BUKAVU — La culture de la banane dans la province du Sud-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), est menacée par le wilt bactérien, une maladie qui attaque les bananiers.
Dans le territoire de Bushi (Kabare, Wulungu, Kalehe, une partie du territoire de Mwenga), jadis considéré comme un pôle de production, et dans la plaine de la Ruzizi, des plantations de bananiers ont été attaquées par cette bactérie. Et dans certains villages du territoire de Kabare ou encore de Walungu, des bananeraies ont été complétement décimées...
Selon Janvier Mugisho, phytopathologiste à l'Université évangélique en Afrique (UEA), le wilt bactérien est une maladie dévastatrice qui affecte principalement les bananiers en Afrique. Elle est causée par la bactérie Xanthomonas campestris pv. musacearum.
"En renforçant les capacités des agriculteurs et en adoptant des techniques durables, on peut réduire l'impact de cette maladie sur les cultures et améliorer la sécurité alimentaire dans la région"Désiré Kasole, ALPPROSO
« Ces minuscules créatures unicellulaires commencent à se développer une fois qu'elles sont à l'intérieur de la plante et créent la bave qui apparaît lorsqu'une plante infectée est coupée en morceaux. Les insectes et les instruments de coupe qui sont entrés en contact avec cette bave bactérienne peuvent propager la maladie », explique-t-il à SciDev.Net.
Le phytopathologiste précise que le wilt bactérien peut être transmis par des insectes tels que les abeilles et les scarabées, qui transportent la bactérie d'une fleur infectée à une autre ; mais aussi par l'utilisation d'outils contaminés comme les machettes ou les couteaux qui coupent des plantes infectées.
Les éclaboussures d'eau lors de fortes pluies, l'irrigation, l'utilisation des plantes infectées ou des greffons contaminés dans les nouvelles plantations favorisent également la propagation de cette maladie.
La bactérie se propage plus rapidement dans des conditions chaudes et humides, favorisant sa dissémination dans des zones tropicales, fait savoir Rodrigue Basengere Ayagirwe, chercheur agronome à l'université évangélique en Afrique (UEA).
Conséquences néfastes
C'est depuis de nombreuses années que cette maladie affecte des plantations de bananiers dans le Sud-Kivu. En 2017, plus de 400 hectares de plantations de bananiers avaient déjà été détruits par le wilt bactérien de la banane.
Sa propagation entraine des conséquences néfastes, notamment la perte totale de rendement, avec une production de régimes non comestibles, la mort prématurée des plantes. Ce qui entraîne une diminution rapide du couvert végétal dans les plantations et la contamination des sols, car la bactérie peut rester présente dans les débris végétaux et affecter de nouvelles plantations, précise Janvier Mugisho.
Il ajoute que dans certaines zones rurales, la banane est l'aliment de base pour les populations, et sa destruction peut entraîner une famine locale.
« Lorsque les plantations de bananiers sont touchées, cela affecte les marchés locaux et la chaîne d'approvisionnement, créant une récession dans les communautés rurales. La destruction des moyens de subsistance peut pousser certaines familles à migrer vers les zones urbaines, aggravant ainsi les problèmes sociaux et économiques des villes », estime cette source.
Un constat partagé par Rodrigue Basengere Ayagirwe. Le chercheur affirme que le wilt bactérien est à l'origine de la baisse significative de la production de banane dans la région, du fait de la destruction des cultures.
« Cette maladie a aussi un impact négatif sur le plan économique. Puisqu'elle est à la base des pertes financières pour les agriculteurs, affectant l'économie locale, la pauvreté et l'insécurité alimentaire. Elle augmente la vulnérabilité alimentaire dans les communautés dépendantes de la banane », soutient-il.
L'impact de cette maladie sur la production de banane se fait ressentir dans les marchés. À Burhinyi, dans le territoire de Mwenga par exemple, quatre doigts de banane du type « gros-Michel » se négocient à 1 000 francs congolais (0,35 dollar). Et pourtant, cette même quantité coutait 100 francs congolais (0.035 US dollar), il y a quelques années.
Système de surveillance
Malgré la gravité de la situation, les autorités locales tardent à prendre des initiatives de lutte contre la propagation de cette maladie. Or, Désiré Kasole, ingénieur agronome et coordinateur de l'organisation Actions de lutte contre la pauvreté et pour la promotion sociale (ALPPROSO), pense qu'il faut mettre en place des systèmes de surveillance pour détecter les foyers d'infection rapidement.
La lutte contre le wilt bactérien, poursuit-il, nécessite une approche collective, combinant la sensibilisation, de bonnes pratiques agricoles et le soutien institutionnel.
« En renforçant les capacités des agriculteurs et en adoptant des techniques durables, on peut réduire l'impact de cette maladie sur les cultures et améliorer la sécurité alimentaire dans la région », argumente Désiré Kasole.
Pour Janvier Mugisho, le contrôle du wilt bactérien requiert une combinaison de pratiques préventives et de gestion, telles qu'éliminer les plantes infectées, arracher et brûler les plants atteints pour limiter la propagation, désinfecter les outils de coupe après chaque utilisation, en particulier lorsqu'on travaille sur les plantes suspectes.
Il pense que l'éducation des agriculteurs peut aussi aider à combattre cette bactérie. Il faut sensibiliser les producteurs à identifier les premiers signes de la maladie et aux bonnes pratiques agricoles pour éviter la propagation, précise-t-il.
« On doit aussi songer à l'utilisation de variétés résistantes, parce que dans certaines régions, des variétés de bananiers résistantes au wilt bactérien ont été développées. Il est aussi impérieux de faire de la surveillance à travers des inspections régulières des plantations pour détecter et éliminer les foyers précoces de la maladie », souligne le phytopathologiste.
Rodrigue Basengere Ayagirwe rappelle qu'il est aussi conseillé d'intégrer la rotation des cultures pour réduire la pression de la maladie, de cultiver des espèces non hôtes (comme des légumineuses) pour améliorer la santé des sols qui recevront les bananiers.
Il propose aussi d'utiliser des techniques de conservation, comme le compostage, pour améliorer la structure du sol et de maintenir un bon drainage pour éviter l'accumulation d'eau, propice au développement de la maladie.