréquentes, a-t-il expliqué.
« Cela coûtera des centaines de milliards de dollars, et le Brésil n'a pas cet argent », a-t-il ajouté.
Pourtant, la situation au Brésil est bien meilleure que celle de pays voisins plus pauvres, comme le Pérou ou la Bolivie, dit-il.
Saskia Werners est responsable scientifique à l'Institut pour l'environnement et la sécurité humaine de l'université des Nations Unies, membre de l'Alliance de recherche sur l'adaptation. Son équipe a produit un document de travail sur l'adaptation au changement climatique pour le Bilan mondial.
Selon elle, seuls 51 pays avaient mis en place des plans nationaux d'adaptation quand le Bilan mondial a été inauguré, et les efforts déployés en termes d'adaptation sont toujours insuffisants. « Ils sont toujours assez partiels et répartis de façon inégale dans les différentes régions », a-t-elle indiqué.
Mais il est important de s'adapter « parce que nous devons admettre que le changement climatique est une réalité », a-t-elle ajouté.
Saskia Werners a indiqué qu'elle ne savait pas jusqu'à quel point les parties prenantes à la COP29 pourront faire pression pour obtenir plus de financement et plus d'attention pour l'adaptation, lors de la conférence de Bakou.
Mais il y a à l'heure actuelle une volonté d'atteindre un niveau pratiquement équivalent au financement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, par exemple, a-t-elle ajouté.
Certes, il est plus difficile de définir des objectifs mondiaux concernant l'adaptation parce qu'il s'agit de problématiques et de solutions locales différentes.
« Nous devons définir des objectifs clairs qui permettront d'évaluer les avancées réalisées et de vérifier si les engagements en matière d'adaptation au changement climatiques ont été tenus », a ajouté Saskia Werners.
"Processus lent"
En 2015, le principal objectif de l'Accord de Paris, un traité décisif, était de maintenir la hausse des températures moyennes mondiales à moins de 1,5 degrés par rapport aux niveaux préindustriels.
Huit ans plus tard, le Bilan mondial a montré que le monde avait pris du retard dans la réalisation de cet objectif.
Les parties prenantes ont deux ans pour réagir aux recommandations du rapport, « alors il est probable que, si on leur posait la question aujourd'hui, elles diraient qu'elles y travaillent encore », a déclaré Marine Pouget, du Réseau Action Climat France.
Saskia Werners, de l'université des Nations unies, estime qu'il est difficile de dire si les recommandations ont déjà été mises en oeuvre au cours de l'année écoulée, depuis la publication du rapport du Bilan mondial, étant donné que de tels processus sont généralement lents.
Elle ajoute toutefois qu'il il y a peut-être une raison d'être optimiste : c'est l'engagement des pays pour mettre en oeuvre des systèmes d'alerte précoce d'ici 2027 pour protéger les populations contre phénomènes météo extrêmes. Selon elle, il s'agit de l'un des engagements les plus concrets qui aient résulté du Bilan mondial.
Cet article a été produit avec le soutien de l'Adaptation Research Alliance (Alliance de recherche sur l'adaptation, ARA), une coalition mondiale qui finance la recherche appliquée pour aider à trouver des solutions d'adaptation au changement climatique, et à réduire les risques associés au changement climatique. Le secrétariat de l'ARA est hébergé dans les locaux de SouthSouthNorth, un cabinet de consultants à but non lucratif spécialisé dans la résilience climatique, basé dans la ville du Cap, en Afrique du Sud.