Afrique: Méditerranée - Le HCR et l'OIM plaident pour une meilleure protection des migrants et des réfugiés

30 Septembre 2024

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation en Méditerranée, deux hauts responsables du HCR et de l'OIM ont plaidé lundi pour une nouvelle collaboration avec les Etats de transit pour éviter aux migrants des voyages périlleux.

« Malgré nos plaidoyers, et nos efforts d'assistance aux États pour soulager la souffrance humaine - nous assistons toujours à la tragédie de vies perdues en mer et sur les routes terrestres », a constaté Sivanka Dhanapala, Directeur du bureau de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à New York, devant les membres du Conseil de sécurité.

Depuis l'année dernière, le nombre de personnes traversant la Méditerranée depuis l'Afrique du Nord a considérablement diminué. Cependant, selon lui, on observe peu d'améliorations de l'accès à la protection le long des principales routes pour les réfugiés et les demandeurs d'asile.

Au contraire, « nous avons assisté à une nouvelle augmentation des difficultés liées à l'accès au territoire et à l'asile », a-t-il confirmé, comme en témoigne l'augmentation des interceptions et des expulsions collectives et la poursuite des arrestations et détentions arbitraires.

À ces risques s'ajoutent les multiples dangers liés aux déplacements le long des routes terrestres en Afrique vers la Méditerranée.

Un rapport conjoint du HCR, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Centre de migration mixte publié cette année a noté les risques élevés de décès, de violence sexiste, d'enlèvement contre rançon, de traite, de vol et d'autres violences physiques auxquels sont confrontées les personnes qui se déplacent.

Une nouvelle approche pour protéger les migrants

Sivanka Dhanapala a détaillé une nouvelle approche du HCR et de ses partenaires visant à améliorer la protection des migrants le long de leurs principaux itinéraires.

« Cette approche représente un changement en faveur de réponses plus humaines, mais aussi plus efficaces de la part des Etats. Elle vise à offrir des alternatives aux voyages dangereux notamment en renforçant les systèmes d'asile, l'identification précoce et l'orientation des réfugiés ainsi que des migrants », a-t-il expliqué. Il s'agit également de renforcer l'accès aux services ainsi qu'aux opportunités économiques et d'accroître les voies d'accès sûres, ordonnées et régulières, a-t-il ajouté.

De multiples facteurs contribuent aux migrations

« Les défis ne commencent pas en Afrique du Nord », a-t-il rappelé, prônant une réponse interrégionale dès le point de départ des voyages. Il a cité l'exemple de la détérioration de la situation de protection au Mali et au Soudan, qui se répercute sur les pays d'Afrique du Nord, comme l'Egypte, la Libye et la Mauritanie. Depuis le début de l'année, l'HCR a ainsi dénombré plus de 350.000 réfugiés et demandeurs d'asile, dont de nombreux Soudanais, en quête de protection en Afrique du Nord.

Le Directeur du bureau de l'OIM auprès des Nations Unies, Pär Liljert, quant à lui, a évoqué une convergence de facteurs défavorables dans les pays d'origine et de transit qui alimente la migration en provenance de l'Afrique de l'Est, de la Corne de l'Afrique et de l'Afrique de l'Ouest.

Les opportunités économiques restent rares et la flambée des prix des denrées alimentaires a rendu la subsistance quotidienne toujours plus difficile. Selon les données de la matrice de suivi des déplacements de l'OIM de 2023 et 2024, les raisons économiques (44 %), la guerre et les conflits (29 %) et le désir d'échapper à la violence personnelle ou ciblée (26 %) sont les principaux facteurs qui poussent les migrants à quitter leur pays d'origine.

Les défis dans les pays d'accueil jouent souvent un rôle. En Libye, 69 % des migrants interrogés en juin et juillet de cette année par l'OIM ont déclaré que les prix élevés des denrées alimentaires avaient contribué à leur décision de quitter la Libye, tandis que 63 % ont cité des salaires journaliers faibles ou en baisse.

« La dévastation causée par les catastrophes, exacerbée par le changement climatique, a aggravé ces difficultés », a-t-il ajouté. « Face aux conflits, à la violence et à l'instabilité politique beaucoup n'ont eu d'autres options que la fuite. Il n'est pas étonnant qu'en l'absence d'alternatives viables, des milliers de personnes décident d'entreprendre des voyages périlleux à la recherche d'une vie meilleure et d'une plus grande sécurité ».

Le péril de la voie maritime

Le Directeur du HCR à New York a estimé que 134.000 réfugiés et migrants ont emprunté la voie maritime depuis l'Afrique du Nord et de l'Ouest vers l'Europe, soit 24% de moins qu'en 2023. Alors que les arrivées en Italie ont diminué, le nombre de personnes débarquées dans le nord de l'Afrique ont légèrement augmenté, avec près de 33.000 personnes débarquées en Tunisie et plus de 14.000 en Libye

Selon le Projet de l'OIM sur les migrants disparus en 2024, quelque 1.450 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée. Ce nombre représente une baisse de 44 %, par rapport aux 2.609 personnes de la même période en 2023. Mais selon elle, une capacité de recherche et de sauvetage prévisible, suivie d'un débarquement dans un lieu sûr, reste un besoin critique en Méditerranée.

Des conditions difficiles en Libye

Le HCR, comme l'IOM, s'inquiètent particulièrement des conditions en Libye où 97.000 réfugiés soudanais sont arrivés depuis avril 2023, dont 65.000 par le passage frontalier d'Alkufra, en raison de l'escalade du conflit au Soudan.

La Libye a signalé un changement dans le profil des arrivées, avec un nombre nettement plus important de femmes et d'enfants, qui entraine à son tour de nouvelles formes de traite le long de la route, notamment l'exploitation sexuelle et le travail des enfants.

En Tunisie, le gouvernement a suspendu certaines modalité de traitement de dossiers d'immigration, qui pénalisent des réfugiés fuyant les conflits du Soudan et du Sahel. Le HCR plaide pour des mesures provisoires dans ce pays et tente, dans tous les Etats concernés de développer une architecture juridique permettant aux Etats d'honorer leurs obligations juridiques en matière de protection des réfugiés.

Aider les Etats à répondre à leurs obligations juridiques.

« Il s'agit, explique Sivanka Dhanapala, de reconnaître l'importance du droit de demander asile aux frontières sans être refoulé violemment. Une approche basée sur les itinéraires appelle également à établir des voies migratoires légales et appropriées pour les migrants et réfugiés ».

Sivanka Dhanapala a ainsi rappelé aux Etats membres la nécessité de garanties en matière de droits de l'homme, d'une amélioration de l'accès à la protection étatique, et d'un renforcement des sauvetages en mer.

Il a par ailleurs demandé une meilleure coordination pour les poursuites contre les passeurs et trafiquants, comme des efforts pour l'insertion des migrants. Et de s'attaquer aux causes profondes de ces mouvements humains, tels que la pauvreté, le changement climatique et l'instabilité politique. « Avec l'escalade récente du conflit au Moyen-Orient, d'autres mouvements sont possibles », a-t-il conclu.

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