En République démocratique du Congo (RDC), la polémique enfle autour de l'éventualité d'une révision de la Constitution. Le débat a été relancé suite à une proposition du secrétaire général de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel, qui a fait un plaidoyer dans ce sens, le weekend écoulé, au cours d'un meeting populaire.
Augustin Kabuga, puisque c'est de lui qu'il s'agit, fonde son argumentaire sur deux justificatifs essentiels pour appeler à cette révision de la loi fondamentale. Primo, la durée du mandat présidentiel qui, à son avis, n'atteindrait pas les cinq ans en raison de diverses contingences au nombre desquelles les négociations pour la formation du gouvernement qui ont largement empiété sur le quinquennat.
L'autre argument invoqué est l'origine de la Constitution qui, selon lui, a été « élaborée par des étrangers ». Des arguments aussi spécieux qu'ils ne manquent pas d'interroger sur le bien-fondé de cette proposition de révision constitutionnelle qui a suscité une vive réaction de l'opposition et de la société civile.
Cette proposition de révision constitutionnelle traduit tout le drame de nos démocraties
Lesquelles dénoncent des déclarations tendancieuses visant à semer la confusion dans les esprits. Le moins que l'on puisse dire est que la question de la révision de la Constitution reste, en RDC, comme un peu partout ailleurs en Afrique, un sujet assez sensible.
Et on voit d'autant plus venir le parti au pouvoir que le président Félix Tshisekedi a récemment annoncé son intention de mettre en place une commission nationale pluridisciplinaire chargée de réviser la Constitution, avec pour mission essentielle de mener des réflexions approfondies afin de doter le pays d'une Constitution qui réponde au mieux aux aspirations des populations. Une démarche d'autant plus noble que c'est l'intérêt des populations qui est ici mis en avant.
Sauf qu'en Afrique, ce genre de révision constitutionnelle n'est jamais anodin. Car, derrière ce que l'on fait passer généralement pour les intérêts du peuple, se cachent bien souvent des intentions malveillantes visant à servir des intérêts politiques partisans, en l'occurrence ceux des forts du moment. Et c'est toujours comme cela que ça commence !
C'est pourquoi l'on se demande si la proposition du secrétaire général du parti au pouvoir, n'est pas une manoeuvre symptomatique d'un désir de maintien du président Félix Tshisekedi au pouvoir. La question est d'autant plus fondée que le timing de cette proposition de révision constitutionnelle qui intervient en plein second mandat du fils d'Etienne, est loin d'être banal. Autrement, pourquoi maintenant ? Seules les autorités au pouvoir à Kinshasa peuvent répondre à cette question.
Les mêmes velléités de révision constitutionnelle calculée, ont toujours produit les mêmes troubles politiques
Toujours est-il que même si, pour le moment, la question d'un éventuel troisième mandat du locataire du palais de la Nation n'est pas officiellement à l'ordre du jour, l'argument de la remise à zéro des compteurs pour remettre en selle le prince régnant, en cas de révision de la Constitution, est une rengaine trop serinée dans nos républiques bananières pour qu'une telle proposition de révision constitutionnelle laisse l'opposition sans réaction.
Toujours est-il que sans faire dans le procès d'intention, il serait indécent que le président Tshisekedi s'adonne à un tel jeu de calcul malsain, après avoir ferraillé dur contre son prédécesseur Joseph Kabila qui a été contraint au renoncement dans les conditions que l'on sait. Toute chose qui a ouvert les portes du pouvoir à Fashi dans les conditions que l'on sait aussi.
Et le président congolais doit d'autant plus se départir de telles idées malsaines que la RDC n'a pas besoin d'ajouter une crise politique à la crise sécuritaire qui reste un énorme défi pour son pouvoir, cinq ans après son accession à la tête de l'Etat. Au-delà, cette proposition de révision constitutionnelle qui fait déjà couler encre et salive en RDC, traduit tout le drame des démocraties tropicales dont on se demande si les gens y croient.
Car, quand on est dans l'opposition, on ferraille contre les tenants du pouvoir et une fois aux affaires, on ne fait pas mieux, si ce n'est pire, que ceux qu'on est venu remplacer. Quant aux textes, tout porte à croire qu'ils sont bons quand ça nous arrange ; autrement il faut les changer en les taillant presque toujours, comme par hasard, à la mesure des forts du moments. C'est une mascarade qui doit cesser en ce qu'elle donne finalement raison à ceux qui pensent que l'Afrique n'est pas mûre pour la démocratie.
Pourtant, à y regarder de près, c'est moins la démocratie qui est en cause sur le continent noir que les acteurs politiques qui ont du mal à en enfiler le bon costume. En tout état de cause, les mêmes velléités de révision constitutionnelle calculée ont toujours produit les mêmes troubles politiques sur le continent africain avec les conséquences que l'on sait. Et Félix Tshisekedi aurait tort de penser que ça n'arrive qu'aux autres.